L'opération de destruction a touché 3030 mines antipersonnel sur un arsenal de quelque 165.080 pièces détenues par l'armée algérienne. Les vastes étendues semi-désertiques entre Hassi Bahbah et Daïat Labkhour, dans les Hauts-Plateaux des Ouled Naïl s'encombrent soudainement de monde. Hier, à 45 km au nord-ouest de Djelfa, l'Algérie a entamé dans une spectaculaire opération, la destruction de son stock en mines antipersonnel, un arsenal estimé à quelque 165 080 pièces détenues par l'armée algérienne. Par ce geste, l'Algérie entend mener à son terme son engagement pour un monde sans mines auquel elle avait souscrit en signant la convention d'Ottawa, le 3 décembre 1999, puis en la ratifiant le 9 octobre 2001. Ainsi, l'Algérie abordera le sommet de Nairobi, qui se tiendra du 29 novembre au 3 décembre 2004, en pole position, notamment au plan continental. A noter que le traité d'Ottawa, qui date du 18 septembre 1997, est une convention internationale sur l'interdiction de l'emploi du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction. Plus de 120 pays ont signé la convention, à l'exception notable des Etats-Unis, de la Russie, de la Chine, de l'Inde et d'Israël, pays très développés militairement, mais qui usent «de la guerre comme politique étrangère», selon la bonne vieille formule de Naâm Chamsky, ou qui privilégie encore le commerce de l'armement comme «pactole légitime». La présence du chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, dans l'opération de destruction publique de 3030 mines antipersonnel, renseigne sur les messages politiques qui la sous-tendent. La présence de personnalités diplomatiques et des chefs d'institutions policières et humanitaires internationales, a donné encore plus d'intérêt à l'opération. Ainsi, les ministres de l'Intérieur, de la Santé, de la Solidarité nationale, le directeur général de la Sûreté nationale, les commandants des forces terrestres, navales et aériennes, le patron de la Gendarmerie nationale, le commandant de la 1re RM, le secrétaire général du MDN, le président de la commission nationale consultative des droits de l'homme, les ambassadeurs des principaux pays donateurs (UE, Etats-Unis, Canada, France, Japon, Allemagne, Grande-Bretagne, Italie, Norvège, etc.), le directeur général d'Interpol et Handicap International, ont pu voir et entendre les procédures et les mesures prises par les artificiers de l'ANP pour faire exploser un premier lot de mines antipersonnel. Tour à tour, le chef d'état-major, Ahmed Gaïd Salah, puis le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, vont mettre en relief «l'effort consenti par l'Algérie, dès 1963, en matière de déminage et le prix coûteux en matière de vies humaines et de handicapés qu'elle continue de payer à ce jour». Le chef d'état-major estime à 11 millions le nombre de mines enfouies sous terre par l'armée coloniale avant 1962 et à 8 millions celui qui a été détruit depuis quarante ans à ce jour. «Mais, hélas, il reste un peu plus de 3 millions de mines antipersonnel qui guettent les civils encore». Le message que veut faire passer le patron de l'ANP est clairement affirmé: «Par ce geste, l'Algérie veut transmettre un message de paix et de sécurité». Le lieutenant-colonel Bekkaï, chargé de donner un aperçu des aspects techniques de l'opération, explique que les artificiers qui actionneront l'allumage des explosifs sont des abris qui, chacun, fait exploser 12 fours, soit 24 au total, où sont détruites 100 mines antipersonnel de type PNA 14, 720 GLD, 96 OZM, 300 POMZ et 800 Prom 1, etc., soit un total de 3030 mines antipersonnel. Le directeur de l'opération de destruction, le lieutenant-colonel Mohamed Belhadi, donne le coup d'envoi en actionnant le dispositif qui fait exploser, à 10h50mn, le premier lot de mines. Le «polygone central» de l'Air de la 1re RM a ensuite tonné à plusieurs reprises. Un long filet de fumée monte vers le ciel pour rapidement s'estomper. Un à un, tous les fours vont être détruits, et à chaque fois, une petite équipe s'enquiert de la réussite de l'opération. Dans un rapport initial présenté par l'Algérie, conformément à l'article 7 de la convention d'Ottawa, et signé par le chef d'état-major de l'ANP, le 7 juillet 2003, le gouvernement estime le total des stocks de mines antipersonnel détenus par l'armée à 165 080 réparties en trois grandes familles: 69 971 mines à pression (PMDG, GLD115, etc.), 777 mines bondissantes de type OZM et 94.332 mines à traction... Concernant la localisation des zones minées, l'ANP a depuis longtemps dressé une carte géographique et fait ressortir les zones minées par l'armée coloniale en 1957-59, et dénommées «ligne Challe» et «ligne Morice» et s'étendant sur près de 14.000 km aux frontières est et ouest du pays. La densité de ces mines varie de 0,8 à 3,5 par mètre linéaire. Le «marketing militaire» mis en place par l'état-major de l'ANP est, dans une large mesure, une opération technique dont les messages restent, toutefois, éminemment politiques: dégager l'image d'un pays soucieux de se conformer aux efforts humanitaires et d'une armée «pacifisante» qui tend à assurer plus de paix et de sécurité dans la région. En fait, c'est cela même l'objectif de l'ANP : devenir une force militaire régionale apte à assurer des missions humanitaires et de maintien de l'ordre et de la sécurité sous l'égide de l'ONU.