Une première nationale qui se voudra, avec le temps, internationale, ainsi le veut Madame Razika Adnani, présidente fondatrice de cette manifestation dont le thème a porté cette année sur «autrui». Plusieurs conférenciers se sont relayés pour évoquer ce sujet universel. Pour l'universitaire Mohamed Lakhdar Maougal dont la communication aura pour intitulé «Je suis un étranger» il existe un paradigme à double tension quant à la notion d'autrui, d'altérité et d'altruisme. La première, culturelle et la seconde, civilisationelle plus générale que la première. Il en donnera comme exemple pour corroborer ses dires deux textes littéraires, à savoir l'Etranger d'Albert Camus dans les premières années de la Seconde Guerre mondiale et Etrangers à nous-mêmes de Julia Kristiva à la fin de la Guerre froide et de la chute de l'empire soviétique. Evoquant l'intuition socratique «connais-toi, toi-même», M.Maougal dira en substance plus tard que dans L'Etranger de Camus c'est à la fois l'étranger qui tue l'Arabe et les Arabes sont tous les deux des étrangers pour la société française. Meursault n' a pas accepté l'Autre, or la France était considérée à cette époque justement comme le berceau de la civilisation et des droits de l'homme. Pour Razika Adnani initiatrice de ces journées et néanmoins écrivaine et philosophe qui a lancé le Cercle international de la philosophie, elle s'intéressera pour sa part à l'oeil indiscret comme segment de réflexion par rapport à autrui qui doit d'abord se distinguer de l'Autre qui peut être aussi une chose, un objet ou un animal, contrairement à autrui qui est d'abord un être humain, d'après sa définition. Aussi, lors de sa communication elle fera remarquer que cet oeil occupe une place très importante dans notre vie mais est souvent passible de provoquer en nous de grandes souffrances. «Regarder autrui amène à le juger», tout ce qui n'est pas caché, privé donc appartient à la sphère publique. Tout ce qui est dissimulé n'est pas privé et pas public forcément. Quand le regard de l'Autre devient intrusif, il se permet par des comportements violents de punir, imposer ses valeurs et de par ses jugements devient moralisateur. D'où d'un côté il faut se libérer du regard de l'Autre pour qu'il n'y ait pas influence sur soi, ne pas avoir peur de lui tout en respectant sa sphère privée et éviter les réactions violentes. Il est important selon elle, pour que les relations soient harmonieuses entre individus insistera-t-elle de respecter la liberté individuelle de l'Autre. Pour ce faire, Razika Adnani distinguera auparavant deux sortes d'oeil indiscret, celui furtif et l'autre intrusif et insistant qui lui pose problème. Car il constitue selon ses termes un «viol de l'espace privé et de vol d'instants qui m'appartiennent». Cet oeil inquisiteur survient parfois par l'abus de pouvoir ou un excès d'égoïsme quand l'un se permet de corriger l'Autre et pense le faire par esprit de devoir. En clair et en résumé, notre conférencière dira qu'elle a choisi cet angle de vue qu'est l'oeil indiscret en l'analysant pour le comprendre et ce, eu égard aux comportements violents qui en découlent dans certaines sociétés dans le monde et particulièrement chez nous où cela est très fréquent. Aussi fera-t-elle remarquer: «C'est tout un travail philosophique qui est à faire sur soi-même pour pouvoir voir l'étranger comme une personne positive et ne pas avoir peur de lui. Le travail philosophique c'est déjà oublier son égoïsme. La sagesse humaine, comprendre la vie...» Le lendemain matin outre Ahmed Béjaoui qui n'est plus à présenter, qui est venu tôt disserter sur «comment le cinéma algérien a-t-il abordé la question d'autrui?», Leila Tennci, responsable d'une bibliothèque privée à Oran, doctorante en philosophie et universitaire abordera pour sa part la question de la «philosophie et le besoin de l'Autre pour réaliser la paix». Dans un premier temps, elle définira l'Autre à travers un dialogue de philosophes où confrontation entre plusieurs points de vue, à savoir celui de Aristote et Derrida notamment. Pour l'un il est préférable de rester chez lui seul pour ne pas être agressé par l'Autre, pour l'Autre a contrario, pour d'autres il est nécessaire d'être avec l'Autre pour vivre, tandis que Derrida prône l'hospitalité. Elle aboutira à la notion de paix en la liant avec la question de l'Autre affirmant qu'on ne vit pas toujours avec l'Autre dans un lien d'amour, mais souvent un lien d'absurdité et de conflit. Elle terminera par le rôle de la philosophie dans tout ça autrement comment en ayant besoin de l'Autre en tant que philosophe nous pouvons réaliser la paix puisque la philosophie est aussi l'amour de la sagesse, c'est-à-dire l'amour de la vérité. Or, souvent, ces vérités quand elles se confrontent c'est la guerre. Sans donner d'exemples concrets, il sera tout de même aisé de faire allusion plus clairement aux migrants qui font la une partout dans les médias en essayant de faire deviner le sujet au public. Car elle démarrera sa conférence à partir d'un vécu, ses relations avec les étrangers sans trop de problèmes, mais elle insistera sur la nécessité primordiale de se réconcilier avec l'Autre si nous voulons vivre ensemble. «Vous allez me dire que c'est de la théorie mais si on la met en action je crois que c'est possible dans la vie de tous les jours.» Elle évoquera la notion de guerre au sens large sans préciser laquelle de façon atemporelle. Son message ira clairement vers la logique de l'espérance. De l'optimisme. Pour Lazahi Labter éditeur et coordinateur de ces «Journées de la philosophie, il est important d'aller tout doucement, mais sûrement par l'organisation prochaine des Journées internationales de la philosophie «et inviter plus tard des experts du monde entier». Il annoncera d'ores et déjà l'installation dès l'année prochaine d'ateliers en faveur des enfants quant à leur éducation sur qu'est-ce que la philosophie? «C'est une première. Je suis content. De voir même du monde mais c'est un bon début», dira-t-il.