Nombre d'événements ont eu lieu lors de ce long week-end de l'Aïd dans les territoires palestiniens. Les Palestiniens sont partagés entre l'observance du deuil à la mémoire du président défunt, Yasser Arafat, et la nécessité d'aller vite pour ne pas laisser une trop longue vacance de pouvoir. Aussi, dès le lendemain de l'enterrement du leader palestinien, Abou Ammar, la direction intérimaire palestinienne s'est entendue sur la date de l'élection présidentielle fixée au 9 janvier 2005, comme l'a annoncé jeudi d'abord, le président par intérim, et président du Parlement palestinien (Conseil législatif palestinien, CLP), Rawhi Fattouh, et confirmé ensuite par le Premier ministre, Ahmed Qoreï. De fait, les Palestiniens veulent aller d'autant plus vite qu'ils craignent l'instauration du chaos dans les territoires palestiniens à Ghaza et en Cisjordanie où la situation était tendue en ce week-end de l'Aïd. Aussi, «l'incident» qui eut samedi dans la tente érigée à Ghaza en l'honneur de Arafat, lors de la visite du président de l'OLP, Mahmoud Abbas (Abou Mazen) a été pris comme un avertissement sérieux, même si l'intéressé a minimisé ce que les médias avaient considéré comme une tentative d'assassinat de l'actuel numéro 1 palestinien. En effet, des coups de feu ont été tirés dans la tente au moment où Mahmoud Abbas et une brochette de dirigeants palestiniens, comme l'homme qui monte, Mohamed Dahlane - conseiller en sécurité du président Arafat - se trouvaient réunis sous la tente. Deux policiers sont morts victimes de ces coups de feu, apparemment tirés en l'air, qui, selon M.Abbas n'étaient pas une tentative d'assassinat. Saeb Erakat, principal négociateur palestinien, dira à ce propos: «Ce n'était pas une tentative d'assassinat (...) Je ne sais pas exactement ce qui s'est passé, mais c'est honteux et il y a lieu d'être inquiet. Apparemment, un groupe de gens armés a tiré en l'air, et il y a eu une bagarre entre certains gardes». Cela situe en fait l'anarchie prévalant actuellement dans les territoires palestiniens, où tout le monde semble armé, à l'exception notable de la police palestinienne, la seule qui est paradoxalement désarmée, car Israël n'autorise pas les policiers palestiniens à porter des armes. En tout état de cause, si incident il y a, il n'en reste pas moins qu'il met en lumière la totale désorganisation des services palestiniens où tout le monde semble commander sans pour autant qu'il y ait une autorité capable d'imposer la retenue pour tous. C'est dire l'urgence qu'il y avait à écourter le plus possible une vacance de pouvoir qui risque surtout de nuire à la cause palestinienne. C'est en tout état de cause l'opinion que semblent professer les dirigeants intérimaires palestiniens qui ont fixé au 9 janvier prochain l'élection présidentielle, pour laquelle Mahmoud Abbas semble, à l'heure actuelle, en constituer le candidat de consensus. Homme politique modéré, qui préconise le dialogue et surtout condamna, en son temps, le recours à la violence, demandant même à ce que la seconde Intifada retourne à l'esprit qui était celui de la première Intifada, Mahmoud Abbas, (Abou Mazen) cofondateur avec Yasser Arafat et Farouk Kaddoumi, du Fatah, traînait la réputation d'être, sinon l'homme, du moins trop proche des Américains, qui apprécient son ouverture d'esprit et sa modération. Aussi, Mahmoud Abbas favori, est-t-il le favori du Fatah, la plus importante composante de l'Organi-sation de libération de la Palestine, (OLP) et dont la candidature sera sans doute officialisée dans les prochains jours lors de la réunion de l'instance dirigeante du Fatah. Marwan Barghouti, actuellement prisonnier (à perpétuité) en Israël, a fait part de son intention de briguer la présidence de l'Autorité palestinienne. Très populaire dans les territoires palestiniens, considéré comme un héros et le véritable père de la seconde Intifada, Marwan Barghouti, chef du Fatah de la région de Cisjordanie, a peu de chance de voir sa candidature, retenue ne serait-ce que du fait de son handicap actuel, (prisonnier) alors que les Palestiniens ont besoin de quelqu'un qui puisse agir immédiatement et qui a l'oreille des puissants Américains. De fait, les deux hommes forts de la nouvelle direction, qui semble se dégager pour l'après-Arafat, Mahmoud Abbas et Ahmed Qorei -auxquels ont échu les directions du Fatah, pour le premier, et celle de la sécurité, pour le second, ont en commun le fait de faire l'unanimité auprès des Etats-Unis, de l'Union européenne et même... d'Israël. Reste, certes à savoir dans quelle mesure, ils sauront faire usage de cette modération sans pour autant abandonner la fermeté quant à la défense des intérêts du peuple palestinien. Il ne fait pas de doute qu'Israël fera tout pour entraver un bon déroulement de la prochaine élection présidentielle palestinienne, d'autant que des voix, comme celle du ministre des Affaires étrangères, Sylvan Shalom, qui, hier, déclarait qu'il s'opposait à ce que les Palestiniens, de Jérusalem-Est votent le 9 janvier prochain, partant de l'axiome que si ces derniers participent aux élections, cela affaiblirait la position d'Israël sur le devenir de cette ville. Toutefois, la population de Jérusalem-Est ayant déjà pris part aux élections de 1996, il ne fait pas de doute que l'élection du président palestinien aura lieu dans tous les territoires palestiniens occupés, que sont Jérusalem-Est, la Cisjordanie et Ghaza. De fait, ces élections qui dessinent la carte de la Palestine, ne feront que confirmer la vanité des efforts d'Israël de soustraire une partie de ces territoires à leur propriétaire légal, le peuple palestinien. De fait, Saeb Erakat a averti samedi que «(...) les Israéliens doivent comprendre vraiment l'importance d'organiser ces élections palestiniennes, parce que si on ne réussit pas à organiser ces élections (...) ce sera la porte ouverte à plus de chaos, d'anarchie, de milices, de violence et de surenchère à la violence». Aussi, préconise-t-il le retrait des forces israéliennes des territoires palestiniens qui seront remplacés par «des observateurs américains, britanniques, français, quiconque souhaitera superviser ces moments historiques pour les Palestiniens». En effet, la prochaine consultation électorale palestinienne pourrait reconfigurer la donne proche-orientale. Encore faudrait-il qu'Israël en comprenne l'enjeu réel et adhère au principe de la paix contre la terre. Ce qui est loin d'être évident.