Revenu au point de départ de sa crise, ce parti va au devant de graves zones de turbulences. Abdelkrim Abada, «dirigeant légitime» du FLN aux termes de la décision de justice invalidant le 8e congrès, a fini par perdre contenance et partant déballer. Cela s'est passé ce jeudi, au siège du FLN, lors de la rencontre du comité central issu du 7e congrès, en session ouverte depuis le 19 avril passé, date de démission de son ancien secrétaire général, Ali Benflis. C'est désormais la rupture entre Abada et les siens d'un côté, et les ministres FLN et les redresseurs dits libres de l'autre. C'est ce qui ressort du discours d'une rare virulence fait par Abada face aux 158 membres du CC sur les 243 que compte cette instance. Un chiffre «respectable» en ce mois de Ramadan, d'autant que le quorum ne devait pas être atteint selon les statuts en vigueur. L'ordre du jour de la rencontre, donc, qui n'occulte pas la célébration du cinquantenaire de la guerre de Libération nationale, s'est longuement appesanti sur la préparation, toujours insuffisante, du 8e congrès, lequel était attendu pour avant le 1er novembre, avant d'être reporté sine die pour décembre, sinon le début de l'année prochaine. Abada, dans son discours, a violemment fustigé la «mauvaise foi» des ministres FLN et des «redresseurs libres». Pour lui, aux termes de la décision de justice, «le pouvoir est entre les mains de ce comité central, lequel l'a délégué aux douze salopards, comme se plaisent à nous les décrire certains». D'autant plus amer que la salle du «Mouflon d'or» n'a pas été cédée sur «instruction d'un ministre» et que la télé a boudé la rencontre pour les mêmes raisons, Abada a longuement insisté sur «les signes de bonne volonté» de son groupe allant jusqu'à accorder la présidence de la commission de préparation du 8e congrès à Abdelaziz Belkhadem alors, explique-t-il, que celui-ci «n'y a pas droit statutairement parlant». Cette commission, composée de 180 membres, explique encore Abada, devait être installée depuis plusieurs mois. Or, s'indigne-t-il, «à deux reprises, un certain ministre, qui utilise des étudiants, en a empêché la mise en place». Le pire, certes, a été évité. Mais, la situation n'a pas cessé de dégénérer, notamment au niveau de la base. Ménagé, tout au long de ce terrible réquisitoire, Belkhadem a fait montre d'une grande compréhension, soulignant constamment que la fin de la campagne a effacé toutes ces divergences, reprenant ainsi à son compte les propres paroles du réconciliateur Bouteflika dans son discours d'investiture.Le voile est ainsi levé, suivant la version des douze, sur les raisons qui ont fait capoter la réconciliation à la base et, partant, la tenue du congrès avant le cinquantenaire. «J'avais signé une circulaire, explique Abada, avec l'accord de Belkhadem, dans le but d'aller vers des rencontres de réconciliation wilayales en prévision des assemblées générales de mise en place des commissions». Or, la démarche a été contrée pendant que Belkhadem était en mission aux USA. Le plus désolant, souligne-t-il, c'est que «la démarche a été couronnée d'un total succès au niveau des quelques wilayas visitées». Toujours est-il que Belkhadem aurait été mal informé à son retour d'Alger. S'en est suivie la mise en place d'une commission parallèle, composée de 48 «redresseurs» en train de sillonner le pays, «sans la moindre légitimité», martèle Abada, soumettant aux militants de base des textes qui n'ont même pas été adoptés par la commission nationale. La colère, étant à son paroxysme chez Abada et Goudjil, les deux accusent certains ministres, sans les nommer, d'aller jusqu'à se faire aider par des cadres du RND, lequel pourtant n'attend que l'occasion de prendre sa revanche sur le FLN. Instruction a donc été donnée aux mouhafedhs de refuser de coopérer avec les «48» au moment où sont également pris en force des sièges locaux appartenant au parti, cela contre l'avis de Belkhadem. La rupture était, semble-t-il consommée, donnant même lieu à des passes d'armes entre anciens pro-Benflis et redresseurs, Abada a donné l'air d'être résolu d'aller vers la préparation du 8e congrès avec ou sans les autres. Une motion politique, abondant dans ce sens, a même été adoptée alors qu'une déclaration relative au 1er novembre a également été lue et acclamée par l'ensemble des présents. Les redresseurs, comme nous l'écrivions dans la précédente édition, préparent eux aussi une riposte musclée, à la mesure, présume-t-on de la réussite de la tenue de ce comité central, toujours en session ouverte, bloquant toujours toute liberté de manoeuvre pour les autres. Ces derniers, d'ailleurs, sont invités par Abada à venir prendre la parole et, même le pouvoir s'ils arrivent à convaincre la majorité des membres de cette instance souveraine entre deux congrès. Les responsables d'Alger, réunis à Bourouba, ont eux aussi fait montre de leur dépit, appelant le CC à élire un bureau politique et un secrétaire général. Une rencontre nationale des mouhafedhs est également souhaitée, dans le but de court-circuiter les activités des redresseurs. Face à cet insurmontable blocage, qui vient aggraver une crise désormais sans issue, il reste le «joker» Belkhadem. Cet homme, qui continue de faire l'unanimité, garde toujours un silence prudent sur tous ces conflits, désormais éclatés au grand jour. Peut-il se permettre de «demeurer» au-dessus de la mêlée plus longtemps que cela? Rien n'est moins sûr...