Les occupants des chalets restent les plus vulnérables. Il pleut la chaleur. Alger suffoque. Bien qu'habitués à des températures plus ou moins élevées, on fait comme on peut, pour s'acclimater à la canicule qui sévit depuis trois jours. De la place Maurice Audin, située au coeur d'Alger à la rue Larbi Ben M'hidi, le va-et-vient habituel a pris un sérieux coup de fouet. Brasseries, cafés, tavernes et autres lieux «rafraîchissants» sont pris d'assaut par les citoyens. «Plus qu'avant, les gens achètent de l'eau minérale, en petites et grandes bouteilles, les boissons gazeuses, les jus...» jubile un cafetier de la rue de Tanger, heureux sans doute, de voir ses ventes ainsi accrues. Plus loin, un marchand de glaces, le front dans le «frigo», s'affaire tant bien que mal à satisfaire les dizaines de personnes, femmes et enfants agglutinées autour de son magasin. «J'ai dû renforcer les stocks pour faire face à la demande croissante, notamment durant ces deux jours» explique-t-il. D'autres encore - ils sont plus nombreux ceux-là - n'ont pas vu mieux que d'aller «éteindre le brasier» dans les plages qui entourent, d'est en ouest, la capitale. Les plus audacieux occupent les lieux balnéaires jusqu'à une heure tardive de la soirée s'offrant le plaisir d'un dîner au bord de l'eau, bercés par le bruit des vagues. Surpris, lundi soir, par le bulletin «alerte» des services météorologiques annonçant, via les médias, des pics de chaleur pouvant atteindre 46 degrés à l'ombre, les habitants d'Alger, comme ceux des autres villes du pays, ont été pris de court. Alors que d'aucuns avaient misé sur une fin de saison plus clémente et un retour progressif aux normes saisonnières, la nature, elle, n'entend pas les choses de la même oreille. Durant trois jours, lundi, mardi et mercredi, ce qu'on redoutait tant est arrivé, Alger est devenue un étouffoir. Quant aux moyens, notamment les climatiseurs, leurs prix restent, en dépit de la diversité du produit et la concurrence sur le marché, hors de portée des bourses modestes. Les coûts varient entre 30.000 et 80.000 DA selon la particularité de chaque produit. A défaut donc d'une aération «sophistiquée», on se rabat sur les ventilateurs classiques que les marchands proposent à des prix largement plus accessibles, allant de 3000 à 6000 DA. C'est ainsi que même la qualité de l'aération diffère d'une famille à une autre. «On étouffe! Midi passé, je prends ma femme et mon bambin pour élire domicile, jusqu'en début de soirée, dans la plage avoisinante» raconte, Ahmed Z. 42 ans, comptable à la Snvi, qui, sinistré du séisme du 21 mai dernier, occupe, à ce jour, un chalet situé à la sortie ouest de la ville d'Aïn-Taya, à une trentaine de kilomètres à l'est d'Alger. Si partout ailleurs les pics caniculaires «records» se font lourdement sentir, à l'intérieur des chalets, la vague de chaleur est doublement suffocante. Car le bois, explique Ahmed, est l'une des matières qui retiennent le plus la chaleur. A l'intérieur du site, où sont logés, depuis l'automne dernier, une centaine de familles venant de nombreuses communes et autres régions limitrophes, Réghaïa, Bordj El Bahri, Belcourt, Bourouba mais aussi Aïn Taya, la vie est soumise à un rythme difficile, depuis que la canicule s'est abattue sur le pays telle une chape de plomb. Hormis la plage, qu'envahissent en nombre les occupants des chalets, aucune autre destination n'est à même de soulager leur «souffrance». Souffrance traduite aussi par l'apparition sporadique de certaines maladies. Ainsi, ont été constatés aussi chez quelques personnes, des cas d'insolation, des difficultés respiratoires chez les asthmatiques. Quoi qu'il en soit, parmi les effets et les lourdes conséquences engendrées par cette vague de chaleur qui «calcine» depuis trois jours, de nombreuses régions du pays dont la capitale, apparaît la disparité souvent «injuste» entre les modes de vie, celui des riches et celui misérable, des pauvres.