Les festivaliers commencent à faire leurs valises, les provisions sont maigres cette année à moins d'avoir eu la (bonne) idée d'aller faire un tour sur les autres îles voisines, Murano pour la verrerie et Burano pour la dentelle. Quand ce n'est pas la traditionnelle virée à Venise-même (à quelques minutes du Lido, par le vaporetto).Sinon, rien de bien consistant à se mettre sous la dent, pas même un bon Wim Wenders, qui a déçu cette année, plus d'un, avec Land of abondance ou l'histoire d'un vétéran du Vietnam, devenu parano après l'attaque terroriste du 11 septembre 2001, et qui écume les rues de Los Angeles à la recherche de têtes basanées, des «Orientaux» donc, à soupçonner, qui se fourvoyant complètement dans ses pseudo-filatures. On s'ennuie ferme, tout en saluant les bonnes intentions de Wenders et surtout parce que la B.O du film est des plus prenantes, avec des voix de tête: Léonard Cohen en premier...Amos Gitai, l'habitué de Venise, est par contre revenu, lui avec La terre Promise, un docu-fiction sur la traite des blanches (russes celles-ci). Des filles passées en Israël par des Bédouins arabes pour le compte de la mafia israélienne. Dans ce cas-là, l'argent n'a pas d'odeur (idéologique)...Et la terre «promise» n'est plus celle décrétée par certains textes bibliques, mais le nom d'un hôtel de passe, un cloaque. Un terrible réquisitoire qui va encore une fois redresser les papillotes de plus d'un zéolote du côté de Tel-Aviv... Tout compte fait, ne reste en lice pour le Lion d'or, que deux sérieux prétendants, l'Italien Gianni Amelio avec un mélo habilement concocté où Charlotte Rampling est très convaincante dans le rôle de la mère d'un enfant handicapé. Le chiave di casa pourrait donc être le film italien de la Mostra , à moins que Mike Leigh, l'outsider tapi dans un coin avec Vera Drake ne supplante tout le monde avec sa terrible histoire de Vera, une faiseuse d'anges, comme on disait à l'époque des femmes qui pratiquaient l'avortement. Imelda Stanton mériterait alors la Prix d'interprétation féminine, à moins que Valéria Bruni -Tedeschi ne se rappelle au bon souvenir du jury pour sa formidable interprétation dans le film français de François Ozon Cinq par Deux! Du côté du Sud, on attendait beaucoup de Zulu Love Letter de Suleman Ramadan, qui conte les spasmes de la société sud-africaine déchirée entre justice et réconciliation, comme le nom de la commission ad-hoc chargée de tourner la page sombre de l'Apartheid, tout en rendant justice aux victimes de cette horreur raciste. Mais le Sud-Africain Ramadan, cédant à la facilité esthétique que permet le digital, traite ce thème à la manière de la série américaine Urgences, alors que l'urgence si l'on peut dire était plutôt dans le traitement narratif de pareils sujets et non dans le traitement esthétique. Dommage. Triple dommage aussi pour le film de la marocaine Yasmine Kassari présente dans une section parallèle avec L'enfant endormi. Une chronique en pisé, dans le Maroc rural, de deux jeunes femmes dans un hameau désert, abandonnées par leurs maris respectifs , partis tenter l'aventure en Espagne. L'enfant endormi c'est ce que une belle-mére décide, par taleb interposé, d'imposer à sa bru, et qu'il ne faudra donc «réveiller» qu'au retour du mari. Une grossesse qui peut durer une année ou plus, en somme! Mais le mari ne veut plus revenir: Et l'épouse va donc vers l'oued se débarrasser de l'amulette aux vertus «magiques»! Folklorique et misérabiliste au possible comme on semble les aimer encore ici. Ce genre de film ne plaide aucune cause, sauf celle d'un voyeurisme se voulant anthropologique, et qui a laissé plus d'un spectateur pantois. Comme lors de la projection des deux affligeants films iraniens qui ont fait déserter les spectateurs en plein milieu des séances. Un petit clin d'oeil tout de même à Rachid Bouchareb qui a choisi de traiter en animation, en 3 D et en 9 minutes, la tragique histoire du camp de Tharoye. Un casernement dans lequel ont été enfermés les Sénégalais, revenus de la Seconde Guerre mondiale et qui ont tout simplement été mitraillés par leurs chefs blancs, le jour où ils ont protesté contre le non-paiement de leur solde. Un sujet pareil a été traité par Sembène Ousmane (Camp de Thyaroye) il y a une quinzaine d'années, avec l'aide du Caaic et d'une équipe technique algérienne ayant à sa tête le chef Op', Smaïl Lakhdar- Hamina...Confinés dans des cases horaires pas possibles, ces films n'ont pas été vus par grand monde. Il est temps que les organisateurs cessent de faire dans l'humanitaire et le diplomatique et d'appréhender l'acte cinématographique dans toute sa dimension artistique, indépendamment de son origine...Un voeu pieu, pour lequel nous jetterons un dinar dans la lagune vénitienne sur le chemin du retour...