Bab El-Oued émerge progressivement du coma dans lequel l'ont plongé les dernières inondations. Au 10e jour de la catastrophe le quartier ressemble toujours à un champ de bataille. Mastodontes tirant de la boue des masses de ferraille, pelleteuses chargeant la terre sur des camions à la queue leu-leu. Familles sinistrées, sans toit, sans baluchons, entassées dans des écoles, des hangars, des APC. Tout lieu pouvant servir d'abri. Mis à part le repas chaud servi en ce mois de Ramadan, leurs journées et leurs nuits sont faites d'attente. Désoeuvrés et en quête incessante d'informations, ces femmes, ces enfants, ces jeunes et moins jeunes vivent cette situation transitoire dans des conditions lamentables. Sanitaires de fortune, espaces exigus, ces humains sont tout simplement parqués là. Si le danger des pluies semble dépassé, un autre sinistre guette cette foultitude. La maladie ou plutôt les maladies ont toutes les chances de se déclarer. La promiscuité et l'absence d'hygiène élémentaire en sont un terreau favori. Des brigades de médecins assurent une surveillance continue. Très mobiles, ces praticiens auscultent, soignent, vaccinent sans rechigner. Tout le personnel médical du secteur sanitaire de Bologhine couvrant également Bab El-Oued est mobilisé h24, tous les jours de la semaine y compris le week-end. Cette alerte maximum est due aux risques d'épidémies qui se font plus menaçants de jour en jour. «Plus le temps passe dans les conditions précaires où se trouvent les familles sinistrées, plus le risque d'épidémie se fait plus menaçant», précise le docteur Rahal Malika, directrice du secteur sanitaire qui a établi son quartier général à la polyclinique Mira de Bab El-Oued, et ce, pour être plus prêt du théâtre des opérations et du fait que l'hôpital de Baïnem, siège du secteur, est lui-même sinistré. Tout les médecins sont sur le pied de guerre. La mobilisation est générale. Les congés sont suspendus. Les tours de garde renforcés. Les week-ends sont jours ouvrables. «Nous avons pris cette décision pour parer à toute éventualité. Ainsi tout notre personnel est sur le terrain. A portée de main. Nous pouvons ainsi faire face à toute alerte, à tout moment», justifie le Dr Rahal. Si les symptômes constatés jusque-là sur la population de Bab El-Oued se limitent à des cas de gale, d'herpès et de diarrhées tous les ingrédients pour une flambée d'épidémies de MTH (maladies à transmission hydrique) où celles dites des «mains sales» sont réunis. Bien sûr l'eau potable est sous haute surveillance et son traitement est assuré par les services de l'hydraulique. D'ailleurs tellement bien assuré que les opérateurs obnubilés certainement par le souci de bien faire forcent la dose sur le chlore. Ce qui a pour effet également de provoquer des diarrhées. Mais le microbe le plus redouté reste celui de la typhoïde. «Le cordon sanitaire mis en place ne sera pas relâché tant que la menace n'est pas écartée», rassure le Dr Rahal. Ce qui pourrait aider un tant soit peu le travail de ces médecins mobilisés est la prévention. Elle consiste en la désinfection des locaux où sont rassemblés les sinistrés et l'utilisation à grande échelle de l'eau de javel. Et c'est si facile.