Un artiste talentueux et engagé Présentant annuellement une centaine de films, tous genres confondus et accompagnant une soixantaine d'invités en provenance de l'Orient et de l'Occident, la 10ème édition du Fifog qui s'est tenue cette année du 20 au 29 mars 2015 a eu comme invité de marque le grand et séduisant acteur égyptien Khaled Abol Naga venu présenter le film Villa 69 où il campe le rôle clé, en plus d'en être coproducteur. Evoquant avec nous le sens qu'elle donne au mot «utile» au cinéma, la star égyptienne est revenue sur la polémique que les médias égyptiens avaient alimentée à son encontre l'an dernier, suite à ses propos jugés outrageux après avoir critiqué la politique sécuritaire du président Abdelfattah Al Sissi, entre autres... L'Expression: Khaled, vous nous épatez à chaque fois que l'on vous voit jouer dans un film tant vos rôles changent et ne se ressemblent pas. Vous arrivez à incarner le personnage à la perfection et on oublie immédiatement le précédent. On peut citer Microphone, Décor, Villa 69 ou encore Ouyoun el haramiya. Tout d'abord, parlez-nous de ce qui vous a encouragé à camper le rôle d'un vieux monsieur aigri dans ce film que vous venez de présenter ici au Fifog, Villa 69 de Ayten Amin Khaled Abol Naga: Quand j'ai lu le scénario du film Villa 69, d'abord, il s'agissait pour moi de le soutenir en tant que producteur et non en tant qu'acteur. J'ai aimé cette histoire. Des jours se sont écoulés et j'ai commencé à rêver de moi dans la peau de ce personnage, ce vieux monsieur, pour lequel je souhaitais qu'on me propose un jour un tel scénario. Et puis, tout était prêt, la villa, le décor et les acteurs, sauf le rôle principal. Le réalisateur me contacte pour me dire qu'on doit tourner dans cette villa, car on va la démolir bientôt, un investisseur voulait l'acheter et on doit filmer dedans durant deux semaines; il m'a proposé le rôle juste avec un seul mot de sa part et j'ai accepté. Certes, l'idée d'incarner une personne âgée était difficile mais le vrai défi était de montrer qu'on peut se transformer de personne caractérielle, aigrie et méchante à quelqu'un d'autre quand on rencontre des gens pour qui on peut venir en aide. C'était ça le sens le plus important que j'ai vu dans ce film... Cet état de se sentir utile, le ressentiez- vous. On l'imagine de par votre métier à chaque fois que vous interprétez un rôle au cinéma? Mon rôle dans la société existe, que je sois acteur ou non. Tout ce que je fais quand je constate une injustice, je le fais en dépit du fait que je suis comédien. Je ne peux pas me taire en tant que comédien. D'autant plus me sachant célèbre et que je pourrai toucher des gens. En dépit de tout ça, s'il y a une injustice sous mes yeux je me dois de réagir. Actuellement, il existe une grosse injustice dans notre pays. 50.000 personnes ont été jetées en prison car elles ont réclamé leurs droits lors de manifestations, alors que c'est la raison qui a conduit ce même système au gouvernement. Je ne peux me taire. Et tant pis, si je me suis fait attaquer par toutes les chaînes télé gouvernementales et non gouvernementales dans mon pays. Je ne me tairai pas, car c'est injuste qu'on ait mis ces jeunes en prison. L'assassinat de Shaima al-Sabbagh relève également d'une grosse injustice. Dénier aux gens le droit de manifester après deux révolutions, c'est une grosse bavure et cela prouve que le gouvernement actuel n'est pas mieux, ne diffère pas du précédent mais qu'il est encore pire que celui qui l'a précédé. Et j'ai le droit d'en parler et le dénoncer. Nous avons tous peur pour notre pays et on craint cette nébuleuse terroriste qui nous encercle de toute part, mais cela ne veut pas dire qu'on va se taire contre toute forme d'injustice. Bien au contraire. C'est le moment pour nous de confirmer nos positions et notre démocratie. C'est le moment pour être unis et solidaires comme un seul homme contre un ennemi commun pour mettre en place une vraie démocratie. Un mot sur votre participation Khaled dans la production algéro-égypto-palestinienne Ouyoun el haramiya, aux côtés de la chanteuse et désormais comédienne Souad Massi... C'est un long-métrage de la réalisatrice palestinienne Najwa el Nejar. C'est son deuxième film. C'est la première fois qu'un film palestinien évoque la cause palestinienne mais aborde le sujet sous un angle plus humain. Il ne parle pas d'une idée politique mais il tend plus vers un esprit humaniste. Il parle d'un homme qui vit sous l'occupation quelle qu'elle soit. Si un colonisateur le voit, il pourrait en être touché. Ce film et l'art auront ainsi pu réaliser ce que la politique ne peut pas faire. C'est la plus belle chose qui m'a plu dans ce film. Souad Massi est belle. Elle avait beaucoup peur de jouer. L'artiste en général possède un sentiment d'appréhension. Souad a su dépasser ses craintes et donner le meilleur, sans compter sa belle voix et sa sensibilité qui ont porté le film.