Conscient des enjeux, Berlin réclame des explications mais s'emploie à rassurer. Epinglé par l'ONG américaine, le géant mondial de l'automobile allemand Volkswagen est aujourd'hui au coeur d'un scandale planétaire. L'ONG US, International Council of Clean Transportation (ICCT) par qui le scandale est arrivé spécialisée dans les transports écologiques, a découvert le pot aux roses, jusque-là soigneusement dissimulé par le constructeur automobile allemand. Cette ONG a révélé le vaste système de trucage aux tests antipollution mis en place par Volkswagen sur 11 millions de véhicules dans le monde. Les résultats des tests communiqués par l'ONG ont indiqué que les voitures incriminées des marques Volkswagen et Audi émettaient jusqu'à 40 fois plus de gaz polluants que les normes autorisées et notamment l'oxyde d'azote lié à de graves maladies respiratoires. Le tapage médiatique qui s'en est suivi écorne la fameuse fiabilité allemande. Du coup, c'est le puissant groupe automobile VAG qui connaît une inédite descente aux enfers. Alors que le scandale a pris un tour mondial, le constructeur ayant reconnu avoir truqué les 11 millions de voitures à l'échelle mondiale, le patron de Volkswagen a eu à présenter sa démission. Martin Winterkorn, aux commandes du mastodonte Volkswagen depuis 2007, a, en effet, annoncé mercredi dernier, son départ, endossant la pleine responsabilité du scandale des moteurs diesel truqués tout en affirmant n'en avoir jamais rien su. Le conseil de surveillance du groupe, réuni vendredi au siège à Wolfsburg au nord de l'Allemagne, doit officiellement entériner cette démission et désigner un nouveau capitaine pour guider l'entreprise dans la tempête. Matthias Müller, 62 ans et actuel chef de la marque de luxe Porsche, est donné comme grand favori. Cet enchaînement précipité d'évènements a entraîné une chute vertigineuse de l'action en Bourse de Volkswagen Groupe. Cette dégringolade est de l'ordre de 35%. «Nous prenons ces accusations et leurs implications potentielles pour la santé publique et la pollution de l'air aux Etats-Unis, très au sérieux», a déclaré un porte-parole du ministère américain de la Justice (DoJ). Volkswagen est visée par des enquêtes pénales aux Etats-Unis pour avoir équipé près de 500 000 de ses voitures d'un logiciel dissimulant le niveau réel des émissions polluantes. D'ores et déjà, une cascade d'enquêtes et investigations ont été lancées dans divers pays et tout le secteur automobile est sous étroite surveillance. Environ 2,8 millions de véhicules en circulation en Allemagne fabriqués par le groupe Volkswagen sont équipés d'un logiciel fraudeur, a déclaré le ministre allemand des Transports Alexander Dobrindt, selon des propos rapportés par l'agence allemande DPA. VW a déjà provisionné 6,5 milliards d'euros dans ses comptes, mais encourt rien qu'aux Etats-Unis une amende maximale de 18 milliards de dollars (16 milliards d'euros). En Allemagne et plus particulièrement dans le fief de Volkswagen, Wolfsburg, le moral des habitants est entamé. Au total, 73 000 personnes travaillent à Wolfsburg pour le constructeur, répartis entre le siège administratif, les activités de recherche et développement et l'usine d'où sortent les Golf et les modèles Tiguan et Touran. Grâce à cela, la ville de 124 000 habitants peut s'enorgueillir d'un taux de chômage plus bas que la moyenne nationale (4,9% contre 6,4%). Avec le scandale qui vient d'éclater c'est toute l'industrie allemande qui prend un sérieux coup. Certes, le géant aux 12 marques «est la plus grande entreprise allemande et une entreprise exemplaire. Personne n'aurait imaginé que Volkswagen puisse mentir», explique un observateur allemand, craignant que les doutes ne se propagent aux concurrents Daimler et BMW et aux équipementiers Bosch et Continental. «Si cette réputation (allemande) se retrouve en danger, alors la croissance et l'aisance de ce pays sont menacées, car un emploi sur sept dépend directement ou indirectement de l'industrie automobile», s'inquiète pour sa part l'éditorialiste Ulrich Schäfer, dans le quotidien de centre-gauche Süddeutsche Zeitung. De manière générale, c'est fort d'une promesse de fiabilité et de qualité que l'Allemagne peut exporter à tour de bras, pour plus de 100 milliards d'euros par mois, ses voitures, mais aussi ses produits chimiques et machines outils. Cette affaire lance même le discrédit sur la politique d'Angela Merkel la chancelière qui se définit comme l'ambassadrice du climat. Une affaire qui enfume donc même le gouvernement allemand qui est finalement embarrassé face aux nations. Conscient des enjeux, Berlin réclame des explications mais s'emploie à rassurer. L'affaire est un «incident grave», a reconnu le ministre de l'Economie Sigmar Gabriel, tout en s'empressant d'ajouter que le «made in Germany» restait un «signe de qualité» et n'était pas en danger. L'affaire éclate donc au mauvais moment pour le gouvernement fédéral. Angela Merkel se rend à la fin de la semaine à New York pour convaincre les dirigeants des Nations unies d'adopter des engagements contre le réchauffement climatique, avant la tenue de la conférence de l'ONU à Paris en décembre. Celle qui aime à se voir en «chancelière du climat» aimerait que la sortie du nucléaire et la transition énergétique restent les marques de fabrique de son règne. En juin encore, elle était la grande artisane des objectifs ambitieux de réduction des gaz à effet de serre adoptés par le G7 qu'elle présidait. Mais elle se retrouve aussi en porte-à-faux, pour avoir constamment défendu les intérêts de son industrie automobile et repoussé la mise en place des limites d'émissions européennes.