La violence redouble d'intensité à l'approche d'un scrutin à hauts risques. A quinze jours des élections générales du 30 janvier, la violence a redoublé d'intensité en Irak, avec notamment la multiplication des attentats, ces derniers jours, contre les chiites appelaient, selon les analystes, à diriger le pays post-Saddam Hussein. Ces violences qui ont fait, lors du week-end, plusieurs morts, ont ciblé un représentant de l'emblématique du grand ayatollah irakien, Ali Sistani, qui a donné sa bénédiction au scrutin de la fin du mois appelant les Irakiens à voter en masse. Ainsi, mercredi soir le cheikh Mahmoud Al-Madahaïni, son fils et quatre gardes du corps ont été tués par des inconnus alors qu'ils revenaient de la prière du soir à Salman Pak à quelques kilomètres de Bagdad. Le comité des oulémas irakiens (instance suprême des sunnites irakiens) a fermement condamné hier cet assassinat indiquant: «Le comité condamne fermement et dénonce l'assassinat de cheikh Mahmoud Al-Madahaïni» (...) «dénonce cet acte criminel» accusant les auteurs de ce forfait de chercher à «exploiter la situation critique que traverse la patrie sous l'occupation». En effet, la situation en Irak est très sérieuse et tout indique que la violence prendra encore d'autres dimensions à l'approche d'un scrutin de plus en plus placé sous le signe du sang. L'assassinat du cheikh Madahaïni mercredi a été revendiqué hier par le groupe «Ansar Al-Islam» selon lequel «Des combattants du groupe Ansar Al-Islam, avec l'aide de Dieu, ont réussi à tuer Mahmoud Al-Madahaïni, adjoint du polythéiste en chef Sistani». Ansar Al-Islam, groupe issu d'une scission avec le groupe Ansar Al-Sunna est réputé d'avoir des liens avec le chef d'Al Qaîda en Irak, Abou Moussab Al-Zarqaoui, l'ennemi public numéro 1 des Etats-Unis en Irak. Toutefois, ces assassinats à répétition de religieux ou d'hommes proches des chefs religieux risquent d'ouvrir une fitna entre les ethnies en Irak. Outre les chiites principales cibles des attentats de ces derniers jours, sont également visés des membres de la commission électorale dont un second membre a été tué jeudi après l'assassinat la semaine dernière d'un autre membre de cette commission. Un responsable du ministère de l'Intérieur irakien indique sous le couvert de l'anonymat que «Abdel Kerim Jassem Al-Oubeidi, directeur du bureau de vote Al-Salam du quartier Al-Amel, à l'ouest de Bagdad, a été abattu par des hommes armés jeudi à 19 heures (locales, 16h GMT)». Selon un responsable de la commission électorale irakienne, sept membres de cette commission ont été jusqu'ici assassinés a indiqué ce responsable mardi avant l'assassinat, jeudi, d'un autre membre de cette commission qui a la difficile mission d'organiser des élections marquées de plus en plus par la violence qui va crescendo. Les élections auxquelles Washington exige à ce qu'elles se déroulent à la date fixée, le 30 janvier, vont-elles avoir une influence positive sur l'état de la situation en Irak? Rien en vérité ne le laisse envisager, bien au contraire, la détermination des insurgés ou des résistants, c'est selon, semble accroître à mesure qu'approche le scrutin en cause faisant planer la menace d'une guerre civile en Irak. Ce qui est curieux est le fait que les Etats-Unis, quoique reconnaissants que les conditions ne se prêtent pas à une élection «sans faille», tiennent à ce qu'elle ait lieu le jour dit. Ainsi, le porte-parole de la Maison-Blanche, Scott McClellan, a admis le fait, indiquant: «Je crois que nous reconnaissons tous que ces élections ne seront pas parfaites». De fait, les Américains sont à l'heure du pessimisme et ne croient plus que les élections auront un effet d'entraînement positif pour l'Irak et que, a contrario, «l'insurrection sera encore plus déterminée» estime le secrétaire d'Etat américain sortant, Colin Powell, qui a indiqué dans un entretien diffusé par la chaîne PBS que «l'insurrection ne va pas disparaître du fait de cette élection» soulignant: «En fait, les insurgés pourraient se montrer encore plus déterminés s'ils ne parviennent pas à dissuader le peuple irakien de participer». De fait, les élections auront un effet contraire en divisant un peu plus les Irakiens, sans pour autant clarifier la donne politique du pays, risquant de fait de porter un doute sur le crédit de la consultation électorale et la qualité des futurs parlementaires et administrateurs de provinces qui seront élus le 30 janvier prochain. Aussi, le scrutin de la fin du mois se présente comme celui de tous les risques : risque sécuritaire avec l'amplification des actions de guerre, risque politique avec l'éclatement du fragile consensus autour de l'unité du pays. Un scrutin à hauts risques dont les organisateurs américains et le gouvernement intérimaire de Iyad Allaoui en assumeront toutes les retombées.