Le président du FFS espère instaurer un dialogue qui permette de rattraper le temps perdu, quitte à aller vers de déchirantes mais nécessaires révisions. L'avion du plus vieil opposant politique en Algérie, Hocine Aït Ahmed, a atterri hier à l'aéroport international Houari Boumediene. A sa rencontre, outre les dirigeants du FFS, se trouvait un représentant du ministère des Affaires étrangères ainsi qu'un autre de la présidence de la République. Signe de réconciliation certaine même si cet historique a poliment refusé le salon d'honneur, ainsi que le véhicule mis à sa disposition par le Palais El-Mouradia. En revanche, la rumeur va grandissante sur la probable présence d'Aït Ahmed à la cérémonie qu'organise Bouteflika à l'occasion du cinquantenaire de la guerre de libération. Et c'est là la seule raison qui a poussé le président du FFS, un parti toujours en crise, à rentrer au bercail. C'est, du moins, ce qu'il a farouchement soutenu face au feu nourri des questions posées par des journalistes, venus nombreux assister à ce retour historique. Aït Ahmed, visiblement ému par ces retrouvailles, a commencé par dire qu' «il convient de dépasser les contingences afin que les valeurs de Novembre puissent trouver la voie de leur accomplissement». Le thème novembriste revenant tel un leitmotiv, Aït Ahmed ajoute, en référence à l'histoire. «Cinquante ans après, je ne dirais pas barakat, mais il faudrait un nouveau départ afin de redonner à l'Algérie son rayonnement dans le monde.» Celui qui reste porteur de messages de paix et qui dit détester la haine et l'intolérance, dresse un bilan catastrophique de la situation actuelle en soulignant qu'en «ce cinquantenaire, les résultats sont antinomiques des objectifs premiers de la révolution de Novembre». En d'autres termes, c'est comme si les valeurs défendues par novembre avaient été dévoyées. Concrètement parlant, ce que propose Aït Ahmed c'est «de mettre un terme le plus vite possible au verrouillage afin d'aller vers une véritable transition pour instaurer la réconciliation». Il justifie une pareille option par le fait que «chaque fois que l'on se trouve face aux malheurs, il faudrait recourir à ce que l'on appelle des révisions déchirantes». Pour ce faire, Aït Ahmed compte beaucoup sur la jeunesse en particulier, et la société en général. Que l'on en juge: «Je veux savoir s'il reste encore quelque chose des valeurs de Novembre chez nos jeunes, cette génération qui n'a pas connu la guerre et qui est née devant des problèmes inextricables.» Il ajoute plus loin que «ce qui est important c'est de remobiliser la société afin de concrétiser l'idéal de République démocratique et sociale, de sorte qu'il n'y ait plus de séparations entre les Algériens». Il conclut cet appel, sans exclusion aucune, en soulignant qu' «il est indispensable que nous nous écoutions les uns les autres, quelle que soit la chapelle à laquelle nous appartenons». Après cinq ans d'absence, le président du FFS, un des principaux chefs historiques de la guerre de Libération nationale, Hocine Aït Ahmed, a choisi de rompre avec son «exil» pour prendre part au cinquantenaire du 1er Novembre 1954. Une infranchissable discrétion, sans doute liée à des raisons sécuritaires, entoure l'agenda chargé d'Aït Ahmed. Mis à part un bref communiqué transmis aux rédactions annonçant une conférence débat que le chef du parti va coanimer ce soir à la salle omnisports d'Aïn El Benian avec Mouloud Hamrouche et Abdelamid Mehri, sous le thème «Novembre , un bilan et un élan pour l'avenir», rien de ce que fera Aït Ahmed n'a été jusque-là annoncé. Néanmoins, des informations concordantes font état de la tenue d'une série de rencontres avec les cadres du parti. «La visite d'Aït Ahmed intervient dans un moment historique, très important pour le pays. Son retour n'a aucune relation avec ce que certains qualifient de crise au FFS», dément pour sa part Karim Tabbou, le secrétaire national chargé de la communication. Tout compte fait, cette visite intervient dans une conjoncture très spéciale pour le parti. Le FFS tient à réorganiser sa maison, «et harmoniser les rangs avant d'affronter les enjeux qui se profilent à l'horizon», nous déclare un cadre du parti. La visite d'Aït Ahmed, même si elle ne s'inscrit pas directement dans ce cadre, ne pourra que conforter les militants, sachant que contrairement aux déclarations du premier secrétaire national, estimant que la crise «est dépassée», force est de constater que cela est encore loin d'être le cas. L'absence de Mustapha Bouhadef, hier à l'aéroport, renseigne assez sur ce malaise. Aït Ahmed a choisi d'être accueilli par «ses proches», à l'image de Djoudi Mammeri, Ahmed Laskri, Rabah Aissat et Ferhat Hamid. La situation qui prévaut dans le parti sera l'un des points saillants de cette visite. L'objectif d'Aït Ahmed est de mettre le parti sur les rails, à travers une stratégie de redéploiement sur la scène politique, à la veille de son 4e congrès qui sera organisé durant la première moitié de l'année prochaine. Un forcing qui prend selon les observateurs, les allures d'un «véritable plan de sauvetage», après une traversée du désert qui n'a que trop duré. Sur un autre chapitre, Aït Ahmed va saisir son retour à Alger pour développer les volets de la nouvelle initiative de sortie de crise qui sera élaborée en partenariat, cette fois-ci, avec d'autres personnalités politiques, à l'image de Mehri et Hamrouche. Le document qui sera élaboré à partir d'Alger, selon des sources proches du parti, sera la troisième initiative du genre pour le vieux parti de l'opposition. Notant que les deux dernières ont reçu une fin de non-recevoir. Dans le fond, il s'agira d'imposer «un véritable pôle politique d'opposition» pour contrer une alliance stratégique «qui vise à verrouiller le champ politique». Un pôle qui sera chapeauté, faut-il le souligner, par des personnalités qui ont marqué leurs distances vis-à-vis des centres de décision et des polémiques depuis plus d'une décennie. Aït Ahmed, porteur d'un message d'espoir même s'il continue d'inscrire son combat dans l'opposition, espère sincèrement que «cette commémoration serve de catalyseur à la construction de la paix dans un pays qui permette aux jeunes de s'affirmer et à la société de s'organiser et de s'exprimer librement conformément à l'ensemble des conventions internationales ratifiées par l'Algérie».