Opérations coups de poing, l'armée américaine balise le terrain pour les prochaines élections en Irak. De fait, Washington semble avoir deux priorités par l'intensification des raids contre le bastion sunnite de Falloujah, par l'activisme militaire actuel marqué par la sanglante offensive sur Samara (vendredi et samedi) qui fit plus de 150 morts. Ainsi, cet activisme militaire doit, selon les stratèges de l'administration Bush, concourir à renforcer la position du président sortant, M.Bush Jr, face à son challenger démocrate, John Kerry, d'une part, baliser le terrain pour les prochaines élections générales irakiennes, prévues en janvier 2005, sur l'organisation desquelles le doute persiste, d'autre part. En fait, très critiqué sur l'invasion de l'Irak et la guerre qui s'en est suivie, le président Bush, qui remet son mandat en jeu le 2 novembre prochain, veut montrer autant sa détermination à poursuivre la guerre que la justesse de ses décisions pour l'Irak, initiatives aujourd'hui largement contestées dans le monde d'autant plus que l'argument massue de l'administration Bush, le programme nucléaire irakien, s'est révélé sans fondement, se dégonflant au cours des mois comme une baudruche. D'ailleurs, lors de leur premier débat consacré à la politique étrangère américaine, dominé par l'Irak, le candidat démocrate, John Kerry, a réussi à mettre sur la défensive l'actuel locataire de la Maison-Blanche. Aussi, faire donner l'armée sur les villes irakiennes est une façon de faire oublier l'échec subi lors du débat de jeudi. De fait, le lendemain, vendredi, l'armée américaine lance l'offensive sur Samara qui a fait plus de 150 morts, selon le bilan même de l'armée d'occupation américaine en Irak. Et les morts de Samara sont loin d'être tous des «rebelles», c'est-à-dire des Irakiens qui n'acceptent pas l'occupation américaine. De fait, ces raids, comme ceux sur des «repaires présumés» (à Falloujah) du réseau d'Abou Moussab Al Zarqaoui, ou des offensives musclées contre les villes irakiennes insoumises, à l'instar de Samara, sont, selon un officier supérieur américain, appelés à se multiplier durant les semaines à venir, durant, en fait, la période cruciale des mois d'octobre et de novembre pour George W. Bush et de décem-bre pour le gouvernement intérimaire irakien, qui aura aussi à affronter les urnes en janvier prochain. Ainsi, Samara, dixit le ministre intérimaire irakien de l'Intérieur, Falah Al Nakib, avait été « nettoyée des mauvais éléments et des terroristes », tous ceux en fait qui n'acceptent pas le nouveau pouvoir installé par les Américains à Bagdad. En réalité, dans un raccourci à tout le moins facile, le pouvoir intérimaire de Bagdad considère toute opposition à sa mainmise sur le pays comme une rébellion qu'il qualifie encore de terrorisme. En fait, il s'agit bien d'une mainmise sur l'Irak de la part des ex-exilés, à leur tête, le Premier ministre intérimaire Iyad Allaoui, -ancien agent et honorable correspondant de la CIA-, qui se sont constitués en puissant lobby accaparant, dans le sillage de l'occupation américaine, le pouvoir à Bagdad. C'est tellement vrai que nom-breux sont les analystes et observateurs qui mettent en doute la sincérité et la loyauté des prochaines élections en Irak, si celles-ci se déroulent comme prévu. Ces derniers estiment en effet que les alliances électorales qui sont en train de se former dans la perspective du scrutin de janvier 2005, constituent en fait une menace pour le pluralisme politique en Irak du fait même que ce sont les « exilés », qui se sont emparés de la majorité au sein du Conseil tran-sitoire de gouvernement d'abord, du gouvernement intérimaire ensuite (depuis juin dernier), qui ont fait main basse sur tous les postes de responsabilité en Irak, excluant de fait les «autochtones» de la direction du pays. Et cette tendance risque de s'accentuer au détriment de la cohésion politique du pays et du libre choix des Irakiens. Avec le soutien actif des Etats-Unis, les «partis» naguère en exil, -dont nombre de leurs membres sont les animateurs d'un gouvernement intérimaire irakien tout dévoué à Washington-, semblent, au gré des alliances, avoir cadenassé toutes les issues vers le pouvoir, cela avant même la problématique organisation de la consultation électorale de janvier prochain. De fait, nombreux sont les Irakiens qui considèrent les prochaines élections comme «une mascarade». Aussi, George W.Bush, qui postule à un second mandat à la tête des Etats-Unis, a-t-il surtout réussi à organiser le chaos en Irak en ne parvenant à réaliser aucun des objectifs qu'il s'était assignés lors de l'invasion de ce pays.