Pendant près d'un siècle le texte de la loi de 1905 ne fut pas interrogé. Il a fallu l'avènement d'une visibilité de l'islam des Français musulmans des nouvelles générations, pas celles des tirailleurs sur les champs de bataille ou celle des tirailleurs bétons, les fameux chibanis. En 2003, la loi subit un changement en ce qui concerne le port de signes religieux ostensibles à l'école. Dans le même ordre, l'exception cultuelle de l'Alsace-Lorraine est plus que jamais affirmée par le Conseil constitutionnel en février 2013. En 2004, Nicolas Sarkozy s'interrogeait sur une possible modification de la loi de 1905 sans toutefois en remettre en cause les fondements. Il propose de donner à l'Etat les moyens de pouvoir contrôler efficacement le financement des cultes, de libérer le culte musulman français de la tutelle de pays étrangers et ainsi de pouvoir limiter l'influence de ces pays sur la communauté musulmane de France. Ce contrôle impliquerait comme effet secondaire des facilités accordées par l'Etat en matière de formation des agents des cultes, en mettant par exemple à disposition des enseignants pour les matières non religieuses pour la formation des prêtres, pasteurs ou imams. Si la République est équidistante des spiritualités elle doit dans une même considération s'adresser aux unes et aux autres des religions. Sait-on que pendant le mois de janvier il y eut plus de 200 actes islamophobes autant que durant toute l'année 2014. Les musulmans doivent-ils s'organiser pour se défendre comme le fait d'une façon illégale le Crif avec le Bétar organisation paramilitaire qui a pignon sur rue à Paris? Le dérapage contrôlé du Crif On peut reprocher beaucoup de choses au Crif, notamment sa proximité avérée avec Israël accusant les jeunes des banlieues d'importer le conflit israélo-palestinien en France. «Toutes les violences aujourd'hui sont commises par des jeunes musulmans», a affirmé le président du Conseil représentatif des institutions juives. François Hollande a annoncé de son côté des «sanctions plus rapides et plus efficaces» contre «les propos de haine» relevant du «racisme», de l'«antisémitisme» et de l'«homophobie». (...) En revanche, il a confirmé que «tous les terroristes» qui ont «récemment commis des actes antijuifs se réclamaient de l'islam», en jugeant qu'on lui faisait «un mauvais procès». Il a juste réduit de 1 pour mille à «1 pour 10.000» la proportion de cette minorité. Regrettant que Dalil Boubakeur, le président du Cfcm (Conseil français du culte musulman) ait décidé de ne pas se rendre au dîner du Crif en signe de protestation contre «des attaques aussi graves qu'infondées contre la composante musulmane de France» (1). Ce que Roger Cuikierman ignore ou a oublié c'est que pendant la Seconde Guerre mondiale les dynasties maghrébines ont protégé les juifs de l'Inquisition durant la Reconquista. Ça ne justifie pas l'antisémitisme mais non plus de mettre tous les musulmans dans le même panier. Pas un mot aux musulmans qui sont les justes parmi les justes, notamment ceux de la Mosquée de Paris qui ont sauvé près de 1500 personnes juives. Ce sont des musulmans kabyles qui ont diffusé un tract «ammarach nagh» «comme nos enfants», à tous les musulmans pour sauver les juifs. Naturellement, pas un d'entre eux ne figure au mémorial de Yad Vachem qui honore les «Justes». ceux qui ont sauvé les juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Cependant, on reste rêveur devant sa lucidité concernant l'avenir. Roger Cuikierman annonce que Marine Le Pen est irréprochable n'hypothéquant pas ainsi l'avenir dans une République dirigée par l'extrême droite. C'est un rituel, en février de chaque année le CRIF convoque le gouvernement au complet et les élites et examine lors d'un dîner, leur contribution et apport au Crif. Ainsi, le chef de l'Etat faisant son exposé a précisé les quatre «piliers» du «plan contre le racisme et l'antisémitisme» qu'il avait annoncé en janvier. Le tribunal dinatoire du gouvernement et des élites gouvernementales Des «sanctions plus rapides et plus efficaces» vont être prises contre «les propos de haine» relevant du «racisme», de l'«antisémitisme» et de l'«homophobie», a annoncé François Hollande lors du dîner du Crif. «J'ai souhaité que ces propos ne relèvent plus du droit de la presse mais du droit pénal», a-t-il affirmé. Il a souhaité que soit «renforcé le caractère aggravant d'un délit au caractère antisémite». François Hollande promet des sanctions contre la «lèpre» de l'antisémitisme. Il a annoncé un renforcement de l'arsenal répressif contre «tout propos de haine» raciste ou antisémite. «C'est comme une lèpre qui revient toujours quand les civilisations croient s'en être débarrassé». De l'antisémitisme, il a ensuite glissé sur la lutte contre le terrorisme, reliant entre eux tous les événements de ce début d'année. On le voit, la spécificité de la communauté juive est plus que jamais affirmée, forte de près de 600.000 personnes, le Crif fait un véritable hold-up en s'arrogeant le droit de parler au nom de tous les juifs, ce qui est loin d'être le cas. Ceux qui sont contre la «politique du Crif de semer la haine sont traités de juifs honteux. Autant on admire des personnalités comme Edgard Morin, Maurice Szafran, Esther Benbessa, Rony Brauman qui ne renient rien de leur identité mais qui disent le droit, autant nous sommes contre les visées et manoeuvres du Crif qui en plus de provoquer comme il vient de le faire les musulmans mais qui a toujours deux fers au feu. Sentant le vent électoral tourner, Roger Cuikierman lance une sonde envers le FN et annonce que Marine Le Pen est irréprochable mais que c'est son entourage qui ne l'est pas. Même son rétropédalage ne convainc pas. Souvenons-nous en 2002 avec les 18% de Jean-Marie Le Pen au premier tour des élections, le président du Crif, toujours le même, déclarait: «Les Arabes n'ont qu'à bien se tenir.» Il ne se sent pas concerné et il désigne à Le Pen la communauté à abattre. Le Crif se place pour les élections de 2017, il semble convaincu de la victoire du FN M.Cuickierman est constant dans son acharnement contre les Arabes et les musulmans. Lors de l'élection qui opposa Chirac à Le Pen il a déclaré au quotidien israélien Haaretz: «Qu'il espérait que la victoire de Le Pen dimanche servirait à réduire l'antisémitisme musulman et le comportement anti-israélien, parce que son score est un message aux musulmans leur indiquant de se tenir tranquilles.» La montée de l'antisémitisme est une idée fausse Les actes commis sont-ils antisémites?N'en déplaise à Roger Cuikierman, ils ne le sont pas. Pour Uri Avnery écrivain israélien militant pour les droits des Palestiniens, membre de la gauche radicale et pacifiste convaincu: «L'antisémitisme progresse. Partout en Europe il pointe sa vilaine gueule. Partout les juifs sont en danger. (...) Absurde. Presque aucun des événements alarmants qui se sont produits en Europe dernièrement - en particulier à Paris et Copenhague - où des juifs ont été tués ou attaqués - n'avaient quoi que soit à voir avec de l'antisémitisme. Toutes ces atrocités ont été commises par de jeunes musulmans, la plupart arabes. Ils étaient partie prenante de la guerre en cours entre Israéliens et Arabes, qui n'a rien à voir avec l'antisémitisme. (...) En théorie, arabe et antisémite est un oxymore, puisque les Arabes sont des sémites. En fait, les Arabes sont peut-être plus sémites que les juifs, parce que les juifs se sont mêlés aux gentils depuis des siècles. Alors, pourquoi de jeunes musulmans en Europe tirent-ils sur des juifs, après avoir tué des dessinateurs qui avaient insulté le Prophète? Selon les experts, la raison fondamentale est leur haine profonde de leurs pays d'accueil, où ils se sentent (à juste titre) méprisés, humiliés et discriminés. Dans des pays comme la France, la Belgique, le Danemark et bien d'autres, leur colère violente a besoin d'un exutoire.» (2) «Mais pourquoi les juifs poursuit Uri Avnery?: «Il y a au moins deux raisons principales: la première est locale. Les musulmans français sont essentiellement des migrants d'Afrique du Nord. Au cours de la lutte désespérée pour l'indépendance de l'Algérie, presque tous les juifs algériens ont pris le parti du régime colonial contre les combattants locaux. Quand tous les juifs et beaucoup d'Arabes ont émigré d'Algérie en France, ils ont emporté leur lutte. Depuis qu'ils vivent maintenant côte à côte dans les ghettos surpeuplés autour de Paris et ailleurs, leurs haines mutuelles ont subsisté et entraînent souvent de la violence.» (2) «La seconde raison poursuit Uri Avnery, est le conflit sioniste-arabe en cours: il a commencé avec l'immigration en masse de juifs en Palestine, et il se poursuit avec une longue liste de guerres qui se déploient pleinement de nos jours. Pratiquement tous les Arabes dans le monde et la plupart des musulmans sont émotionnellement impliqués dans le conflit. Mais qu'est-ce que les juifs de France ont à voir avec ce conflit lointain? Tout! Quand Benjamin Netanyahou ne rate pas la moindre occasion de déclarer qu'il représente tous les juifs dans le monde, il rend tous les juifs du monde responsables des politiques et des agissements israéliens. Quand les institutions juives en France, aux USA et ailleurs s'identifient entièrement et sans critique à la politique et aux opérations d'Israël comme la récente guerre contre Gaza, elles se transforment volontairement en victimes potentielles d'actes de revanche. La direction juive française, le Crif, vient encore de le faire». (2) «Aucune de ces raisons n'a rien à voir avec l'antisémitisme déclare l'écrivain. L'antisémitisme fait partie intégrante de la culture européenne. Bien des théories ont été avancées pour expliquer ce phénomène tout à fait illogique, qui frise le trouble mental collectif. Quant à moi, ma théorie préférée est religieuse. Partout en Europe, et plus tard également en Amérique, les enfants chrétiens ont entendu dès leurs premières années les histoires du Nouveau Testament. Ils apprennent qu'une foule juive a crié pour obtenir le sang de Jésus, le doux et bon prêcheur, alors que le préfet romain, Ponce Pilate, tentait désespérément de lui sauver la vie. (...). La vision des méchants juifs exigeant la mort de Jésus est imprimée dans l'inconscient des multitudes chrétiennes et elle a inspiré une haine des juifs à chaque nouvelle génération. Résultat: massacres, expulsions en masse, inquisition, persécution sous toutes ses formes, pogroms, et enfin l'Holocauste. Il n'y a jamais eu rien de semblable dans l'histoire musulmane. Le Prophète a eu quelques petites guerres avec des tribus juives voisines, mais le Coran contient des instructions strictes sur le commerce avec juifs et chrétiens, «Peuples du Livre». Il fallait les traiter équitablement et ils étaient exemptés de service militaire en échange d'un impôt. Au fil du temps il y a eu quelques rares flambées anti-juives (et anti-chrétiennes) ici ou là, mais les juifs en terres musulmanes s'en tiraient mille fois mieux qu'en pays chrétiens.» (2) «Avec honnêteté Uri Avnery parle de la contribution des juifs à l'âge d'or andalou: «Si ce n'avait pas été le cas, il n'y aurait pas eu cet Age d'or de la symbiose culturelle judéo-arabe dans l'Espagne médiévale. Il aurait été impossible pour l'Empire ottoman musulman d'accepter et d'absorber presque tous les réfugiés juifs, par centaines de milliers, chassés d'Espagne par les rois catholiques Ferdinand et Isabelle. L'éminent penseur juif Maïmonide («l'Aigle de la Synagogue») n'aurait pu devenir le médecin et conseiller du prestigieux sultan musulman Salah-al-Din al-Ayubi (Saladin).» (2) Pour Uri Avnery: «Le conflit actuel a commencé comme un choc entre deux mouvements nationaux: le sionisme juif et le nationalisme arabe laïc, qui n'avait que très peu de connotations religieuses. Mes amis et moi ont mis en garde à de nombreuses reprises, mais à présent le conflit est en train de devenir religieux - une calamité aux répercussions cruelles. Rien à voir avec de l'antisémitisme. Alors, pourquoi toute la machine de propagande israélienne, y compris tous les médias israéliens, clament-ils que l'Europe vit une montée catastrophique d'antisémitisme? Afin d'appeler les juifs européens à venir en Israël (dans la terminologie sioniste: à «faire leur alya»). (...) Quoi qu'il en soit, les atrocités de Paris et de Copenhague n'ont rien à voir avec de l'antisémitisme.» (2) Un islam de France aseptisé est en contradiction avec la loi de 1905 Les attentats de janvier ont un coupable: le Cfcm Le ministre de l'Intérieur vient de lancer une réforme sur les institutions de l'islam de France. L'annonce faite consiste donc à refondre les institutions de l'islam de France. Cette décision, acte de fait de la fin de la légitimité du Cfcm. (...) Cette politique de reprise en main par l'Etat de la communauté musulmane en France (car c'est bien de cela qu'il s'agit) montre que l'autonomisation encadrée et finalement assez libérale est un échec patent. La nouvelle instance qui, on ne change rien on recommence, consistera en un Cfcm élargi pour mieux l'encadrer, discutera de questions précises qui ne relèveront pas de théologies mais de l'organisation du culte n'est pas sans poser de questions sur la réelle volonté d'intégration des musulmans en France. En effet, quelle religion autre que l'islam possède une instance similaire pour se rendre républico-compatible? (3) Une charia républicaine a-t-elle encore une légitimité religieuse? «La nouvelle instance pose donc très clairement le lien entre intégration et islam. En cherchant à obtenir des garanties sur la compatibilité républicaine des futurs imams par la validation d'un diplôme d'université, (...) Pas sûr que ce «contrat de confiance» soit à la hauteur des défis lancés dans la société française sur les questions d'intégration, de dérives fondamentalistes et de dialogue interculturel. L'objectif affiché est donc la construction d'une élite musulmane en France qui pourra être le porte-voix d'une communauté. De plus, la constitution de ce nouvel organisme constitue un pas de plus vers une société multiculturelle. D'autre part, cette instance pourra décider des adaptations que l'islam doit mettre en place pour se conformer à l'esprit républicain. En d'autres termes cela consiste ni plus ni moins à mettre en place une charia républicaine. (...) L'enjeu est d'ici de pouvoir construire des agencements compatibles avec la République et la culture française. Cette charia républicaine en devenir est donc une arme à double tranchant: rendre les musulmans solubles dans la société française ou affirmer l'identité musulmane en France. (3) 1. Judith Waintraub: Le président du Crif déclenche une vive polémique Le Figaro. 24/02/2015 2.Uri Avnery http://reseauinternational.net/ la-montee-de-lanti-semitisme-est-une-idee-fausse/ 3.http://www.liberation.fr/politiques/2015/02/25/le-gouvernement-lance-la-reforme-de-l-islam-de-france_1209626 En clair nous allons avoir des imams républicains avec un islam soft sans épaisseur, laïco-compatible. Contrairement aux autres religions qui conservent le privilège de former les gens du culte, la République va expurger du Coran tout ce qui est incompatible selon son entendement avec ce qu'elle attend de l'islam de France. La loi de 1905 est de fait, rétorquée concernant la deuxième religion de France. Le premier article ne laisse que peu de marge pour son application, par les mots «assure» et «garantit» un culte sans s'immiscer dans son contenu. Wait and see.