Il s'est consacré, sa vie durant, au service de la guerre de Libération nationale. On le dit révolutionnaire, on le découvre homme de lettres ; on le dit politique, on découvre en lui le médecin, l'humaniste et, par-dessus le marché, défenseur des droits des peuples opprimés. Lui, c'est Frantz Fanon, celui qui s'est consacré, sa vie durant, au service de la guerre de Libération nationale. Et ce n'est pas l'effet du hasard si la 9e édition du Salon international du livre lui a consacré un colloque de trois jours. Avant-hier, mardi, un café littéraire a été même organisé à son honneur pour parler de sa vie, de son oeuvre, mais aussi pour comparer sa position vis-à-vis de l'indépendance de l'Algérie, idée qui lui a été si chère et qu'il n'a cessé de défendre jusqu'à son dernier souffle. Pour ce faire, quatre intellectuels et peut-être des meilleurs, se sont mis à l'oeuvre. On cite: Mustapha Haddab, sociologue; Alice Cherki, psychanalyste; Mohamed Lakhdar Maougal, linguiste et Thanina Maougal, enseignante à l'université d'Alger. Mustapha Haddab a développé le thème central de l'oeuvre de Fanon: la violence. Ce phénomène qui a fait, et pour longtemps, l'objet d'un intérêt particulier chez Frantz Fanon, comme psychiatre tout d'abord puis comme révolutionnaire. Parfois, ces deux «fonctions» fusionnent chez Fanon et deviennent une et indivisible. Car le complexe d'infériorité ressenti par les indigènes vis-à-vis des colons a fait naître chez eux un certain esprit de rébellion contre l'injustice et l'oppression. C'est à partir de cette idée même que les premiers germes de la violence «légitime» commence à surgir chez ces peuples. Ce thème a été développé, selon Mustapha Haddab, dans son oeuvre magistrale Peau noire, masque blanc. C'est dans ce sens même qu'a enchaîné la célèbre psychanalyste française, Alice Cherki. «Le regard du blanc donne une image de soi telle qu'il la voit, c'est-à-dire celle d'un adolescent noir. Ce Blanc, ce dominateur qui nous regarde, qui nous façonne. Soit n'être plus rien ou être sidéré, le corps reste en pierre tout en étant accompagné d'un sentiment de culpabilité». C'est en ces mots que l'oratrice a tenté de faire la caricature de la pensée de Frantz Fanon. Lui qui a tant souffert de ce sentiment de culpabilité, d'abord pour des considérations raciales, de fait que Fanon soit «noir»; pour des raisons en rapport avec la domination coloniale ensuite. Deux raisons capitales qui ont déterminé le chemin de Frantz Fanon. Celui de lutter contre toutes les formes de l'autoritarisme colonial et racial. Aussi, Alice Cherki a longtemps parlé du parcours de cet éminent intellectuel. Cependant, toute sa force humaine et révolutionnaire s'est confirmée et concrétisée en 1953, lorsqu'il arrive à l'asile psychiatrique de Blida (ex-Joinville). Là, le traitement des patients n'a pas du tout été conforme aux méthodes telles qu'exercées en Europe ou ailleurs. Et c'est là même qu'il procède à l'application de la psychothérapie institutionnelle, une psychothérapie genre académique. Alice Cherki a souligné que c'est Fanon qui a eu l'insigne honneur de créer l'hôpital du jour au niveau de l'Afrique, du monde arabe voire même de l'Europe! Quant à Thanina et Mohamed Lakhdar Maougal, ils ont fait une comparaison entre la pensée d'Albert Camus et celle de Frantz Fanon, deux intellectuels dont l'idée est diamétralement opposée, pourtant leurs destins demeurent à jamais liés à celui de l'Algérie. «Chez Camus on retrouve cette influence américaine, quoiqu'elle demeure latente. Cette influence s'affirme en sachant que l'auteur de l'Etranger est attiré par les écrits de Faulkner. Et c'est à partir de là qu'il adopte le modèle américain, le fédéralisme», soutient Thanina Maougal. Mohamed Lakhdar a, de son côté, parlé de la conception de l'identité chez Fanon. «Il s'agit de l'identification par stratification. Autrement dit, c'est la construction de l'identité par la rupture et non par des sédimentations».