La tendance hier, au siège du Conseil de la nation, était plutôt favorable à l'adoption de la loi de finances telle qu'amendée par l'APN. «Il n y a pas de raison, a affirmé le sénateur Chihab et non moins président du groupe parlementaire du RND, pour que le Sénat bloque la loi». Son homologue du FLN, Madani Houd, a abondé dans le même sens: «L'adoption de cette loi évitera d'envenimer les relations entre le Parlement avec ses deux chambres et le gouvernement.» Idem pour le MSP qui ne déroge pas à la règle de suivre le flux de ses alliés. Les représentants du PT et d'El Islah, quant à eux, campent sur leurs positions initiales. Le PT met les sénateurs devant leurs responsabilités «car, disent-ils, les amendements autour desquels on a fait tout un tapage ne sont que de la poudre aux yeux. Ce texte est ultra- libéral. Il risque de mettre à genoux l'économie nationale et favoriser le changement de main de la rente pétrolière». On était loin de l'effervescence qui régnait dans les travées de la chambre basse, hier, lors de la présentation du texte de Benachenhou par ses soins, lors d'une séance plénière sous la houlette d'Abdelkader Bensalah, président du Conseil de la nation. Le ministre prenait ses aises devant les sénateurs dont certains manquaient à l'appel. Contrairement aux séances plénières qui se sont déroulées dans l'hémicycle Zighout Youcef, cette fois-ci, la présentation de la loi a fait l'objet d'une retransmission en direct par l'Entv. Une entorse à la règle faite avec beaucoup de précaution puisque les débats n'ont pas été diffusés par l'Unique. Le ministre affichait un air confiant devant les sénateurs qui l'écoutaient expliquer ses choix et ses orientations financières pour 2005 qu'il qualifie d'année charnière dans le plan quinquennal qui devra, selon le grand argentier du pays, créer un environnement propice à la croissance. Il a justifié le recours au prix référentiel de 19 dollars dans l'élaboration de la loi pour se prémunir d'une éventuelle chute du prix du baril de pétrole qui serait préjudiciable à l'économie. Il a argué que «cette mesure prudentielle vise a éviter à l'Algérie les répercussions négatives d'éventuelles fluctuations des prix du brut sur les marchés internationaux». L'excédent des recettes effectives et les recettes prévisionnelles de la loi de finances alimenteront le fonds de régulation des recettes, créé en 2001 dont la mission principale est le paiement du service de la dette qui a cumulé une somme de 550 milliards de dinars. «Durant les cinq dernières années, le Trésor public consacrait 270 milliards de dinars/an pour le paiement du service de la dette extérieur actuellement estimée à quelque 1600 milliards de dinars. La dette publique de l'Algérie est de 2400 milliards de dinars, les deux tiers proviennent de l'extérieur et le reste est intérieur»a estimé le ministre. La mouture de Benachenhou prévoit un taux de change de 76 dinars pour un dollar. Celui de la croissance économique est estimé à 5,3 %. Quant au taux d'inflation, il est évalué à 3 %. A ce propos, le ministre des Finances soutient mordicus que la stabilité du taux d'inflation est essentielle pour éviter un effondrement du pouvoir d'achat dont les premières victimes restent les pauvres. Le texte prévoit également des recettes de 1 635 milliards de dinars et des dépenses de 1950 milliards de dinars, soit 37,5 % du PIB. Le déficit budgétaire de 314 milliards de dinars devra être amorti «quand l'Etat récupérera son argent qui échappe au circuit du Trésor»; a déclaré le grand argentier du pays, en faisant allusion aux fraudeurs qui fuient le fisc et dont il a fait sa cible privilégiée. Parmi les principales dispositions de ce texte figurent l'allégement des charges sociales du budget de l'Etat, la réduction des charges parafiscales sur les entreprises, En réponse aux critiques, des députés de la première chambre du Parlement qui ont accusé Benachenhou de négliger le volet social, le ministre a fermement démenti qu'il puisse en être le cas, soutenant ardemment son texte: «Le projet de loi prévoit 20 mesures en faveur des ménages et des entreprises contre quatre seulement au profit du Trésor public», a-t-il précisé. Les débats sur la loi se poursuivront aujourd'hui. L'adoption est prévue pour ce mercredi. Si la loi passe sans coup férir, elle ne devra pas faire l'objet d'une appréciation d'une commission paritaire composée de 20 membres, 10 représentants de chaque chambre, comme le stipule la loi organique n°99-02 du 8 mars 1999 fixant l'organisation et le fonctionnement des relations entre le Parlement et le gouvernement. En cas de litige rémanent, le président peut recourir à la promulgation du texte dans sa version initiale par ordonnance. Conformément à l'article 127 de la Constitution, le chef de l'Etat peut demander une deuxième lecture de la loi votée dans les trente jours qui suivent son adoption par le Sénat. Chose, apprend-on auprès de sources parlementaires, que les sénateurs tentent d'éluder pour ne pas mettre le président dans l'embarras et par là même éviter d' endosser une crise institutionnelle. Selon ces mêmes sources, les différends seront résorbés dans la loi de finances complémentaire.