L'impromptu kurde! L'irruption des Kurdes dans les guerres qui meurtrissent l'Irak et la Syrie a provoqué une redistribution des cartes au Moyen-Orient et bouleversé la donne géopolitique locale. En effet, l'un des aspects les plus improbables des guerres en Irak et en Syrie est vraisemblablement la participation des Kurdes de ces deux pays aux faits d'armes contre ledit «Etat islamique» (EI/Da'esh). Ainsi, les médias et les dirigeants occidentaux tombent-ils quasiment en pâmoison face aux «prouesses» guerrières des peshmergas irakiens et les YPG (Unités de protection du peuple, branche armée du parti kurde PYD) syriens qui tiennent la dragée haute aux jihadistes de l'EI. Il y a toutefois comme un défaut: cet empressement pour les Kurdes irakiens - lesquels grâce aux aides de l'Occident ont réussi à fonder un Etat dans l'Etat - et syriens - puissamment assistés par les frappes de la coalition menée par les Etats-Unis - ne se prolonge pas aux Kurdes turcs taxés en revanche, par ce même Occident, de «terroristes». En effet, combattant pour l'autonomie des Kurdes turcs, le Parti des travailleurs du Kurdistan [PKK] est diabolisé par l'Occident, qui le regarde comme un groupe terroriste. Pouvait-il en être autrement alors que la Turquie, membre de l'Otan, est un allié stratégique de l'Alliance atlantique? Il y a donc les «bons» et les «mauvais» Kurdes. Or, ce qui est à tout le moins cocasse est que les YPG syriens - c'est ce qu'assurent la Turquie et les diplomaties occidentales - ne seraient en fait qu'une «filiale» dudit PKK. Alors comment s'y retrouver? En fait, Etats-uniens et Européens savent très bien trier le bon grain de l'ivraie et savent évidemment ce qu'ils font, tout en faisant tirer les marrons du feu par les autres. Le chaos qu'ils ont généré dans le Monde arabe sert de fait puissamment leurs desseins et même l'autoproclamé «Etat islamique», par ses exactions, soutient ces projets. De fait, l'Occident nage comme un poisson dans leau dans la mélasse qu'il a confectionnée comme en attestent les aides octroyées à certains jihadistes d'al-Nosra (filiale d'Al Qaîda en Syrie) et à Al Qaîda elle-même dont les abus sont un vigoureux stimulant aux actions de déstabilisation du Monde arabe. C'est même singulier de voir Da'esh exécuter avec tant d'allant le plan américano-sioniste de dépècement du Moyen-Orient. Simple coïncidence? Bien curieuse, dont les retombées sont tout profit pour l'Occident. Donc, voici les Kurdes «maîtres d'oeuvre» de la lutte contre Da'esh. Mais l'Occident n'en est pas à ses premières duplicités qui est directement responsable des calamités - qui frappent les Kurdes depuis près d'un siècle - et de la partition des territoires kurdes entre plusieurs pays. Sans pour autant convoquer le témoignage de l'histoire, relevons toutefois que ce sont les Européens qui ont - par les traités de Sèvres de 1920 et de Lausanne de 1923, au lendemain de la fin de la Grande Guerre de 1914-1918 et la chute de l'Empire ottoman - dispersé le peuple kurde pour leurs intérêts impérialistes, charcutant au passage le Moyen-Orient par la création de nouvelles entités politiques tout en reconfigurant les pays existants. Aussi, les attentions dont les Kurdes sont aujourd'hui l'objet sont-elles suspectes et peu sincères. L'Occident qui n'a rien fait au long des décennies pour trouver une solution au problème kurde, a fait des Kurdes des pions qu'il manipule, accentuant les discordes entre les ethnies. En vérité, cette résurgence soudaine du Kurdistan - amputé cependant de ses parties turque et iranienne - est loin d'être objective. De fait, c'est en marge des deux guerres délibérément déclenchées par l'Occident: en 1990 contre l'Irak (dite première guerre du Golfe) lors de laquelle le Kurdistan irakien fut détaché de l'Irak et en 2011 contre le régime syrien, que les Kurdes ont retrouvé un semblant de visibilité. Les Kurdes syriens (les moins nombreux) ont même pris de l'épaisseur, au détriment de la rébellion «syrienne» que les Etats-Unis, la Turquie, la France et leurs alliés des monarchies du Golfe ont mis en place dans la perspective de faire tomber le régime syrien. Ainsi, pour ses exigences impérialistes l'Occident dorlote-t-il les Kurdes pour lesquels il n'a pas bougé le petit doigt quand ces derniers avaient le plus besoin d'une aide réellement désintéressée? En fait, Etats-uniens et Européens utilisent les Kurdes comme un cheval de Troie avec le dessein [à demi-avoué] de faire disparaître les Etats nations du Monde arabe. Les Kurdes en sont-ils conscients? Comme certains «Arabes» qui participent pleinement à ce dangereux projet?