«Nous n'avons pas d'amis, nous n'avons pas d'ennemis, nous avons des intérêts.» Beaucoup d'encre a coulé sur le 10e sommet de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) qui a clôturé ses travaux, samedi dernier à Ouagadougou (Burkina Faso). L'une des principales questions demeurées en suspens est la non-adhésion à cette organisation du plus grand pays francophone, l'Algérie. Un suspense qui a suscité des questionnements auprès des observateurs politiques et des chancelleries étrangères dont celle du Canada notamment. C'est un communiqué du ministère des Affaires étrangères, diffusé hier, qui apporte un élément de réponse à ces questionnements. Le document annonce la tenue, aujourd'hui et demain à l'hôtel El Djazaïr (Alger), pour la première fois en Algérie, d'une réunion régionale du Conseil d'affaires du Commonwealth. A la lecture, au premier degré, du communiqué on comprend d'abord qu'il s'agit d'un rendez-vous économique. «La réunion entre dans le cadre du processus de consultations organisées dans la perspective d'élaboration du Rapport de la commission pour l'Afrique créé à l'initiative du Premier ministre britannique, Tony Blair, en prévision du prochain sommet du G8 qui se tiendra en juillet 2005 au Royaume-Uni» indique le communiqué. Seulement, cette réunion qui regroupera des représentants du secteur privé des pays d'Afrique du Nord (Egypte, Tunisie, Maroc, Libye et l'Algérie) et des responsables du Conseil d'affaires du Commonwealth se tient deux jours seulement après la clôture du 10e sommet de la francophonie auquel l'Algérie a participé pour la deuxième fois en tant que membre observateur. De ce fait, au-delà de son caractère économique, la rencontre d'aujourd'hui ne peut être dénuée d'une signification politique. La portée stratégique de ce rendez-vous en dit long quant au choix porté sur Alger comme point focal afin d'élaborer le rapport technique que doit remettre la Grande-Bretagne, au sommet du G8, pour la mise en oeuvre plus efficiente du Nepad. Ainsi, entre la jeune organisation internationale de la francophonie et son rival, plus vieux, le Commonwealth, l'Algérie semble faire sienne la citation de Sir Churchill, l'ancien Premier ministre du Royaume britannique: «Nous n'avons pas d'amis, nous n'avons pas d'ennemis, nous avons des intérêts.» Voilà qui résume presque ce qui est interprété comme «une hésitation» de l'Algérie à adhérer à l'OIF. De ce point de vue il s'agit plutôt d'un réalisme de la diplomatie algérienne qui ne veut plus déserter les ensembles régionaux. C'est en quelque sorte aller dans le sens que dictent les intérêts du pays et tendre l'oreille au plus offrant dans un monde guidé par la force économique. Et c'est exactement ce pragmatisme qui guide les nations riches qui elles, ne veulent plus se couper du monde pauvre. Ces pays ont compris, en effet, que combattre les fléaux dont le terrorisme ne suffit pas. Il faut analyser les causes, économiques et politiques, et y apporter remède conjointement avec la communauté internationale et les ONG. Aussi, le défi que se proposent de relever les politiques étrangères de ces pays au XXIe siècle, consiste à s'attaquer à l'inégalité qui est l'une des plus grandes causes de conflits au monde et à réduire la pauvreté qui l'accompagne. Au dicton «ventre creux n'a pas d'oreilles» le ministre des Affaires étrangères britannique, Jack Straw, substitue cette citation: «Ventre affamé, esprit échauffé» (hungry people, angry people). Il est effectivement impossible de créer des conditions propices à la paix et à la stabilité si les besoins élémentaires de la vaste majorité de l'humanité ne sont pas satisfaits (accès à l'eau, à la nourriture, au logement, à la santé et à l'enseignement). Le Commonwealth est une organisation des pays anglophones. Elle regroupe 54 Etats indépendants qui se consultent grâce à un réseau informel de liens gouvernementaux et non gouvernementaux. Le Commonwealth regroupe près du quart de la population mondiale et du tiers des membres des Nations unies. La commission pour l'Afrique est une commission internationale indépendante créée par le Royaume-Uni. Son but majeur est d'étudier le soutien de la communauté internationale au développement du continent noir. L'initiative a été lancée par le Premier ministre britannique, Tony Blair, le 26 février 2004. Elle comprend 17 commissaires, dont neufs Africains. La rencontre de Yaoundé des 11 et 12 novembre 2004 a été la quatrième réunion de la commission de l'Afrique et la cinquième se déroule aujourd'hui à Alger.