Ingéniosité,une attitude de serpent ingénu ou de gnome sorti d'un conte de fées. La danseuse espagnole, Solo Pico, a plus d'une raison de captiver le public. Parce qu'elle a un talent exceptionnel? Parce que son charme a de quoi vous couper le souffle? Parce qu'elle exécute des danses féeriques? Evidemment. Mais il y a autre chose : outre le fait qu'elle vous invite à voir son spectacle, elle vous donne des tomates pour que, à la fin de la représentation, si vous jugez ses prestations médiocres, vous les lui lanciez en pleine figure. C'est ce qu'elle a fait dimanche dernier lors de la présentation de son spectacle «Embrasse-moi le cactus» au Théâtre national algérien, Mahieddine Bachtarzi. Mêlant à la fois le burlesque et l'absurde, Solo Pico plonge de plain-pied et dès le début du spectacle, dans le tourbillon de la démence d'où elle essaie vainement de s'extirper. La tâche est si délicate. Car il faut présenter, tout au long des 55 minutes que dure le spectacle, des situations paradoxales et contradictoires. La représentation commence par un faisceau lumineux qui engloutit les ténèbres où est plongée la scène. La danseuse fait son apparition au son des mélodies douces qui ne tardent pas à devenir tonitruantes, crevant le silence qui a longtemps régné sur la scène. Des danses proches du délire, exécutées au beau milieu d'une dizaine de petits bols où on a planté du cactus minuscule, venant à peine de pousser. Le cactus fait mal. Le mal subi une fois engendre une certaine peur. Cette peur qui intervient brusquement. Cette crainte qui torture. C'est contre ce fait psychologique que Solo Pico décide de lutter. De le couper à la racine. En somme, elle part à la recherche de soi. Mais à force de le faire, elle finit par entrer dans son univers intérieur. C'est le mystère de soi qui se découvre en plein jour. C'est sa mise à nu. En s'engouffrant dans les entrailles-mêmes de ce phénomène unique en son genre, la danseuse tente de briser les murs de l'inconnu, sans pour autant transgresser les règles. Cependant, cette douce transgression coûtera à Solo Pico le prix de se démener toute seule comme un démon dans un bénitier. C'est un pari risqué que celui qu'elle livre. Mais ce pari laisse découvrir une certaine folie latente d'où la danseuse essaie de s'échapper en brisant, tout d'abord, les armures qui lui enveloppent le corps. Car la libération de l'esprit commence par celle du corps. Ce corps, pour paraphraser J.P.Sartre, qui est «mis à nu par l'Autre». Dans Embrasse-moi cactus, c'est le miroir qui prend la place de cet Autre. Et devant ce miroir, à la fois ensorcelant et exorcisant, la danseuse donne libre cours à sa partie primitive. Celle qui ne connaît ni tabou ni limite, où seul le naturel prime et a droit à la présence. «Est ce qu'il y a quelqu'un qui veut se brûler avec moi?» lance Solo Pico à l'adresse du public enthousiasmé. Et là, c'est la limite de l'absurde et du drolatique. Toutefois, la danseuse a un don : celui de transformer une course d'obstacles et de confrontations en un jeu passionnant, plein d'humour et de dynamisme. On retrouve à la fois, une ingéniosité, une technique dépurée, une attitude de serpent ingénu ou de gnome sorti d'un conte de fées, la recherche incessante d'une complicité avec le spectateur, tout cela fait de ses propositions scéniques des rencontres passionnantes et remplies de charme. «Cette proximité chorégraphique», la générosité et la crédibilité que transmet Sol Pico sur scène créent un climat de confiance indispensable pour que s'installe un dialogue ouvert sur des thèmes si épineux. Il est à noter que ce spectacle est organisé par l'institut Cervantès ainsi que l'ambassade d'Espagne à Alger et ce, avec la participation de Repsol.