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Des sinistrés au bord de la dépression
BAB EL-OUED
Publié dans L'Expression le 22 - 11 - 2001

Les inondations à Bab El-Oued n'ont pas seulement engendré des pertes humaines et des dégâts matériels. Le quartier compte désormais, parmi sa population, des centaines de traumatisés qui souffrent le martyre. La douleur est profonde, extrêmement profonde.
Elle est dissimulée derrière les regards hagards des uns, la peur des autres. Toutefois, le silence dans ces cas-là n'est qu'un premier pas vers l'autodestruction. D'où l'urgence d'une prise en charge psychologique des rescapés et des familles des victimes. Les autorités concernées semblent, cette fois, prendre au sérieux cet aspect. Des psychologues ont été dépêchés dans les zones sinistrées. A Bab El-Oued, une cellule d'écoute a été installée au sein de la polyclinique de la circonscription. Hier, nous nous y sommes rendus, dans le but de nous entretenir avec l'une des quatre psychologues y travaillant. L'attente a été très longue, parce que la cellule d'écoute a connu une très grande affluence de citoyens de tous âges.
Une jeune fille ne dépassant pas les 18 ans a attiré notre attention avec son regard perdu. Elle semblait être là et ailleurs en même temps, elle posait des questions en ne s'intéressant guère aux réponses. Amina est lycéenne, le 10 novembre dernier, elle a failli être charriée par les pluies torrentielles au niveau de Triolet et n'a eu la vie sauve que grâce à l'intervention des jeunes du quartier, qui ont accouru à son secours. «Je ne peux toujours pas me débarrasser de mes cauchemars» déclare-t-elle et d'ajouter : «Je vois toujours l'image des voitures et des corps emportés par les eaux en furie, j'entends tout le temps les cris des victimes, c'est une catastrophe.»
La jeune fille avait rendez-vous avec la psychologue, mais n'a pu la voir, celle-ci n'ayant pas travaillé ce jour-là. «Tu pourras parler à une autre psychologue», lui suggéra l'infirmière. «Non dans ce cas-là je serais obligée de raconter de nouveau tout ce que j'ai vécu», répond-elle d'un ton presque désespéré. Malgré l'insistance de son frère, Amina décide de s'en aller ; pour elle, il n'est pas question de faire marche arrière. Reviendra-t-elle? C'est elle seule qui détient la réponse.
13h30, le bureau de la psychologue a vu le passage du dernier patient. Pour Mme Boukefda Samira, l'entretien qu'elle nous accorde, entre dans le cadre de la campagne de sensibilisation visant à attirer un plus grand nombre de citoyens vers les cellules d'écoute. «Le traumatisme se soigne à chaud et sur le coup. Plus le temps passe plus la prise en charge psychologique sera difficile, parce que les gens vont refouler tout ce qu'ils ont vécu», explique-t-elle.
L'objectif principal des psychologues est d'aider les rescapés ainsi que tous ceux qui ont subi un traumatisme à extérioriser et verbaliser leur choc. «Leur souffrance est très importante, nous recevons maintenant des personnes qui ont peur de la pluie, des nuages, elles préfèrent rester chez elles, la pluie leur fait peur. D'une autre manière, elles évoluent dans un monde propre à elles, où il règne une insécurité totale», déclare la psychologue qui estime que l'intensité de la souffrance due à la catastrophe pousse les gens, même les plus forts, à parler, à hurler, à pleurer, c'est positif, le plus important est de trouver quelqu'un prêt à les écouter. «Cette fois-ci, notre mobilisation a été très rapide, il est très important pour nous, en tant que psychologues, d'éviter les erreurs commises dans la prise en charge des victimes du terrorisme», avance-t-elle insinuant ainsi la marginalisation de l'aspect psychologique dans le traitement de la crise sécuritaire.
L'ampleur de la catastrophe met sur un pied d'égalité le choc ressenti par les enfants et celui des adultes. L'âge n'infflue pas ; pour preuve, les deux parties sombrent dans le même traumatisme, elles éprouvent la même douleur, puisque tous les mécanismes de défense demeurent infaillibles face à de tels événements. Concernant les séquelles chez les enfants, elles se traduisent par un mauvais rendement scolaire, dû au manque de concentration. Les troubles du sommeil et du langage ainsi qu'une perte d'appétit sont déjà observés. Les psychologues ont choisi le dessin comme moyen d'expression, pour essayer de comprendre l'enfant et cerner son traumatisme, parce que l'événement était si fort que la plupart des enfants se montrent impuissants, incapables de verbaliser leur vécu, et leur choc. «Il faut savoir que ce sont tous les enfants de Bab El-Oued qui sont touchés. Même ceux qui, par chance, n'étaient pas sur les lieux du drame, l'ont vécu à travers les images montrées à la télévision et en empruntant les chemins de Triolet, Trois-Horloges ou El-Kettani», explique Mme Boukedfa.
Pour les adultes, c'est l'entretien clinique qui est retenu. Ces derniers présentent presque les mêmes séquelles. «Je ne veux pas que la pluie tombe, je préfère la sécheresse», c'est la phrase qui revient sur la bouche des traumatisés. Durant l'entretien avec la psychologue, cette dernière a attiré notre attention sur un point aussi important que grave. En effet, il semblerait que les jeunes ayant participé aux opérations de déblaiement, surtout ceux qui ont repêché des cadavres sous la boue et dans la mer, soient les plus traumatisés. «Ces jeunes me font énormément peur, ils sont en état de dépression qui nécessite une prise en charge psychiatrique», et d'ajouter: «Pour le moment, ces jeunes ne voient, en fermant les yeux, que les images des cadavres nus, déchiquetés, défigurés, et c'est insupportable dans le sens où ils n'étaient pas préparés pour ce genre d'opération.» Ces jeunes sauveteurs sont soignés dans une première étape par des calmants et des psychotropes, cette situation est extrêmement préoccupante, vu le nombre important de jeunes ayant pris l'initiative sur le terrain dès le début de la catastrophe d'où la nécessité d'une prise en charge immédiate de tous ces cas, poussés un certain 10 novembre par un courage incroyable.
Autre difficulté, elle concerne les familles des disparus. «On ne pourra rien faire pour elles tant qu'elles n'ont pas passé par la période de deuil», nous explique la psychologue. Motif: les familles n'ont pas trouvé le cadavre de leur proche et, par conséquent, l'espoir de le retrouver vivant demeure présent au plus profond d'elles-mêmes. Cet espoir refait surface chaque fois que le téléphone sonne, que quelqu'un frappe à la porte. Cette attente est terrible et leur souffrance sera éternelle, conclut-elle. Désormais Bab El-Oued compte parmi sa population plusieurs centaines de traumatisés, le danger est grand et l'erreur et la négligence dans la prise en charge sont impardonnables, puisque c'est le moral de tout un quartier qui est en jeu. Les autorités sont-elles conscientes de cela?


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