Occultée la médiation engagée par l'Algérie, sous l'égide de l'Onu, en qualité de chef du Groupe des pays voisins de la Libye, dans le cadre de l'Union africaine. Mais qu'est-ce qui fait courir Donald Tusk, le fraîchement élu président du Conseil européen, qui n'a pas «exclu» hier une opération militaire européenne en Libye tout en estimant qu'elle devait être assortie d'un «plan à long terme» pour stabiliser le pays. Après avoir siégé au gouvernement polonais, dans son aile droite la plus radicale, le voici qui prône, dans un entretien au Figaro, une politique européenne agressive, «le plus simple, déclare-t-il, c'est toujours d'engager des moyens militaires dans une opération de maintien de la paix». Mais l'homme qui prônait, au début de la crise ukrainienne, une intervention militaire de l'Otan contre... la Russie, constate: «C'est une expérience que nous avons déjà eue il y a quatre ans. C'est pourquoi je suis convaincu qu'il nous faut, cette fois, un plan à long terme, au-delà d'une simple intervention militaire», ajoutant que c'était «aussi le sentiment à Washington». Un sommet européen doit se pencher jeudi et vendredi prochains sur le dossier libyen, la France et la Grande-Bretagne revendiquant, en cas d'échec des médiations, une nouvelle intervention militaire alors que les Etats-Unis et la communauté internationale, à travers l'instance onusienne, n'ont pas cessé de clamer la prépondérance d'une solution politique à travers un dialogue inclusif entre toutes les parties au conflit, à l'exclusion des groupes terroristes reconnus comme tels par l'ONU. Annonçant qu'il allait se rendre dans plusieurs pays de la région avec la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, juste après le sommet européen, pour discuter de la situation en Libye en proie au chaos, Donald Tusk affirme que «la question de la Libye concerne non seulement l'UE, mais aussi la Turquie, l'Egypte, la Tunisie, les Etats-Unis», ajoutant dans un autre entretien avec le quotidien polonais Gazeta Wyborcza que «sans une perspective de stabilité pour la Libye, nous ne réglerons pas le problème des réfugiés qui viennent en Europe, via ce pays». Occultant la médiation engagée par l'Algérie sous l'égide de l'ONU en qualité de chef du Groupe des pays voisins dans le cadre de l'Union africaine, le nouveau président du Conseil de l'Europe fait siennes les thèses franco-britanniques qui ont abouti à des propositions d'intervention variées aux 28 Etats membres de l'UE. Il a ainsi plaidé pour une mission de sécurisation de certains sites sensibles comme des aéroports ou des bâtiments gouvernementaux, de surveillance d'un éventuel cessez-le-feu, ou encore un déploiement naval au large des côtes libyennes. Le fait est que toutes ces déclarations ont un côté incantatoire car sans un mandat du Conseil de sécurité de l'ONU, issu d'une résolution en bonne et due forme, nulle intervention d'aucune sorte ne saurait être envisagée. Et ce n'est pas acquis d'avance, car si en 2011, les pays occidentaux ont réussi à arracher ce type de résolution, la Chine et surtout la Russie qui s'étaient alors abstenues ont tiré les enseignements des véritables motivations de ces guerres soi-disant en faveur de la démocratie et des droits de l'homme. Par quatre fois, Moscou a depuis opposé son veto à toute résolution visant à entériner une intervention militaire contre la Syrie et le régime de Bachar Al Assad Voilà aujourd'hui que John Kerry bat en brèche le tempérament belliqueux de la France et de la Grande-Bretagne en reconnaissant que le moment est venu de reprendre langue avec le régime syrien, au grand dam de Paris et Londres et accessoirement de Donald Tusk, sans aucun doute! Cette volte-face américaine est d'autant moins surprenante que les Etats-Unis ont tôt fait de saluer le travail de médiation de la diplomatie algérienne, aussi bien en ce qui concerne le Mali que la Libye voisine, prenant acte du choix entériné par l'ONU d'un dialogue inclusif seul à même de restaurer la paix et la sécurité dans la région. Pourtant, l'adhésion de Paris et de l'Italie à cette option d'un règlement politique global de la question libyenne a été publiquement affichée, même si Rome a pu exprimer quelques semaines auparavant une grande inquiétude face à l'avancée des groupes terroristes dans la région de Syrte et de Benghazi, entre autres. Il est certain que seuls les Libyens peuvent faire en sorte que la paix soit effective en Libye, et que c'est dans le cadre légitime d'un gouvernement d'union nationale, soutenu par une armée et des corps de sécurité valides, que le pays sera enfin extirpé du bourbier où l'a enfoncé l'intervention militaire de 2011 violemment impulsée par l'ancien président Nicolas Sarkozy, pour les raisons que l'on sait.