Jusqu'à hier après-midi, la situation était à l'incertitude et il est fort probable qu'on s'achemine vers un bras de fer entre les deux candidats. Le scénario le plus pessimiste s'est réalisé aux Etats-Unis quelques heures après la fermeture du bureau de vote. L'élection présidentielle de 2004 est un remake de celle de 2000. Et pour cause, hier jusqu'en milieu d'après-midi, les résultats définitifs n'étaient toujours pas connus. Le résultat du scrutin dépend de ce que donneront les urnes dans l'Etat de l'Ohio. George W. Bush y possède quelque 137.000 voix d'avance sur John Kerry. Au plan national, le président sortant affiche une avance de 3,5 millions de voix sur son rival. Le dernier décompte des chaînes de télévision américaines donnait Bush en tête avec 254 grands électeurs, talonné par Kerry qui a rassemblé 252 voix de grands électeurs. La situation de flou est en rapport avec justement les désignations des grands électeurs, dont l'Ohio qui en délègue 20. Les deux autres Etats indécis, le Nouveau-Mexique et l'Iowa, avec respectivement cinq et sept voix de grands électeurs, ne pèsent donc pas aussi lourd que l'Ohio qui passe pour l'Etat qui va donner la victoire à l'un des deux candidats. Cela n'a pas empêché le camp Bush de mettre la pression sur l'opinion, en annonçant régulièrement la victoire de Bush dans le très fameux Etat de l'Ohio où les deux candidats sont au coude-à-coude. Ainsi face à une forme de réserve de la part de son adversaire, le président sortant a annoncé, hier en fin de matinée, sa victoire, via le secrétaire général de la Maison-Blanche, Andrew Card. Pour ce dernier, Georges Bush disposait d'un avantage «statistiquement insurmontable» dans l'Ohio. «Nous sommes convaincus que le président Bush a remporté l'élection avec au moins 286 des voix des grands électeurs», a soutenu Andrew Card. En réaction, les partisans de Kerry disent refuser de reconnaître sa défaite dans cet Etat et à l'échelon national tant que plus de 200.000 bulletins provisoires et par correspondance dans l'Ohio n'auront pas été examinés et décomptés. Jusqu'à hier après-midi, la situation était donc à l'incertitude et il est fort probable qu'on s'achemine vers un bras de fer entre les deux candidats, susceptible de durer des semaines, comme en 2000. La batterie d'avocats recrutés par les républicains et les démocrates prendra donc la relève des politiques et il est attendu que ce soit la Cour suprême qui désigne le prochain président de la République. Des juristes travaillant pour George W.Bush ont ainsi quitté Washington, tôt mercredi, à bord d'un avion à destination de l'Ohio. Ils devaient y rejoindre plusieurs centaines d'avocats républicains déjà sur place. Les démocrates ont d'ores et déjà dépêché des milliers d'avocats dans cet Etat crucial, mais ils n'ont pas encore envoyé leurs «commandos de choc», précaution destinée à éviter un maquis judiciaire comme celui qu'a connu la Floride il y a quatre ans. Cet état de fait met le monde en stand-by, à l'image d'ailleurs des réactions enregistrées dans le monde. Le président français, Jacques Chirac «adressera un message de félicitations au vainqueur» de l'élection présidentielle américaine, «dès que la décision du peuple américain sera officiellement connue, ce qui n'est pas encore le cas», affirme-t-on de source diplomatique française. Ce qui en dit long sur l'empressement du reste du monde à connaître le nom du futur président des Etat-Unis, qui paradoxalement plonge la communauté internationale dans une situation tragi-comique où personne ne sait plus comment réagir. Le Premier ministre britannique a osé une petite boutade en direction des membres de la Chambre des communes: «Je suis certain que toute la chambre se joindra à moi pour adresser ses félicitations au président», a-t-il déclaré avant de marquer une pause. Et de préciser: «Karzaï en Afghanistan». Un effet accueilli par un éclat de rire à la Chambre des Communes, où chacun attendait évidemment un commentaire sur la présidentielle américaine. De son côté, égal à lui-même, le président russe, Vladimir Poutine, a déclaré qu'une victoire du président sortant américain, George W. Bush, à la présidentielle signifierait que les Américains «ne se sont pas laissé effrayer». «Si Bush gagne, alors je pourrai me réjouir que le peuple américain ne se soit pas laissé effrayer et ait pris la décision qui était juste», a déclaré le président russe. L'ambiance est manifestement différente dans les pays arabes où l'appréhension de voir Georges Bush rempiler pour un second mandat est quasi générale au niveau de la rue arabe. Les régimes de ces pays, même s'ils se disent prêts à travailler avec le prochain locataire de la Maison-Blanche quelle que soit son identité, à l'image du Yémen. En Irak, plus précisément, l'événement américain intéresse au plus haut point le gouvernement irakien. Allaoui a déclaré: «Le vainqueur, quel qu'il soit, sera notre ami. Les Etats-Unis nous ont libérés d'un dictateur, d'une longue période de guerre et de souffrances. Nous serons toujours reconnaissants à l'Amérique de ce qu'elle a fait et continue de faire.»