Le ministre marocain de l'Intérieur, Driss Jettou, a qualifié sa visite en Algérie de «prometteuse», «fructueuse» et qui a permis d'ouvrir de «nouvelles perspectives» entre les deux pays. Le ministre marocain a soulevé un pan sur les principaux axes autour desquels se sont articulées les discussions qu'il avait eues avec le Président algérien Abdelaziz Bouteflika. Celles-ci concernent des thèmes aussi épineux que la réouverture des frontières entre les deux pays, le problème sahraoui ou celui des ressortissants des deux pays renvoyés dans leur pays d'origine lors du début du «coup de froid» en 1974. Le principal axe de travail a certainement été celui de la réouverture des frontières algéro-marocaines, fermées depuis l'été 1994, c'est-à-dire juste après l'attentat qui a visé un hôtel à Marrakech. On s'en souvient, les autorités marocaines avaient, à l'époque, accusé les services de sécurité algériens d'être derrière le coup. Aussitôt après, ces mêmes autorités ont commencé une «chasse à l'Algérien», instaurant, de fait, un visa d'entrée pour les ressortissants d'origine algérienne. Cette attitude marocaine, qui a été surtout imprégnée de sa non-maîtrise du dossier terroriste et des «poussées sociales», qui commençaient à être perçues çà et là, a contraint les autorités algériennes à fermer les leurs. Cette décision a été, surtout, préjudiciable aux commerçants marocains, qui, à raison de près de deux millions d'entrées algériennes chaque année, avaient, à portée de main, un véritable filon d'or. Par la suite, ce commerce avait totalement dépéri et mis, sinon en faillite, du moins en situation périlleuse, la majorité des commerces, notamment ceux des villes frontalières comme Oujda, Ahfir, etc. La prospérité qu'avait connue le gouvernorat d'Oujda, par exemple, entre 1988 et 1994, a été extraordinaire, faisant de la modeste ville marocaine, en six ans, une métropole florissante et opulente. Après 1994, la ville n'a plus connu pareille prospérité. Depuis son investiture à la présidence de la République, Abdelaziz Bouteflika a, maintes fois, parlé du problème de l'ouverture des frontières, expliquant qu'il «n'était pas une priorité pour l'Algérie». Il l'était plutôt pour le Maroc qui insistait à chaque occasion, sur la nécessité d'aller vers un compromis qui permettrait d'ouvrir «immédiatement» les frontières. La situation actuelle du Maroc requiert ce genre d'empressement. Des centaines de bidonvilles viennent se greffer annuellement autour des grandes villes marocaines, accentuant davantage la précarité et la misère qui se sont emparées des gens. La présence d'une forte délégation marocaine, lors de la visite de Driss Jettou en Algérie, plaide en faveur d'une «percée marocaine», derrière laquelle se profile l'impérieuse nécessité de rouvrir les frontières afin de raviver des commerces moribonds, synonymes, pour eux, d'une tension sociale à l'horizon. L'Algérie a toujours été le souffre-douleur du Maroc, dont les autorités ont, à chaque pic de tension intérieure, vite fait d'orienter l'opinion vers quelque conflit avec les autorités algériennes, en jouant sur les sentiments nationalistes et religieux pour canaliser à leur profit, les énergies populaires. L'arrivée en force en Algérie d'une aide humanitaire marocaine, au lendemain de la catastrophe nationale, due aux intempéries, et qui a fait plus de 700 victimes, plaide aussi en faveur d'une nouvelle politique marocaine qui s'appuie sur les réalités du terrain, non sur les élans du coeur, sentiments qui ont, de tout temps, chamboulé les données géostratégiques, les relations politiques et les échanges commerciaux entre les deux pays. Mieux, le Maroc, par la voix de Mohammed VI, a dit être «totalement mobilisé et tous les moyens mis à contribution pour aider l'Algérie». Clair, précis et sans ambages. Toutefois, faut-il encore y revenir, toutes ces tentatives de renouer des relations de bon voisinage, restent tributaires de nombreux dossiers de contentieux, dont principalement le problème du Sahara occidental.