Depuis mars 2003 et l'invasion de l'Irak par l'armada américaine, la région du Moyen-Orient vit sous l'emprise de la guerre et de la violence. Douze ans après cette agression, l'ancienne Mésopotamie est aujourd'hui ruinée et dépecée alors que les guerres ethniques et confessionnelles font rage. Pas loin, un nouveau front a été ouvert en Syrie, qui dure depuis maintenant quatre ans. Une Syrie, dévastée qui connaît le sort de son voisin irakien. Ce sont deux berceaux de la civilisation humaine qui sont ainsi mis à mal. Et il y a le Yémen qui, en conflit latent depuis 2011, est désormais à son tour engagé dans une guerre sanglante, dont personne ne peut en prévoir l'issue. A l'ouest de la région arabe, au Maghreb, la situation n'est guère meilleure dont la Libye, qui entre dans la quatrième année d'une guerre fratricide, illustre parfaitement la donne. En Egypte, le nouveau pouvoir militaire - qui organise une meurtrière traque aux opposants - initie des procès de masse inédits dans le monde, créant un effrayant remake de la chasse aux sorcières des âges sauvages. Le Liban, sans président, ni Parlement, depuis le 25 mai 2014, est retombé dans ses travers et un rien pourrait rallumer la flamme de la discorde. Reste la Palestine, avec des guerres qui durent depuis 68 ans, traversant des phases chaudes et froides. Un cas que l'on a rendu et que l'on a voulu insoluble avec, quelque part, une responsabilité patente de dirigeants arabes incapables d'élever le ton et d'aider concrètement les Palestiniens. Mais, ceux qui bloquent de tous les freins l'émergence d'un Etat en Palestine, sont ceux-là qui jouent les sous-traitants des impérialismes américain et occidental. Or, un point commun lie ces différents évènements du Machrek et du Maghreb: l'interventionnisme tous azimuts des Al Saoud. En fait, les Saoudiens, dont le trône ne tient qu'à la protection des Etats-Unis, ne sont pas pour peu dans la dégradation des situations en Irak, en Syrie et au Yémen, notamment, où Riyadh mène, dans ce dernier pays depuis le 25 mars, une guerre de destruction. Les Saoudiens ont été à bonne école, avec leur opération «Tempête décisive» au Yémen à l'imitation des «tempêtes» désastreuses US contre l'Irak, dans les guerres du Golfe, ou d'Israël contre les Palestiniens. On ne peut comprendre les évènements qui marquent ces pays arabes - en particulier depuis l'avènement dudit «Printemps arabe» - si l'on ne remet pas les faits dans leur contexte géostratégique, et si l'on ne revient pas sur les carences des dirigeants arabes - plus préoccupés à faire pérenniser leur pouvoir que construire des Etats forts, appuyés sur l'Etat de droit, la démocratie et les libertés - qui ont de la sorte facilité les ingérences étrangères. Les Etats-Unis et Israël, notamment, n'ont eu qu'à mettre à profit cette situation pour aggraver, si cela se pouvait, les clivages entre les Arabes. Pendant que ceux-ci s'entre-tuent dans de nouvelles guerres de religion et/ou de leadership, leur monde recule sur tous les plans. Cette région qui avait le potentiel - grâce à son homogénéité historique et linguistique et forte de ses près de 400 millions d'habitants - de devenir une grande puissance, a à contrario gravement régressé et s'est enlisée, sous l'impulsion d'un wahhabisme rampant, dans les guerres tribales et claniques. Alors que le Monde dit «arabe» se vide de son intelligentsia au profit de pays - à leur tête les Etats-Unis - qui font tout pour le maintenir dans l'obscurantisme et le despotisme, certains régimes arabes, particulièrement l'Arabie saoudite, donnent des coups de pouce décisifs à cette rétrogradation arabe. En fait, Riyadh assume l'entière responsabilité de l'avènement de l'islam radical en ayant été à l'origine de la fondation - dans les années 1980 - de la nébuleuse Al Qaîda, conjointement avec les Etats-Unis. C'est encore l'Arabie saoudite qui finance le terrorisme transfrontalier, singulièrement, en Syrie - où opère l'un de ses bras armés le groupe jihadiste Al Nosra - et dont l'action armée au Yémen tend à détruire le plus pauvre des pays arabes. De fait, tous les ingrédients se trouvent aujourd'hui réunis pour plonger le Monde dit «arabe» dans une guerre de 1000 ans. Les Al Qaîda et l'autoproclamé «Etat islamique» (EI/ Daesh) - faut-il s'étonner que Daesh qui a détruit en Irak et en Syrie les assises des civilisations anciennes, ne s'en prend ni à Israël, ni aux Etats-Unis? - semblent avoir eu pour mission de renvoyer les Arabes à la période de la Jahiliya. Comment peut-il en être autrement quand ces groupes terroristes s'attaquent aux seuls pays arabes ayant fait de la modernité leur credo? L'histoire ne manquera pas de le relever et de noter le rôle joué par Riyadh dans la déroute dudit «Monde arabe».