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Un humaniste dans une fonction DIFFICILE
DOMINIQUE DE VILLEPIN
Publié dans L'Expression le 21 - 11 - 2004

Connu comme celui qui a dit non, au nom de son pays, à l'invasion de l'Irak, son dernier livre qui a eu beaucoup de succès est un immense plaidoyer pour la tolérance et la coexistence pacifique.
Dans un monde de plus en plus incertain, il est une inquiétude que ressentent les intellectuels des pays en développement en général et du Maghreb en particulier, concernant le devenir du Maghreb. Graduellement les pays maghrébins, aux même titre que les pays riverains de l'Europe comme la Turquie, et sous la pression intolérable de l'Europe «forteresse», acceptent à leur corps défendant, le principe de camps de transit sur leur sol d'émigrés. Ces émigrés devront faire un dossier de demande d'asile qui sera «examiné» par l'Europe. Il y aura, on l'aura compris, très peu d'élus. Les déboutés du droit d'asile devront se débrouiller avec le pays de transit, ne dérangeant, de ce fait, pas la bonne conscience de l'Europe.
Parmi les interlocuteurs de l'Algérie, il nous a paru intéressant de décrire le parcours du ministre de l'Intérieur français, connu comme celui qui a dit non, au nom de son pays, à l'invasion de l'Irak, son dernier livre qui a eu beaucoup de succès est un immense plaidoyer pour la tolérance et la coexistence pacifique. Cependant, et comme nous allons le voir, ses fonctions de ministre de l'Intérieur sont-elles compatibles avec son essence humaniste, notamment sur le problème récurrent de l'immigration dite «sauvage»?
Un ministre de l´intéieur «humaniste»
Dans un ouvrage remarquable par la pertinence de ses analyses. Dominique de Villepin trace un tableau sans complaisance de la situation mondiale et s'inscrit en faux contre la fatalité. «Le requin et la mouette», titre de son ouvrage, est un poème de René Char qui se termine ainsi: «Faites que toute fin supposée soit une neuve innocence, un fiévreux en-avant pour ceux qui trébuchent dans la matinale lourdeur.» «Comment vivre sans inconnu devant soi?», il s'agit, là encore, de faire face à la peur de l'inconnu, de la surmonter pour résister aux fatalités.
Air et eau, requin et mouette, puissance et grâce : les contraires, leur dialogue et leur alliance, tissent le propos politique de Dominique de Villepin dans ce livre écrit à la lumière de la crise irakienne qu'il dut affronter au Quai d'Orsay. Cet éloge des contraires, de la rencontre de l'autre et de l'universelle «fraternité» des hommes - ce mot ouvrant et fermant l'ouvrage -, fait souffler un grand vent d'air frais sur une époque apeurée et inquiète.
Plaidoyer pour la complexité, il récuse toute vision binaire de la politique et du monde, aussi bien nationaliste ou impériale, qu'ethnique ou communautariste, où il n'y aurait plus que nous et les autres, les amis et les ennemis, notre bien et leur mal. (1).
La grande erreur de la thèse de Fukuyama sur la fin de l'histoire ou de celle de Samuel Huntington sur le choc des civilisations, vient de ce que tous deux supposent, à tort, que l'histoire des cultures se réduit à une affaire de seuils précis, de temporalités bien délimitées, avec un début, un milieu et une fin. Alors qu'en fait, le champ culturalo-politique est l'arène d'une lutte d'identités, d'auto-définition et de projection dans l'avenir.
Mais le propos va au-delà des circonstances. Tournant le dos à ce choc des civilisations qui, loin de dire une réalité, «exprime l'inquiétude d'un monde en crise privé de ses repères», Dominique de Villepin refuse un monde régi par des logiques de puissance. «Personne n'aime les missionnaires armés», dit-il en citant Robespierre.
Pour de Villepin, la France et l'Europe, indissociables, ne sont elles-mêmes qu'en regardant ailleurs, qu'en prenant en considération autre chose qu'elles-mêmes. L'Europe, insiste-t-il, le sait parce qu'elle est coupable, parce qu'elle se souvient de ce passé proche où son «sentiment de domination» a «détruit des cultures et piétiné l'altérité».
«On découvre, écrit Edwy Plénel, directeur du journal Le Monde, ainsi, le fil à plomb d'un homme qu'illustre aussi bien son réquisitoire contre une mondialisation marchande sans freins ni contrôle. L'énigme Villepin n'a pas encore donné toute sa mesure. Dans l'immédiat, elle nous offre un livre qui, dans son souci de «redonner sens au monde»(2).
Dominique de Villepin veut convaincre que «le désastre annoncé n'est pas joué». «Partout résonne l'antienne d'un monde privé d'âme et d'élan, écrasé sous le rouleau compresseur d'un libéralisme économique sans frein et sans morale, d'une technologie conquérante et inhumaine. Partout se répand une étrange atmosphère de mise en garde face aux dangers que court une société enchaînée au char de la modernité», déplore M.De Villepin. Mais «devant le désordre (...), nous pouvons suivre la pente du découragement et du laissez-aller. La pente dangereuse de la facilité ou, au contraire, rassembler nos forces pour convoquer un sursaut et prendre un nouvel élan», assure-t-il. «Les peuples et les Etats ont les moyens de bouleverser la donne. Les affrontements entre les cultures et les religions ne sont pas une fatalité (...) Nous voici à ce point crucial où s'entrevoit la possibilité d'une réconciliation entre la puissance et la grâce, entre le ciel et la mer, entre le requin et la mouette.»
Pourtant, des «sirènes» comme Samuel Huntington, ne nous promettent pas le meilleur des mondes d'Aldous Huxley, mais celui de la peur : l'islam et le confucianisme, qui, si elles devaient s'unir, menaceraient le coeur de la civilisation. Et l'auteur concluait: «Le monde n'est pas un. Les civilisations unissent et divisent l'humanité... Le sang et la foi : voilà ce à quoi les gens s'identifient, ce pour quoi ils combattent et meurent.» Selon lui, «ce qui est en jeu dans le Golfe ne concerne pas seulement les Etats-Unis et l'Irak mais notre volonté de ne pas laisser s'installer l'incompréhension entre les peuples.»
Lors de son passage à une émission sur la Chaîne 2 française en septembre 2004: «Culture et dépendance», le ministre de l'Intérieur avait fait forte impression. En fait, et pour être tout à fait honnête, on ne peut qu'apprécier son approche pédagogique des choses et surtout la façon optimiste dont il a de juger le monde. «L'éminence grise de la chiraquie, écrit Patrick Sabatier, ex-champion flamboyant du ‘‘camp de la paix'' dans l'arène onusienne, ministre de l'Intérieur promis par la rumeur du microcosme aux ors de Matignon et qui laisse percer ici et là des rêves de destin élyséen, nous livre sa vision de l'‘‘esprit du monde'' en ce début de siècle : entre pessimisme à la Spengler, qu'il rejette, et quête d'un ‘‘nouveau mythe, d'une parole féconde, d'un geste augural'' qu'il exalte. ‘‘De la crise même naît le sauveur'', assure-t-il, et on pourra le soupçonner de se rêver parfois en sauveur, le matin en se rasant...» (3).
Dans un ouvrage édité a l'occasion de l'année de l'Algérie en France, et que j'avais intitulé «Science foi et désenchantement du monde». J'avais fait miens les écrits de Jean François Lyotard qui fut l'un des premiers sinon le premier à pointer du doigt à la suite de Max Weber, un «désenchantement du monde» dû à la perte de crédibilité des grands récits de légitimité qui ont fait le vingtième siècle. Dominique de Villepin pense en définitive, qu'il est possible de «réenchanter le monde». Il appelle à la fraternité, à l'échange et au dialogue des cultures contre l'ombre grandissante d'un choc des civilisations. On le voit, de Villepin est aux antipodes de l'analyse des «faucons» du Pentagone, il écrit à ce propos: «Les Etats-Unis, estime de Villepin, sont emportés par un ‘‘impérialisme messianique''» auquel il oppose «l'émergence du monde multipolaire que la France, depuis le général de Gaulle, appelle de ses voeux».
Dans cet ordre d'idées, Dominique de Villepin pense à juste titre que l'on ne pourra pas mettre fin au terrorisme si on n'apporte pas des réponses aux crises qui perdurent, au Proche-Orient ou ailleurs. Il est vrai que la mondialisation-laminoir, selon le juste mot du président Jacques Chirac loin d'en être le triomphe, entraîne un mouvement de crispation qui aboutit en fait à des replis identitaires.
La lutte contre le terrorisme passe par une transformation des données sociales, économiques et politiques dans les pays où il prend sa source: «Notre défi, c'est de réussir la réconciliation, la synthèse (...) Pour renforcer la volonté de vivre ensemble et le sentiment d'unité, il est temps de se réapproprier le fondement de notre nation: le pacte républicain avec ses principes d'égalité des chances, de tolérance, d'autorité de l'Etat et de laïcité». «La mondialisation suscite partout une même prise de conscience : la seule logique économique ne suffit plus à assurer la survie de l'homme et la cohésion des peuples». Et de prôner le développement durable, la protection des «biens publics mondiaux» et la nécessité d'une ‘‘gouvernance mondiale efficace''.
Pour qoui l´Occident présente-t-il un attrait irrésistible?
La lecture minutieuse de l'Histoire des cinq derniers siècles à l'aune de la relation «Occident/reste du monde» aboutit à la conclusion que, pour peu qu'on veuille bien en saisir l'opportunité, les temps sont mûrs pour une ère nouvelle et pour le moins excitante: celle du «postnationalisme».
«L'Occident et les autres» de Sophie Bessis représente un vertigineux questionnement qui oblige à relativiser et à remettre en cause «un système depuis si longtemps établi qu'il se confond avec l'ordre naturel des choses». Sophie Bessis postule que l'identité occidentale est indissociable d'une «culture de la suprématie»: «La crainte, écrit-elle, de devoir abandonner la position hégémonique qui a forgé leur relation au monde est synonyme, dans les consciences occidentales, de la peur de voir se dissoudre leur identité.» (4)
Sophie Bessis fait remonter la naissance de l'Occident à 1492, date qui voit coïncider la «découverte» de l'Amérique et l'expulsion des juifs et des musulmans d'Espagne. C'est alors que se met en place une «formidable machine à expulser les sources orientales ou non-chrétiennes de la civilisation européenne». Au début du XVIe siècle, l'Espagne invente le mythe de la «pureté de sang» («limpieza de sangre»). Les Lumières laïcisent ce que le discours religieux désignait comme «the white man burden» - «le fardeau de l'homme blanc» - la mission de civiliser le monde, d'être le flambeau de l'humanité. En énonçant l'universel, l'homme occidental s'est proclamé en même temps son gardien et son propagateur. La colonisation, «cet arbitraire sanglant à mission civilisatrice», va pouvoir se poursuivre - la fin justifie les moyens. Tant et si bien que lorsque adviendra le nazisme, il sera, affirme Sophie Bessis, «le résultat d'une filiation, et non une rupture».
Avec la décolonisation, l'homme occidental est, pour la première fois, confronté directement à l'Autre, qui l'oblige à prendre en compte son désir de liberté. Mais, durant la guerre froide, capitalistes et communistes occidentaux ne vont faire que distribuer les bons points aux pays du Sud qui leur renvoient l'image la plus conforme à leurs attentes : les premiers encouragent ceux qui copient avec application leur modèle économique (même s'il s'agit de régimes autoritaires) et les seconds font «la révolution par procuration».
De la modernité, les pays du Sud n'auront eu que la caricature économique, sans jamais voir la couleur de ses aspects politiques. «L'aide au développement» est le dernier avatar du «fardeau de l'homme blanc». Elle alimente «une industrialisation sans véritable objet», favorise une corruption massive, et bénéficie à la fois aux classes dirigeantes des pays du Sud et à l'Occident, dont elle garnit les carnets de commande et qui, de ce fait, met un nouveau mode de colonisation: «La colonisation à distance» qui est plus perverse plus diluée, le «colonisateur, sous les traits d'un capitaine d'industrie d'une multinationale» donne ses ordres par nervis imposés. La révolte fait, dès lors, partie du rêve et est débordée par le quotidien de la survie.
En lançant les pays du Sud dans une course absurde et perdue d'avance, la nouvelle «coopération» aboutit à «un resserrement des liens de dépendance» qui les emprisonnent. Piégés par la spirale de l'endettement, ils se voient imposer les premiers programmes d'ajustement structurel à la fin des années quatre-vingt. Loin d'aboutir à une remise en question, la faillite généralisée constatée dès les années quatre-vingt provoque un violent retour de bâton: elle fait «redécouvrir le confort des certitudes» et réveille les nostalgies de l'époque coloniale - «cette histoire glorieuse qui ne fut pas sans ombres», écrit joliment un journaliste du Monde en 1997...Dans Courrier international, la même année, Alexandre Adler s'enflamme: «Bien sûr que la France aime son Afrique et éprouve la nostalgie poignante d'une République que nous perdons goutte à goutte.»
Ayant confisqué l'universel pour en faire un outil d'hégémonie, l'Occident a perpétué un écart calamiteux entre les discours et les actes. Son respect des principes qu'il avait énoncés, «directement fonction de ses intérêts géopolitiques et économiques», a toujours été à géométrie variable. «Les diktats, écrit Sophie Bessis, les silences, les trucages, érigés en autant de stratégies par les diplomaties occidentales, ont contribué à renforcer les tenants des pires replis identitaires dans les pays du Sud et à affaiblir les explorateurs locaux de modernités endogènes fondées sur la croyance en l'universalité de la liberté». Le «barbare», depuis la fin de la guerre froide et son exigence d'un «Satan de rechange», c'est le plus souvent le musulman. L'islam sert, ainsi, de clé pour expliquer tous les conservatismes, toutes les pratiques inhumaines et barbares.
Après avoir vampirisé les pays du Sud durant la nuit coloniale, après avoir profité de la matière humaine «la menshmatérial» des nazis avant les nazis, après avoir volé les matières premières de ces pays et avoir rendu leur économie dépendante de la métropole, voilà qu'il demande à ce Sud épuisé de garder ses «citoyens». Eventuellement les gens du Nord prendront les rares matières grises qui existent. Naturellement, pas un sou pour les argents investis par le pays d'origine pour les former. Cette formation ayant coûté environ 60.000 à 80.000 dollars par diplômé. On s'étonne en définitive, que l'immigration «sauvage» puisse exister. La situation de l'immigration constitue et constituera de plus en plus, l'un des dossiers les plus tragiques de l'errance des gens du Sud en quête de mieux être. Ils fuient ce faisant, la misère, la famine, la guerre et la «hogra» érigée en système dans les pays du Sud. Pensant qu'ils n'ont plus d'avenir dans leur propre pays, ils pensent par tous les moyens, à s'évader, même au péril de leur vie. Ils sont alors la proie de marchands de rêves qui leur promettent, moyennant de fortes sommes, le paradis de l'Europe. Pour la grande majorité, ils n'arrivent jamais à bon port, leur épave coule sous l'oeil indifférent du monde. Les rares rescapés sont raccompagnés menottés dans leur pays dans des avions militaires comme le fait systématiquement l'Italie.(5).
L´immigration et les camps de transit
Comme l'écrit le journal Tunis-Hebdo: «Les pays du Maghreb, de par leur proximité géographique avec l'Europe, sont devenus une voie de transit obligée pour des milliers de candidats à l'émigration clandestine. La mort en masse d'émigrants clandestins n'honore point - c'est un euphémisme - les pays d'origine, mais elle n'honore pas non plus ceux de leur destination rêvée. Le verrouillage hermétique de la porte de l'Europe, comme le propose le nouveau plan italo-allemand, sied mal à l'esprit du temps et il est inconcevable d'ouvrir les frontières aux marchandises, services et capitaux tout en les fermant devant des êtres humains. Les restrictions qui continuent d'être imposées, aujourd'hui, à la libre circulation des personnes sont incompatibles avec la philosophie de la mondialisation.» (6)
Il est nécessaire d'avoir à l'esprit que la forteresse Europe a décidé depuis une dizaine d'années de tenter de résoudre le problème de l'immigration dite clandestine par un panel de méthodes qui n'ont naturellement rien à voir avec les «droits de l'homme» déclamés avec moult trémolos en Europe. Rappelons, pour mémoire, la tristement célèbre affaire des policiers belges qui, pour faire taire une dame qui ne voulait pas monter dans l'avion du retour, ont appliqué la «technique du coussin», ils ont fait de faire passer de vie à trépas la malheureuse dont la seule faute était de chercher à fuir la misère de son pays.
Rappelons l'histoire des épaves de Douvres et les épisiodes tragiques de l'île italienne de Lampedusa, les épisodes où des centaines d'enfants, de femmes et d'hommes périssent noyés sous le regard indifférent d'une Europe qui ne veut rien changer à son confort et qui ne veut pas traiter le problème de cette détresse à ses portes. Au contraire, en Europe, c'est à celui qui fait le plus preuve d'imagination. Tony Blair a proposé, il y a deux ans, d'envoyer la Royal Navy intercepter les bateaux de clandestins au large de ses côtes. C'est pour lui la nouvelle «Bataille d'Angleterre». L'Europe a tôt fait d'investir 150 millions de dollars pour le Sive (système de surveillance des côtes espagnoles) qui arrive à repérer une barque de l'autre côté du détroit de Gilbraltar.
Après avoir effacé physiquement, chez elle, les camps de transit les «Sanguatte», sans naturellement faire disparaître les épaves qui continueront toujours à rôder en risquant leur vie pour rejoindre l'Angleterre, l'Europe pense maintenant, et comme mentionné lors du dernier sommet européen, à mettre en place des camps de concentration sur le littoral maghrébin; les éventuels candidats à l'émigration seraient parqués dans leur pays ou dans les pays maghrébins.
Les Etats d'Europe «bons princes» vont envoyer des miettes pour tenir en apnée ces épaves dans l'éventualité d'un hypothétique sésame. C'est à se demander si l'Europe mesure réellement la portée, en termes de droits de l'homme, de son acharnement à contraindre d'une façon ou d'une autre les pays maghrébins à faire les gardes-chiourme pour garder dans des camps de transit style «Sanguatte» tous les candidats à l'émigration.On l'aura compris, la contradiction fondamentale de la «vision» dont de Villepin se veut le héraut demeure : Realpolitik (immigration garde-chiourme) ou vision humaniste et universaliste du monde? On atteint là les limites de la vision et de l'action du ministre. Si, comme le président Jacques Chirac, il endosse les habits neufs du militant alter-mondialiste, pour pourfendre les inégalités de la mondialisation en martelant que la seule logique économique ne suffit plus à assurer la survie de l'homme et la cohésion des peuples, dans les faits, ces bonnes dispositions ne sont pour le moment pas mises en oeuvre et demeurent au mieux des voeux pieux.
Est-ce le même ministre qui parle du «tout-sécuritaire» de l'immigration du désespoir que d'aucuns appellent «sauvage», même le terme est en lui-même dégradant? Dominique de Villepin plaide pour «une nouvelle fraternité» face au «désordre» du monde et oppose un optimisme combatif à tous les «prophètes de malheur». Prôner le développement durable dans les faits, la nécessité d'une «gouvernance mondiale efficace» passe, nous l'appelons de nos voeux pieux, par une totale remise en cause des rapports et la nécessité d'accompagner le Sud dans la voie d'un réel développement qui, a n'en point douter, sera pérenne.
(1).Dominique de Villepin :
Le Requin et la mouette, Plon-Albin Michel, Paris. Septembre 2004.
(2). Edwy Plenel, in journal le Monde
du 9 septembre 2004.
(3). Patrick Sabatier Villepin : Le ministère de l'emphase, in Libération, mardi
21 septembre 2004
(4). Sophie Bessis : L'Occident et les
autres, Editions la Découverte (2002).
(5). C.-E. Chitour : La nouvelle immigration entre errance et body-shopping, Editions Enag, 2004.
(6). Camps de transit,
in Tunis Hebdo du 4/10/2004.


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