Depuis hier, la coquette station balnéaire accueille diplomates et experts venus débattre de l'avenir de l'Irak. La «communauté internationale» se penche depuis hier à Charm El Cheikh, -station balnéaire du Sinaï égyptien-, sur le cas irakien où une guerre meurtrière se déroule depuis dix-huit mois entre les forces de l'occupation étrangères, rebaptisées depuis «Forces multinationales (FMN)», menées par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, et la guérilla et la résistance irakiennes. La conférence dédiée à l'Irak ne s'est pas encore ouverte à Charm El Cheikh, que le gouvernement intérimaire de Iyad Allaoui fait pression sur elle en fixant la tenue des élections générales au 30 janvier 2005, alors même que le pays qui se débat dans une situation d'insécurité généralisée ne semble pas avoir les moyens d'organiser une consultation loyale et crédible. En fait, en décidant de fixer la date du scrutin, alors que les conditions générales ne s'y prêtent pas, le gouvernement Allaoui force la main aux participants d'une part, tente de contrôler le déroulement de la conférence d'autre part. En fait, en allant à l'encontre du souhait de la communauté internationale de retarder les élections, la commission électorale «indépendante» fait la part belle aux desiderata de Iyad Allaoui qui travaille essentiellement à renforcer son pouvoir sur le pays, faciliter la mainmise américaine sur l'économie du pays, et attend, sans doute, de la communauté internationale qu'elle entérine son ascendant sur les affaires de l'Irak. L'ex-agent de la CIA a ainsi fait son bonhomme de chemin demandant même à la communauté internationale de faire le nécessaire pour son maintien au pouvoir, qu'il est en train d'usurper au même titre que Saddam Hussein qui a privé le peuple irakien de liberté durant plusieurs décennies. Organiser des élections, devant ramener la concorde et la liberté dans le pays alors que celui-ci se trouve à feu et à sang n'est rien moins que singulier et cache des arrière-pensées pas faites pour améliorer le devenir d'un Irak meurtri. Le jeu est de fait faussé et la conférence internationale risque de voir ses travaux dévier dans la seule direction voulue par les Etats-Unis et leurs sous-traitants irakiens. De fait, le président américain, George W.Bush, est le seul chef d'Etat étranger à s'être félicité de la fixation de la date des élections irakiennes. Et pour cause! L'hôte réélu de la Maison-Blanche n'a pas omis de reprendre cette antienne éculée, comme quoi «le monde est meilleur depuis sans Saddam Hussein». On se demande s'il a posé la question au peuple irakien qui souffre dans sa chair et dans son quotidien, autant, sinon plus, qu'il n'a souffert sous le régime du Baâs. Aussi, l'on peut s'interroger si la solution au conflit irakien se trouve réellement à Charm El Cheikh alors même que tous les paramètres, pour ce qui concerne ce pays se trouvent au rouge. Ainsi, très pessimiste, le chef d'état-major américain, le général Richard Myers, a fait état, dans une interview à un journal portugais de voir l'Irak sombrer dans la guerre civile après les élections générales fixées au 30 juin. C'est dire que la situation en Irak est plus préoccupante que ne veut le reconnaître l'actuel homme fort du pays, Iyad Allaoui, qui au contraire appelle les pays participant actuellement à la force multinationale (FMN) de maintenir leurs troupes, voire de les renforcer, et demande à d'autres pays d'envoyer des soldats en Irak, au moment où un sénateur américain, lui faisant écho, affirme que les Etats-Unis doivent envoyer un nouveau contingent d'au moins 50.000 soldats en Irak alors que leur nombre est déjà évalué à 140.000 hommes. Sur ce point, le gouvernement intérimaire irakien annonce la couleur en affirmant que «le temps n'est pas venu» quant au départ des forces étrangères, comme l'indiquait hier Samir Soumaydaï, représentant de ce gouvernement à l'ONU, qui affirme: «Conformément à la résolution 1546, -du Conseil de sécurité de l'ONU-, nous avons le pouvoir de demander ce retrait» mais indique-t-il, «ce sujet sera décidé selon le niveau de la violence (en Irak) et avec l'achèvement de la formation des forces de sécurité irakiennes. Lorsque nous atteindrons ce point, nous leur dirons (aux troupes étrangères) au revoir» soulignant: «Il est donc faux de fixer une date (pendant la conférence). Le gouvernement élu décidera du moment opportun et ce moment n'est pas encore venu». Des officiers généraux américains avaient affirmé récemment que l'armée américaine restera en Irak pour au moins dix ans. De fait, M.Soumaydaï a quasiment décidé à la place du futur «gouvernement élu» irakien, -qui peut ne pas être celui actuellement dirigé par Iyad Allaoui-, du devenir des forces étrangères stationnées en Irak, donnant l'impression que le gouvernement intérimaire de Iyad Allaoui, veut fixer à la conférence internationale un cadre de débat unique, celui de l'aide que la communauté internationale peut apporter à la reconstruction de l'Irak. Or, la conférence de Charm El Cheikh n'est pas une conférence de donateurs, alors que le Club de Paris s'est montré très généreux, certains de ses membres étant prêts à effacer jusqu'à 80% des dettes extérieures de l'Irak, le même Samir Soumaydaï s'est montré gourmand, ayant espéré que les dettes irakiennes soient effacées à hauteur de 90% à 95% déclarant que la «décision est très positive» mais le gouvernement intérimaire aurait souhaité un «effacement de 90 à 95%.» La conférence de Charm El Cheikh qui s'est ouverte dans la matinée d'hier clôturera ses travaux cet après-midi.