Un projet de loi bloqué par les conservateurs L'ONG internationale a écrit au Premier ministre Abdelmalek Sellal pour l'appeler à prendre «les mesures nécessaires pour que ce projet de loi soit adopté dans les plus brefs délais». Amnesty International s'inquiète du blocage du projet de loi criminalisant les violences contre les femmes. A cet effet, l'ONG internationale a adressé une lettre au Premier ministre Abdelmalek Sellal pour l'appeler à mettre fin à la captivité de ce projet pris en otage par le Sénat. Intitulée les «excuses, ça suffit», cette lettre rappelle que les «violences du genre, y compris les violences sexuelles, sont des violations des droits humains touchant à l'intégrité physique et psychique des femmes et des jeunes filles». Amnesty International qui considère ce projet de loi comme une «avancée positive pour la protection des femmes et des jeunes filles contre les violences», s'indigne contre ce blocage inexpliqué. Dans ce sens, elle appelle le Premier ministre Abdelmalek Sellal à prendre «les mesures nécessaires pour que ce projet de loi soit adopté dans les plus brefs délais». «Nous vous demandons également d'adopter une législation qui pénalise la violence contre les femmes sous toutes ses formes ainsi que des mesures permettant d'améliorer l'accès des victimes à des soins médicaux et des services de soutien adéquats», est-il souligné dans la même lettre. Amnesty International avait auparavant émis des réserves sur la «clause qui prévoit l'arrêt des poursuites judiciaires en cas de pardon de la victime, exposant ainsi les femmes à un risque accru de violence et de coercition pour qu'elles retirent leur plainte». Adopté à l'Assemblée populaire nationale le 3 mars dernier, ce projet de loi a été bloqué au Sénat après le courroux que cela avait provoqué chez les islamistes. Cette loi a suscité une véritable levée de boucliers et donné lieu à des échanges de propos violents entre députés au sein même de l'hémicycle. D'un côté, les islamistes de l'Alliance de l'Algérie verte (AAV) appuyés par quelques députés indépendants et même certains du FLN (parti majoritaire) qui ont frontalement affiché leur hostilité à ce projet d'amendement du Code pénal, qui, estiment-ils, «n'a rien de révolutionnaire» mais qui vise plutôt «à porter atteinte à la famille». Le gouvernement a donc cédé à la pression et a trouvé la «formule adéquate» pour rejeter ce projet en le bloquant au niveau du Sénat. Le camp des conservateurs a jubilé devant cette nouvelle offrande du gouvernement, tandis que les progressistes ont dénoncé une volte-face qui ouvre la porte à tous les dérapages extrémistes. Si cette loi avait été adoptée elle aurait fait de l'Algérie le deuxième pays du Maghreb, après la Tunisie, à criminaliser les violences contre les femmes. Il faut dire que le contexte actuel de la société se prête à l'adoption d'une telle loi. L'accès massif des filles à l'école a remodelé le paysage professionnel du pays qui compte aujourd'hui 65% de femmes parmi les diplômées, 42% des magistrats sont des femmes! Les femmes algériennes se sont réappropriées l'espace public, le rôle politique (deux tiers de parlementaires sont des femmes), économique et scientifique. Dans l'Algérie de 2015, la femme est majoritaire à l'université, dans les secteurs de la santé, de la justice, l'éducation; et elle est en passe de conquérir le domaine militaire...Cette spectaculaire présence dans les lieux du pouvoir est le fruit d'une lutte de très longue haleine des associations féminines, menée souvent au péril de leur vie...