Les deux partis savent que bien qu'ils défendent le même «idéal», ils n'ont point les mêmes convoitises. Malgré leur convergence de vues sur le code de la famille, le MSP et El Islah se tournent le dos. Les suspicions ne font que s'accentuer. «Sincèrement, leur présence (certains députés du MSP, Ndlr) ne nous réconforte pas», assène M. Ahmed Chittour, un député de la formation de Djaballah, avant de préciser: «L'invitation est générale; elle a été adressée même aux laïcs.» Politiquement, le courant islamiste est fendillé. Le facteur idéologique n'a pu amener les deux courants à aplanir leurs dissensions. La répulsion réciproque demeure aussi vivace qu'elle l'était au lendemain de l'édification de l'alliance présidentielle regroupant le MSP, le RND et les redresseurs FLN. Et, vraisemblablement, c'est pour cette raison que El Islah détourne le regard aux «yeux doux» que lui fait son frère ennemi. Il refuse opiniâtrement de le «blanchir» après l'avoir accusé pendant la campagne électorale de la précédente élection présidentielle «d'apostasie». Maintenant que Djaballah se retrouve conforté dans sa position -du fait qu'il avait axé toute sa campagne d'avant le 8 avril sur «les dérives» que véhiculeraient les réformes de l'école et du code de la famille- il sent que le moment de prendre sa revanche sur le MSP a sonné. Celui-là même qui a soutenu le programme présidentiel de M.Bouteflika. Donc, si Djaballah et ses affidés politiques s'agitent solennellement à contrer l'adoption du nouveau code de la famille, ils s'efforcent, en parallèle, de décrédibiliser sans ménagement celui qui avait opposé un niet irréversible à la constitution d'un front islamiste uni afin d'aborder en rangs serrés la présidentielle du 8 avril dernier. Réellement, contrairement à ce que veulent nous faire croire certains discours, l'union des islamistes dans l'objectif de faire barrage aux amendements apportés au code de la famille ne tient qu'à un fil, ténu de surcroît. En tous cas, les deux partis savent que bien qu'ils défendent le même «idéal» ils n'ont pas les mêmes convoitises. L'un, le plus «islamiste», aspire à s'attribuer l'exclusivité du courant islamo-conservateur tant que la conjoncture lui permet d'ajuster son discours à cette logique; l'autre, moins «radical», tente de ne pas agir en contradiction avec ses idéaux politico-idéologiques tout en étant fidèle à sa logique d'entrisme. Mais, les pragmatiques ne retiennent de ce deal léger que les conséquences finales : le jour du vote, ce sont les deux parties qui diront «non» au code amendé.