La situation, quasi inextricable, a été provoquée par l'arrêt des distributions suite aux trop nombreuses réclamations citoyennes. Des listes arrêtées depuis des mois, ayant fait l'objet, à plusieurs reprises, de révision de la part des commissions communales chargées d'établir le listing des demandeurs de logements au niveau de chaque commune, ne sont pas affichées jusqu'à l'heure actuelle. Cette situation constitue une véritable bombe à retardement que les pouvoirs publics auront tout le mal du monde à désamorcer. L'expérience, dans ce cas précis, a démontré que la rue bouge systématiquement à chaque affichage de listes de bénéficiaires. C'est la bête noire des élus qui préfèrent renvoyer l'opération aux calendes grecques. Les émeutes qui ont émaillé nos communes au centre comme à l'intérieur du pays sont là pour attester de la complexité du problème qu'aucune mesure n'est venue atténuer. Les tensions exercées sur certaines communes, notamment les quartiers populaires des grandes villes à l'exemple de la Casbah d'Alger et de Bab El Oued, risquent de s'exacerber au vu du nombre élevé des demandeurs de logement estimé à des centaines qui ouvrent droit à l'acquisition mais qui, compte tenu des quotas réduits accordés dans le cadre du logement social, se trouveront, pour certains, écartés du programme. Des citoyens se rendent chaque dimanche et mardi, jours de réception aux services sociaux afin de s'informer de l'évolution de leurs dossiers. Ils retournent bredouilles après avoir obtenu une audience auprès des responsables de la commune. «On nous reçoit avec amabilité pendant quelques minutes mais pour nous expliquer que le feu vert ne leur a pas encore été donné. Mon dossier traîne depuis des années dans les tiroirs de la mairie. Jusqu'à quand doit-on attendre? s'indigne une vielle dame à la sortie du bureau du responsable du service social au niveau de l'APC de la Casbah. L'une des astuces à laquelle ont recours les APC, consiste à proposer la formule du participatif. Selon les dires de certains citoyens que nous avons abordés, ce type de logement ne les arrange pas à cause des modalités de payement jugées excessives. L'apport personnel qui équivaut à 250.000 DA n'est pas à la portée de tous, d'autant plus que les banques refusent d'accorder un prêt aux salariés dont le revenu est en dessous de 20.000 DA. Les salaires compris entre 12.000 DA et le montant réclamé sont du coup écartés. Ils ne peuvent ni prétendre à un logement social ni à un logement participatif et pourtant, ils font partie de la majorité écrasante ayant déposé leurs dossiers pour l'acquisition d'un logement social. Cela dit, le logement qui est un droit élémentaire garanti par le texte fondamental est inaccessible pour le simple citoyen qui tourbillonne dans une noria de procédures avant de voir le bout du tunnel. Il est régi par le décret exécutif n° 98-42 du 1er février 1998, définissant les conditions et modalités d'accès au logement public locatif à caractère social. Il est financé totalement par les fonds du Trésor public ou sur le budget de l'Etat. L'accès au «logement social est ouvert à toute personne physique résidant depuis une année au moins dans la commune, lieu d'implantation des programmes de logements sociaux à attribuer». Si, théoriquement, les termes de la loi ne souffrent aucune ambiguïté, la réalité du terrain est tout autre. C'est un secret de polichinelle que de parler des pratiques peu orthodoxes qui se déroulent au vu et au su de tous. «Des noms étrangers sont parachutés en haut des listes des attributions sans que personne lève le petit doigt. Elles sont confectionnées dans l'opacité la plus totale. Les recours sont souvent ignorés», révèlent certains citoyens dépités. Les retards accusés dans l'affectation des logements sont considérables. Des sites à travers l'ensemble du pays, prêts à recevoir leurs propriétaires depuis des mois sont en souffrance. Certains d'entre eux font l'objet de pillage où sont carrément squattés par des indus occupants. Et souvent des SDF y élisent domicile comme cela se vérifie dans certaines régions du centre. La majorité des citoyens ayant un dossier au niveau de plusieurs APC, a-t-on appris, ont reçu les brigades communales ayant pour mission d'enquêter sur les conditions d'hébergement des familles mal logées ou n'ayant pas de logements. Celles-ci ont bouclé le travail sur le terrain mais la distribution de logements n'a pas encore eu lieu alors qu'il n'y a pas de raison d'ajourner l'opération. L'autre fait saillant est l'opacité entourant les quotas accordés à chaque quartier, d'où les détournements fréquents, ancrés dans les moeurs des collectivités locales. Le ministre de l'Habitat auquel la question sur le nombre exact des logements sociaux destinés à la distribution, a été posée lors du forum de l'Entv, a refusé de donner le chiffre en affirmant, cependant qu'«il est important». Le DG de la Cnep avait déclaré, il y a quelques mois, que 65.000 logements n'ont pas trouvé acquéreurs. Des citoyens ne comprennent pas comment avec toutes «ces constructions d'immeubles qui poussent comme des champignons et ces milliers d'habitations inoccupées, on en est encore à parler de crise de logement». Sur un autre chapitre, les révélations du ministre de l'Intérieur viennent apporter de l'eau au moulin du citoyen car c'est un argument supplémentaire pour le report sine die du programme d'affectation de logements sociaux. Le blocage d'une soixantaine d'APC et le retrait de confiance à 375 maires évoqués par le ministre, sont un facteur aggravant de la situation quand on sait que la décision du premier responsable de la commune concernant les attributions de logements est, si l'on se réfère à la loi, obligatoire. Une situation qui pénalise, en premier lieu les administrés qui sont à bout de patience.