Le cinéma iranien devient incontournable et le drapeau iranien flotte ainsi sur tous les mâts des villes festivalières d'Occident. Une nouvelle direction confirmée au forceps, celle de Marco Muller «contracté» pour quatre ans, en principe, après une valse des directeurs qui a donné le tournis à plus d'un festivalier (quatre directeurs en sept ans !) laisse donc prévoir au vu de la réputation cinéphilique du nouveau curateur, une approche équilibrée entre le cinéma d'auteur et celui des blockbusters américains. Pour le moment et sur le papier, le plateau pencherait plus du côté d'Hollywood: Venise continuerait-elle à vouloir imiter le plus grand festival du monde (Cannes), qui a toujours eu les moyens de sa politique? Le mimétisme est allé jusqu'à imposer le smoking pour les projections en soirée, alors que jusque-là cet accoutrement était en option sur le Lido... Pas moins de vingt films US sont ici à la Mostra avec une première, en grande pompe, du dernier Steven Spielberg, inspiré de l'histoire réelle de cet Iranien qui vit dans une zone de transit sur l'aéroport de Roissy CDG (France) sans papiers depuis plus de dix ans. Hollywood oblige, ce personnage devient un ressortissant d'un pays (imaginaire) d'Europe de l'Est incarné par Tom Hanks «coincé» à l'aéroport de New York. Du spectaculaire sans aucun humanisme à part celui qui trahit les sentiments antirépublicains de Spielberg, proche d'un John Kerry qui n'est pas si différent de Bush dès lors qu'il s'agit de défendre les intérêts américains de par le monde. Mais c'est aussi cela les USA comme le laisse entrevoir le pesant film de Jonathan Demme The Manchurian Candidate qui prend appui sur la première guerre du Golfe, celle que l'irresponsable Saddam avait imposée à son peuple sous le vocable de la Mère des Batailles (on connaît la suite...). Demme se sert de ce décor non pas pour dénoncer l'atrocité de la guerre, mais pour étayer la thèse de la manipulation via implant incrusté dans le corps de certains soldats, par une holding américaine «Mandchouri» pour fabriquer un vice- président à leur merci. Une galère cinématographique à laquelle Denzel Washington se prête sans trop de conviction et pour notre grand ennui! Tom Cruise, reconnu, comme étant un acteur sans aucune imagination, par la profession, réussit au final, à mieux tirer son épingle du jeu, dans un thriller du genre, Collateral de Michael Mann. Mais, Dieu merci, il n'y a pas que les Yankees, mais aussi des Asiatiques, Hong Kong avec pour le moment un film de Johnny To qui ne valait pas du tout le déplacement, du moins à Venise. De France, le dernier film de Christophe Ozon 5 par 2 qui raconte l'histoire d'un couple qui se sépare à l'envers (du divorce à la première rencontre) ne vaut que par le numéro de l'actrice Valéria Bruni Tedeschi qui détonne dans ce film qui traite de l'humain avec seulement un brin d'empathie ( et encore!). Il manque à cette histoire ce mélange pathogène de tendresse et de colère qui fait la vie, qui fait l'amour, tout simplement La vie est aussi au coeur de cet étrange premier film du Français Robin Campillo, un remake diurne et urbain du retour des morts-vivants, longtemps abordé dans le cinéma de manière fantastique. Là, les choses sont montrées de manière très «réelle», les morts sortent habillés de vêtements d'été, clairs, d'un cimetière dans un silence impressionnant, envahissant, telle une procession, l'artère principale d'une ville du centre de la France, désertée par ses habitants en cette période estivale. Les rares passants restent sans voix comme s'ils assistaient au passage d'un cortège funèbre. La problématique que pose, en biaisant, Campillo, est celle de la réinsertion de proches qui reviennent à nous en ayant perdu leurs repères, ayant acquis d'autres. En Algérie, cet effet parabolique pourrait s'adapter au retour de repentis dans leur village et les perturbations (c'est peu dire) que cela engendrerait... Mais sans conteste, c'est à ce jour le travail de Arnaud Despleshin qui avec Rois et Reines donne ces «garanties de la tenue cinéphilique de la manifestation» comme l'écrivait, hier, avec des accents, un tantinet chauvins, le journaliste d'un quotidien parisien du soir, allusion à la présence à cette 61e Mostra de «la brillante triade de la délégation française» (sic). Pour ce qui est des films du Sud, il n'y a rien à dire tant que certains organisateurs de festivals continuent à fonder des pays souverains en une seule entité, «arabe», un piège qui empêche les particularités de se défendre autrement. Hormis les Iraniens, Perses eux, qui continuent à manipuler les festivals comme bon leur semble. Il s'agit du gouvernement et non des cinéastes à qui il ne faut enlever aucun mérite. Ce qui n'est pas le cas du régime de Téhéran qui finance des films et les saupoudre d'un zeste sulfureux, en faisant courir le bruit, une fois le film sélectionné dans un festival, que son auteur encourt la prison à son retour. Et ça marche, l'effet est escompté et obtenu. Médiatiquement, le film est l'objet d'un battage extrême avant même sa projection. Le cinéma iranien devient ainsi incontournable et le drapeau iranien flotte ainsi sur tous les mats des villes festivalières d'Occident. Cet Occident assimilé dans la liturgie officielle d'Empire du mal...Comment dit-on déjà en persan «malin comme un mollah?»