L'inflation retrouvera-t-elle la spirale infernale que les pouvoirs publics ont eu beaucoup de mal à juguler, à coups d'augmentations de salaires massives? La semaine écoulée, plusieurs informations ont circulé sur l'ampleur de la surfacturation et de son impact concomitant sur la fraude à l'importation, sachant que la facture atteint depuis quelques années plus de 60 milliards de dollars. La sonnette d'alarme a été tirée sitôt le prix du baril de pétrole tombé à moins de 70 dollars, mais entre la mise en question d'une gabegie effarante et sa remise en cause effective, il y a un pas qui n'a pas encore été véritablement franchi. Le noeud gordien de cette machine à transférer des montants effarants - 400 millions de dollars selon la toute dernière révélation des Douanes -, tourne autour de la surfacturation des produits importés, de sorte que les gains sont beaucoup plus conséquents avec un double jeu qui profite à la fois d'un coût biaisé et d'un taux de change officiel avantageux. Qui profite réellement de cette situation ubuesque? Pas les entreprises qui recourent à des importations de matières premières indispensables à la fabrication de produits revendus sur le marché national et accessoirement exportés à des niveaux plus symboliques qu'autre chose. C'est le cas de nombre de sociétés dans les secteurs pharmaceutique, électronique ou alimentaire, entre autres. Du fait même de l'écart exagérément soutenu du taux de change officiel et du taux de change sur le marché informel des devises, une stratégie de transfert illégal de capitaux semble avoir été mise en oeuvre au profit d'une caste d'importateurs véreux qui ont inondé, depuis plus de cinq ans, le marché national en produits manufacturés, cosmétiques soi-disant haut de gamme, fruits exotiques, etc, non compris les nombreux produits dont les dates limites de péremption font ressortir le caractère absurde d'un contrôle purement fictif en amont comme en aval des procédures. Face à cette problématique dont la nécessaire correction n'est apparue qu'avec la réduction inquiétante des ressources du pays générées par les hydrocarbures, il y a, certes, la mise en garde du gouverneur de la Banque d'Algérie qui, à plusieurs reprises, a souligné l'urgence d'une politique adaptée aux nouvelles exigences de la conjoncture économique et financière. Mais elle revêt davantage de prégnance avec la sortie toute récente du directeur Mena du Fonds monétaire international qui recommande «une accélération des réformes», condition impérative d'une gestion avisée, en ces temps de baisse sensible des revenus pétroliers. Il ne faut pas se leurrer, en effet, le cours du baril ne reviendra pas de sitôt aux niveaux des 100 dollars, comme on a pris l'habitude de l'imaginer, tout au plus on peut espérer qu'avec le rééquilibrage graduel des cours du gaz de schiste et de ses dérivés, il pourra se maintenir à hauteur des 50-55 dollars. Encore faut-il, pour cela, que les pays producteurs, notamment les membres de l'Opep, puissent s'entendre sur un partage équitable des niveaux de production, une entente du domaine de l'illusion depuis quelques mois. C'est dans une telle conjoncture que plusieurs entreprises et prestataires de services comme les importateurs de véhicules ont annoncé, depuis les deux ou trois dernières semaines, d'importantes augmentations des prix de leurs produits, certaines allant de 20 à 30%! Ce ne sont pas tant les explications laborieuses qui sont avancées qu'on doit retenir, mais plutôt leurs incidences directes et indirectes sur le pouvoir d'achat dans son ensemble du citoyen lambda, sachant qu'une famille peut à la limite se désinvestir de l'acquisition programmée d'un véhicule mais ne saurait en aucun cas se détourner d'un achat de médicaments, fût-il ruineux. Ces augmentations vont avoir, qu'on le veuille ou pas, un effet boule de neige sur la quasi-totalité des activités commerciales, y compris celles qui ne sont pas directement connectées aux filières concernées, et, du coup, l'inflation retrouvera-t-elle la spirale infernale que les pouvoirs publics ont eu beaucoup de mal à juguler, à coups d'augmentations de salaires massives destinées pour la plupart à acheter la paix sociale? Or, le temps n'est plus où on pouvait se permettre ces fuites en avant.