Prévu pour ce dimanche, à la Cinémathèque algérienne, le dernier film de Rachid Bouchareb , Little Sénégal, a été reprogrammé pour la semaine prochaine en raison des événements qui ont touché la capitale. Après avoir visité le Vietnam, à travers l'histoire des enfants prisonniers des Vietcongs dans Poussière de vie, le cinéaste algérien, le plus américanisé, Rachid Bouchareb, s'intéresse dans ce film au sort des Africains déportés comme esclaves en Amérique. Little Sénégal est l'histoire d'Alloune, un guide à la maison des esclaves de Gorée, qui décide un jour de partir en Amérique à la recherche des descendants de ses ancêtres, arrivés il y a deux siècles comme esclaves. Des plantations du sud à Little Sénégal, un quartier africain de Harlem, Alloune remonte jusqu'à une lointaine cousine, Ida, qui ignore tout de son passé. Guidé par son idée de réunir sa famille par-delà les siècles et les frontières et à travers son idylle naissante avec Ida, il croise le chemin de son neveu Hassan, chauffeur de taxi clandestin, de sa fiancée Biram, d'Eileen enceinte et fugueuse et de Karim prêt à tout avec Amaralis pour obtenir sa carte verte. Au milieu de ce rassemblement familial apparaîtront les contradictions et les conflits entre l'Amérique noire et l'Afrique. D'après un scénario d'Olivier Lorelle et Rachid Bouchareb de Little Sénégal part du même principe que Racines d'Alex Halley qui remporta un succès fulgurant dans les années 80 aussi bien sur le plan littéraire que sur le plan audiovisuel. Bouchareb, qui découvrit sa passion pour l'Amérique très tôt, avec son premier film Bâton Rouge où il montrait trois jeunes de la banlieue parisienne caresser le rêve américain et partir à Bâton Rouge. Avec le film Cheb, Bouchareb entreprit une cure de ressourcement, en mettant en valeur les relations entre le Nord et le Sud, la France et l'Algérie. Trois ans plus tard, en 1994, Bouchareb, toujours à la recherche d'une terre d'asile cinématographique pour mettre en film ses sujets, tourne Poussière de vie. L'histoire de ces milliers d'enfants vietnamiens du Sud qui après la mort de leurs parents, sont fait prisonniers par les Vietcongs et traité inhumainement. Bien sûr, un sujet comme ça ne pouvait pas laisser insensible l'Académie Awards, qui le nomina dans la catégorie des meilleurs films étrangers, pour la course aux Oscars. Il représente l'Algérie dans la plus prestigieuse manifestation cinématographique, tant convoité, mais, en revanche, il a réussi à obtenir une notoriété en Europe. Ce qui a permis, à lui et à son ami coproducteur, Jean Breat, d'entamer une longue et fructueuse carrière de producteur. Une carrière qui démarra, avec le premier sitcom beur sur M6, la famille Ramdan avec comme vedette, notre star national, Sid Ali Kouiret. Bouchareb créa plus tard, une société 3B Production, en référence aux trois amis dont les noms commencent par la lettre B. La société de production connaîtra son envol grâce au film libanais West Beyrouth ou encore les films de Thomas Gilou, Raï et La vérité si je mens. En 1997, il réalisa l'honneur de ma famille, une fable algérienne, sur les conséquences de l'intégration et où une jeune, issue d'une famille traditionnelle, tombe accidentellement enceinte et épouse un jeune commerçant de la ville pour sauver l'honneur de la famille. Avec Little Sénégal, Bouchareb met de côté ses racines arabes et algériennes pour s'attaquer à un sujet beaucoup plus sensible, celui de la reconstitution de l'histoire et des origines africaines. Conscient que le sujet est une véritable source de création, il excelle dans la mise en scène et offre aux amateurs des films authentiques, l'occasion de découvrir l'histoire cachée de l'Amérique. Il est clair que son expérience hollywoodienne lui ouvrit des routes impénétrables, qui lui ont permis de toucher à tous les styles et évoquer tous les sujets, même si, en revanche, ses films traitent de moins en moins de l'Algérie. Un choix sans doute, commandé par sa carrière de producteur européen.