Au moment où j'achève ma visite au Caire puis à Ramallah pour les obsèques du Président Arafat, je souhaite témoigner d'un message à la fois de tristesse et d'espoir. La tristesse, que tout le monde a pu voir sur son écran, je l'ai vue dans les yeux de tous les Palestiniens que j'ai pu rencontrer lors de mon séjour à Ramallah - les dirigeants politiques comme l'homme de la rue. Je l'ai vue et je l'ai ressentie lorsque je me suis recueilli avec ces autorités autour du cercueil du Raïs, pour présenter à la fois personnellement et au nom de l'Union européenne mes condoléances au peuple palestinien. La magnitude de cette émotion est comparable au vide que laisse la disparition de Yasser Arafat. Avec lui, le peuple palestinien, le monde arabe et la communauté islamique ont perdu une figure historique. Son combat a été de redonner aux Palestiniens la légitimité d'une nation. Il l'a gagné - non sans heurts. Aujourd'hui, l'existence du peuple palestinien est admise par tous, et son droit légitime à un Etat est officiellement accepté par toute la communauté internationale, sans exception. Le Président Arafat aura aussi été le dirigeant qui a reconnu l'existence de l'Etat d'Israël, ouvrant de cette façon la voie au règlement pacifique d'un conflit qui hante le Proche-Orient depuis des décennies. La mise en oeuvre des accords de paix n'a pas, certes, abouti aux résultats que nous tous souhaitions. Mais au long de ce parcours difficile, les contours fondamentaux d'une paix solide ont été identifiés et nous savons qu'ils ne changeront pas. Le décès du Président a coïncidé avec la fin du Ramadan. Il est d'usage que cela soit une période de fête. En Cisjordanie, à Gaza, et dans les quartiers arabes de Jérusalem, la fête n'aura pas lieu. Le temps est au deuil pour les Palestiniens. Sachons le respecter, éviter toute réaction ou action intempestive. Mais je crois sincèrement que la disparition du Président peut et doit ranimer un espoir : celui de la paix, de la construction de l'Etat palestinien avec le plein soutien de la communauté internationale et en particulier de l'Union européenne. Les rencontres que j'ai eues lors de mon séjour à Ramallah me confirment que cet espoir est fondé. La dignité des plus hauts dirigeants palestiniens, avec qui j'ai pu m'entretenir à Ramallah, et leur souci de tout faire pour que le départ du Raïs n'induise pas une vacance du pouvoir mais au contraire une volonté de faire renaître l'espoir d'un Etat palestinien étaient des plus clairs. On sait combien leur tâche sera difficile. Des élections présidentielles ont été convoquées et devront avoir lieu dans 60 jours. Le bon déroulement du scrutin sera essentiel, car le peuple palestinien aura besoin d'un gouvernement solide et légitime pour s'attaquer aux defis nombreux, dont ceux du rétablissement de la sécurité et de la récupération économique sont les plus pressants. Pour y réussir, il faudra que la société palestinienne reste unie et que ceux qui prêchent et qui pratiquent la violence restent désormais silencieux. Je l'ai dit à maintes reprises et je le répète maintenant : la violence ne pourra jamais être la «sage-femme» de la naissance de l'Etat palestinien. Israël, qui disait avoir perdu l'espoir de trouver un partenaire avec qui pouvoir avancer vers le règlement final du conflit, ne doit pas manquer l'occasion qui s'ouvre maintenant. Les gestes de bonne volonté à l'égard de l'Autorité palestinienne pendant la maladie puis à l'occasion du décès du Président Arafat doivent être poursuivis avec le nouveau leadership palestinien. Le retrait de Gaza et le début du retrait des colonies de Cisjordanie présentent une opportunité qui ne doit pas être manquée pour le retour au dialogue et à la coordination avec l'Autorité palestinienne. Il faut impérativement faire du retrait de Gaza la première étape réussie de la mise en oeuvre de la feuille de route pour la relance du processus de paix. La communauté internationale doit accompagner les parties par des efforts renouvelés dans cette recherche d'un compromis difficile mais si nécessaire pour tous les intéressés. L'Union européenne continuera d'être en première ligne. Avant même que la maladie du Président Arafat ne se déclare, nous avions décidé de lancer des initiatives à court et moyen terme afin de faire redémarrer le processus politique. Ces initiatives reposent sur des mesures concrètes visant à aider l'Autorité palestinienne à avancer dans les domaines de la sécurité, des réformes politiques et administratives et de l'économie. Après ma visite à Ramallah, les dirigeants palestiniens sont, je le crois, rassurés sur la détermination de l'Union européenne de redoubler ses efforts pour les aider à réussir une transition pacifique et démocratique. Notre soutien pour l'organisation des élections présidentielles sera une priorité, comme elle l'a été lors des premières élections en 1996. Au-delà de ces mesures à court et moyen terme, il importe plus que jamais de ne pas perdre de vue la perspective politique. Ces mesures seraient en effet renforcées si elles pouvaient être inscrites dans une telle perspective, celle - qui a toujours été la nôtre - d'une solution fondée sur la coexistence de deux Etats, conformément à ce que prévoit la feuille de route. Solution qui, approuvée par les parties, permettra qu'un Etat palestinien viable, d'un seul tenant, souverain et indépendant vive en paix aux côtés d'un Etat d'Israël aux frontières reconnues et sûres. Nous entendons mener avec la communauté internationale et en particulier au sein du Quartette des consultations à cet égard en vue de relancer un véritable processus politique de négociation. Je garde de ce nouveau déplacement dans cette région à laquelle je consacre tant de temps trois images: celle d'un dirigeant arabe, qui dans ses yeux, exprimait l'émotion de voir partir une personnalité historique, celle des dirigeants palestiniens, troublés mais si déterminés à aider leur peuple à surmonter l'épreuve, et enfin celle d'un enfant qui pleurait dans les rues de Ramallah en brandissant le portrait de celui qui semblait être son père. La Palestine est orpheline de son vieux chef. Elle est en même temps à l'heure où elle peut lui rendre un dernier hommage en obtenant, par la voix pacifique, son Etat dans les territoires occupés depuis 1967. Ce chemin difficile vers la paix continuera de trouver tout mon appui. Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune de l'UE.