Même si ces amendements ne sont pas rétroactifs, ils promettent de déclencher de fortes polémiques. La torture, jamais admise explicitement dans la législation algérienne, est devenue un point noir à effacer absolument. «Une preuve supplémentaire, estiment des sources, de la volonté présidentielle de tourner définitivement la page de ces années noires et de se tourner vers un avenir où les droits des groupes et des individus seront autant codifiés que respectés.» Outre le code civil, dont nous avions fait état dans une précédente édition, les amendements fort importants apportés au nouveau code pénal abondent également dans ce sens. Ainsi, si la peine de mort a toutes les chances d'être abolie, comme le demande l'Occident et comme l'a laissé entendre la presse, il n'en sera rien quand il s'agira de meurtres, assassinats, parricides, infanticides et tortures. L'article 263 bis définit cette dernière comme suit: «On entend par torture tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales sont intentionnellement infligées à une personne quel qu'en soit le mobile.» «Quel qu'en soit le mobile» sous-entend donc qu'il est désormais défendu de torturer même dans le but d'obtenir des informations, parfois capitales, pouvant servir à arrêter des groupes terroristes ou à empêcher des attentats. Une avancée carrément révolutionnaires au regard de tout ce que notre pays a vécu. L'article 263 bis 1 s'appesantit sur les peines pour préciser qu'«est puni de cinq à dix ans de réclusion à temps et d'une amende de 100.000 à 500.000 DA, toute personne qui exerce, provoque ou ordonne l'exercice d'un acte de torture sur une personne». L'alinéa suivant ajoute que «la torture est passible de la réclusion à temps de dix à vingt ans et d'une amende de 150.000 à 800.000 DA lorsqu'elle précède, accompagne ou suit un crime autre que le meurtre». L'article 263 bis 2 s'intéresse aux autres cas de figure, notamment l'implication, formelle ou informelle, de l'Etat dans ce genre de dérives très graves. Il souligne ainsi qu'«est puni de dix à vingt ans de réclusion à temps et d'une amende de 150.000 à 800.000 DA, tout fonctionnaire qui exerce, provoque ou ordonne l'exercice d'un acte de torture, aux fins d'obtenir des renseignements ou des aveux ou pour tout autre motif. La peine est la réclusion à perpétuité lorsque la torture précède, accompagne ou suit un crime autre que le meurtre». Même le fait de se taire sur les abus constatés de visu entraînerait des peines d'emprisonnement ainsi que de lourdes amendes. L'ensemble de ces mesures, qualifiées de «révolutionnaires», prouvent, selon nos sources, la volonté de Bouteflika de joindre le geste à la parole lorsqu'il disait que l'Algérie était une maison de verre et que, dès lors, aucun sujet ne devait être considéré comme tabou ni aucun crime demeuré impuni.