Bouteflika, qui a encore plus d'une corde à son arc, peut recourir désormais à la dissolution de l'APN. Selon des sources gouvernementales dignes de foi, le président se serait montré «courroucé» par le «blocage» dont a été l'objet la loi de finances approuvée par lui. Cette colère est d'autant plus justifiée, soulignent nos sources, que «le chef de l'Etat, quelques jours auparavant, s'était adressé à l'APN, comme l'y autorise l'article 128 de la Constitution, pour lui demander de soutenir cette réforme». La brèche était bien trop belle pour que Benachenhou et Boukrouh se gardassent de s'y engouffrer allègrement, accusant sans coup férir la chambre basse du Parlement de bloquer les réformes du président. L'accusation est d'autant plus grave, comme le précisent nos sources, que «Bouteflika, après mûres réflexions, avait renoncé à dissoudre l'APN après sa réélection, une fois que les dissensions qui existaient dans les rangs du groupe parlementaire du FLN aient été contenues». Le chef de l'Etat, qui avait d'autres projets et priorités en tête, comme nous l'apprenons à l'annonce de son référendum concernant l'amnistie générale et une éventuelle révision de la Constitution. Partant, Le chef de l'Etat avait tout lieu de se sentir rasséréné par sa très confortable majorité parlementaire depuis la reconduction de la coalition gouvernementale FLN-RND-MSP et la mise en place de la fameuse mais moribonde «Alliance présidentielle». Or, selon les propres aveux d'éminents membres de la direction du FLN, le RND, qui n'a jamais digéré son «humiliation» des élections législatives et locales de 2002, suivie par une brève mais spectaculaire démission d'Ouyahia, son secrétaire général, n'a jamais cessé de caresser le voeu de prendre sa revanche. Il a, de la sorte, profité à fond de la crise qui a secoué son frère ennemi, en reprenant les commandes de l'Exécutif national d'abord, et en sauvant sa majorité à la chambre haute du Parlement, ensuite. Il est pour le moins étonnant que les députés issus de la coalition gouvernementale s'opposent d'une manière aussi frontale à une loi élaborée par leurs partis respectifs. Cela est d'autant plus vrai, comme nous le rapportions dans notre édition d'hier, que les députés du FLN et du RND auraient été nombreux à transgresser les consignes très strictes données par Abdelaziz Belkhadem et Ahmed Ouyahia de ne s'opposer à aucune disposition contenue dans la loi de finances, mais aussi de n'en proposer ni d'en soutenir aucune autre. Cette révélation, du reste, explique pourquoi il y a eu autant de cafouillage lors de l'opération de vote, puisqu'au sein des mêmes groupes parlementaires, les votes ont été bien souvent contradictoires. Cela tend également à démontrer que des manipulations de large envergure ont pu se faire jour dans le but manifeste d'amener le président Bouteflika à ordonner la dissolution de l'APN et à provoquer des législatives anticipées. Il semble ainsi, comme le révèlent des sources parlementaires crédibles, que ce soit le RND qui ait «manipulé» des députés du FLN afin de les amener à s'opposer frontalement à certaines dispositions «importantes» contenues dans la loi de finances 2005, obligeant le premier argentier du pays, à brandir vertement la menace d'en référer directement à Bouteflika. Le RND, en effet, ne pouvait pas rêver mieux que de voir le président ordonner la dissolution de l'APN afin de lui permettre de reprendre sa majorité, y compris dans cette chambre, puisque la crise du FLN, qui perdure encore, empêcherait ce parti de réitérer ses exploits de mai et octobre 2002. Dans ce contexte précis, nous apprenons que même dans les rangs du groupe parlementaire du FLN, après une brève accalmie, les troubles seraient en passe de ressurgir, puisque les anciens pro-Benflis, toujours majoritaires, auraient initié une vaste mais discrète offensive dans le but de destituer le redresseur, Layachi Daâdoua, afin de le remplacer par un des leurs. Mais il est vrai que nous n'en sommes pas encore là. Pour le moment, ce qui intéresse surtout les observateurs, ce sont les différents scénarios et voies de recours qui restent permis au président afin de faire passer l'essentiel de ses «réformes». Dès à présent, le RND et le tiers présidentiel au Sénat jouissent d'une très large majorité qui leur permettra sans le moindre problème de rejeter l'article 46 venu reconduire l'interdiction d'importation de certaines boissons alcoolisées. Même si la mesure n'a jamais été respectée l'année passée, comme il est loisible de le constater, elle n'en constitue pas moins un «argument» massue entre les mains de Boukrouh en pleines négociations avec l'OMC, pour justifier les éventuels retards nouveaux de l'adhésion de notre pays à cette organisation planétaire. Des sources, qui mettent en avant le caractère «volontaire» de Bouteflika, n'excluent pas non plus qu'ils décident carrément de «se passer» du Parlement en signant la loi de finances, telle quelle, comme le lui permettent certaines dispositions précises contenues dans la Constitution. L'article 120 de la Constitution, en effet, stipule que «le Parlement adopte la loi de finances dans un délai de 75 jours au plus tard de son dépôt (...) En cas de sa non-adoption dans le délai imparti, le président de la République promulgue le projet du gouvernement par ordonnance». Or, c'est bel et bien ce qui risque de se produire, puisque Boukrouh et Benachenhou viendront défendre bec et ongles leurs anciens articles, y compris ceux relatifs au gasoil et aux médicaments, face à une majorité présidentielle et Rndiste, laquelle n'aura pas d'autre choix que de tout bloquer puisque le Sénat n'a pas le pouvoir d'amender mais seulement de bloquer. Or, dans ce cas de figure précis, comme le dit également le texte fondamental de la République dans son article 120, il est nécessaire de convoquer «une commission paritaire, constituée des membres des deux chambres, se réunissant sur demande du chef du gouvernement». Or, d'ici à là, le délai des 75 jours risque d'être dépassé, d'autant que la loi de finances doit impérativement être signée et publiée au Journal Officiel avant la fin du mois prochain. Les spéculations vont ainsi bon train. Les jeux ne sont pas faits, même si tout porte à croire que rien ne va plus...