Au moment où le second Américain est décapité à Bagdad, à l'ONU, le président Bush a présenté une situation décalée par rapport à ce qui se passe sur le terrain. Le président américain George W.Bush a fait mardi, devant l'Assemblée générale de l'ONU, un discours à la limite du surréalisme, que les observateurs ont d'ailleurs estimé totalement en contradiction avec la situation chaotique qui prévaut sur le terrain. Ainsi, le très sérieux quotidien financier britannique le Financial Times n'a pas été très tendre avec le président Bush et met en exergue l'aveuglement du chef de l'administration américaine sur l'Irak, écrivant que George W.Bush «n'a manifesté aucune prise de conscience des graves erreurs de la politique américaine, des échecs répétés des autorités d'occupation ni du fait que la mésaventure irakienne a donné l'initiative aux terroristes djihadistes». Justement, au moment-même où M. Bush faisait son discours devant ses pairs du haut de l'Assemblée de l'ONU, le deuxième otage américain, Jack Hensley, était exécuté par ses ravisseurs. Ainsi, deux américains ont été victimes de la violence que l'invasion et l'occupation américaine de l'Irak avaient enclenchées. De fait, la situation en Irak est alarmante et seuls l'administration Bush et le gouvernement intérimaire irakien de Iyad Allaoui ne semblent pas prendre conscience de l'impasse où s'est piégée la coalition américano-britannique. De fait, dans son discours, le président américain, confond de plus en plus la part des Etats-Unis et celle du monde, comme ce lapsus (?) par lequel il souhaitait la bienvenue aux Etats-Unis aux nombreux chefs d'Etats présents aux Nations unies, alors même qu'aux termes du contrat qui lie l'ONU au gouvernement fédéral américain, le siège des Nations unies bénéficie de l'extraterritorialité avec toutes les conséquences que cela suppose, que M.Bush ignore ou feint d'ignorer. Le président Bush a également défendu la guerre des Etats-Unis en Irak en affirmant que la coalition avait «fait respecter les justes exigences du monde» envers le régime baasiste irakien, demandant aussi à l'ONU de «faire plus» pour «construire l'Irak démocratique et libre». Or, c'est là où il y a maldonne, car M.Bush qui donne l'impression de parler au nom de la communauté internationale, semble oublier qu'il a méprisé cette communauté en décidant seul, sans l'aval de l'ONU, une guerre dont le monde aurait pu largement faire l'économie, et le voilà qui demande aujourd'hui à cette l'ONU dédaignée, de faire plus en Irak, alors même que les Nations unies n'ont été associées d'aucune manière aux opérations décidées par les seuls Etats-Unis. De fait, du point de vue de nombreux analystes et observateurs, George W.Bush n'est plus crédible sur l'Irak, il semble s'être engagé dans une fuite en avant, niant même la réalité irakienne, que la course à la Maison-Blanche ne saurait seule excuser. En fait, en déclarant la semaine dernière la guerre en Irak «illégale», le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, a remis les pendules à l'heure, relativisant du coup la prépondérance que les Etats-Unis veulent prendre sur le monde. Dans son intervention M.Annan a ainsi indiqué: «Plus que jamais, le monde a besoin d'un mécanisme efficace par lequel il puisse chercher des solutions communes à des problèmes communs» (...) c'est pourquoi, l'Organisation a été créée. N'allons pas imaginer que si nous n'en faisons pas bon usage, nous trouverons un autre instrument plus efficace». Et Kofi Annan d'asséner: «C'est la loi, y compris les résolutions du Conseil de sécurité, qui offre la meilleure base pour résoudre les conflits prolongés, au Proche-Orient, en Irak et à travers le monde». L'allusion au Proche-Orient ne manque pas de sel, si l'on sait que toutes les résolutions de l'ONU, notamment les résolutions 242 et 338, n'ont pas été appliquées par Israël du fait du blocage américain des condamnations de Tel-Aviv par le Conseil de sécurité et du veto de Washington à l'envoi d'une force d'interposition dans les territoires occupés, réclamée autant par les Palestiniens que par la communauté internationale mais refusée par Israël, qui ne veut pas d'une reconnaissance formelle d'une frontière entre l'Etat hébreu et les territoires palestiniens occupés. Donc, si l'ONU n'a pu, dans nombre de conflits, apporter les solutions adéquates, c'est dû en particulier aux interférences des grandes puissances, et singulièrement des Etats-Unis, prompts à user de leur droit de veto. De fait, la guerre en Irak, voulue et imposée par les Etats-Unis -qui n'ont tenu compte ni des réserves de la communauté internationale, ni de celles des Nations unies-, constitue un solide argument pour changer de fond en comble le système d'opérationalité des Nations unies. En d'autres termes, aller vers une refonte et une réforme de l'ONU, qui tiennent compte non pas d'un rapport de forces à l'évidence à l'avantage des grandes puissances détentrices des armes de destruction massive mais de l'optique d'un développement équilibré et équitable de l'ensemble des pays formant la communauté internationale. C'est le thème qui sera l'objet de (vives) discussions dans les jours à venir au niveau de l'Assemblée générale de l'ONU dont les travaux ont débuté mardi dernier.