Se préparer en altitude nécessitait jusque-là d'énormes dépenses en devises. Des athlètes qui se préparent en altitude - quoi de plus normal tant la pratique est quasi universelle depuis qu'il a été prouvé que des entraînements là où l'oxygène est plus rare, vous prépare un sportif en quête d'exploits sur des pistes ou des terrains. L'«anormalité» de la situation émane du fait que les athlètes dont nous parlions se préparaient en Algérie. La voilà la nouveauté puisque jusqu'à présent, lorsqu'on entendait parler de sportifs algériens partis se préparer en altitude, c'était pour le faire hors de nos frontières. Ces athlètes n'ont rien d'êtres anormaux. Ce sont des Algériens comme vous et moi, sains de corps et d'esprit, qui ont simplement suivi les instructions des dirigeants de leurs clubs qui les ont envoyés en stage en altitude du côté de Tikjda dans la wilaya de Bouira. Tikjda, un nom qui sentait bon l'air pur des cimes montagneuses durant de nombreuses années et qui, dans la décade 90, de terrible mémoire pour l'Algérie et son peuple, a vécu sous l'ombre d'un des terrorismes les plus effrayants de la planète. Tikdja la belle, Tikjda la verdoyante, Tikjda la fraîche avait pratiquement été oubliée de la mémoire collective. Mais avec l'avénement des années 2000, elle tente de se rouvrir à la vie et de s'équiper pour devenir, à nouveau, accueillante. Ils sont ainsi 16 athlètes du demi-fond du Mouloudia d'Alger (12 garçons et 4 filles) à être entrés en regroupement depuis une semaine sous la conduite de leur entraîneur Amar Brahmia. «Ce n'est pas la première fois que nous venons à Tikjda. L'an dernier, nous étions déjà là et nous avons pu, grâce à cela, réaliser l'une de nos plus belles saisons», nous dira ce dernier. Les sportifs mouloudéens sont à Tikjda pour une longue période. «Exactement 183 jours, nous indiquera Brahmia. Cette période sera bien sûr entrecoupée de courtes périodes de repos pour permettre aux athlètes d'aller rendre visite à leurs familles comme à l'occasion de l'Aïd El Kebir.» Le choix de Tikjda par le technicien mouloudéen n'est pas fortuit. Il est également membre du Comité olympique algérien et il sait que le site est celui qui servira sous peu de cadre aux regroupements de toutes les équipes nationales. En effet, c'est sur décision gouvernementale que le COA s'est vu attribuer une partie des chalets du Cnslt (centre national des sports et loisirs de Tikjda), un organisme sous tutelle du MJS. La partie en question, qui est en pleine rénovation, comprend quelque 300 lits disposés en chambres individuelles ou doubles. Le côté restauration est assuré par le Cnslt dont le directeur, M.Smaïn Meziani, nous a fait savoir qu'il fera très bientôt, construire un restaurant ultramoderne qui palliera les insuffisances de celui qui est en activité maintenant. Non loin des chalets du Cnslt, se trouve le complexe hôtelier de l'EGT-centre qui cherche à renaître de ses cendres après les années noires du terrorisme. Ses chambres ont toutes été refaites et devraient accueillir une clientèle très bientôt. Cependant, l'on apprend que ce complexe va être cédé également au COA qui disposera, de ce fait, d'un autre outil pour la grande politique de la relance du sport algérien qu'il a mise en oeuvre. L'information nous a été donnée par M.Mustapha Berraf, le président de l'instance olympique à l'occasion de la visite qu'il a accomplie sur le site, ce dimanche en compagnie de membres du COA mais également du wali de Bouira, M.Abdelkader Farsi et de ses principaux collaborateurs. L'idée de création d'un centre de préparation de l'élite sportive nationale germait depuis de nombreuses années. Le terrorisme l'a mise au placard et c'est M.Berraf qui l'a réactualisée et relancée. C'est que tous nos athlètes d'élite, en matière de préparation en altitude, choisissent l'étranger avec tout ce que cela implique comme dépenses en devises sonnantes et trébuchantes. Pourquoi l'Algérie, pays de montagnes, ne pouvait-elle pas, elle aussi, offrir à ses sportifs des sites pour s'entraîner sur les hauteurs? L'hébergement et la restauration, ce n'est pas tout. Pour s'entraîner, il faut disposer de terrains et de parcours. Pour ce qui est de ces derniers, les amateurs de footing en plein air en auront plus qu'il n'en faut. En outre, un parcours de santé, une piste creusée autour d'une crête montagneuse et d'une distance de 2,5 km est en voie d'achèvement. Mais le clou de tout le site se situe à 7 km en amont du centre d'hébergement des athlètes. C'est une route longue et sinueuse qui longe des crêtes escarpées et rocailleuses. Le froid est vif. Sur le côté de la route, des amas de neige subsistent en dépit du soleil qui illumine le ciel. Vous montez, vous montez et là, au détour d'un virage, vous apercevez en contrebas, dans une sorte de cuvette ce que l'on a pu prendre, au départ, pour un héliport balisé par une piste en rouge. Or, en fait de piste, il s'agit tout simplement de celle de l'athlétisme, sur laquelle on est en train d'appliquer la gomme en tartan et qui sera définitivement prête au début de la semaine prochaine. Les travaux, entamés en août dernier, auraient pu être plus avancés s'il n'y avait pas eu la tempête de neige d'il y a un mois. «Impossible de travailler dans de telles conditions», nous a dit un des responsables du chantier.La piste enserre un vaste terrain appelé à recevoir le futur terrain de football qui servira aux entraînements de l'équipe nationale qui, bien sûr, viendra à Tikjda puisque M.Raouraoua s'est dit plus qu'intéressé par le site. En outre, les aires de lancers et de sauts pour l'athlétisme seront aménagées. Non loin du terrain, un canal a été construit en vue de collecter toutes les eaux pluviales de la montagne supérieure pour les déverser sur un autre versant. Deux chalets entièrement équipés et situés à proximité du site sont en projet. Pour les alimenter en eau, le COA a obtenu du ministère des Ressources en eau la construction d'une bâche à eau. Enfin, les 7 km de route séparant le site sportif du centre d'hébergement vont être recouverts d'un nouveau bitume toujours sur intervention du COA auprès du ministère des Travaux publics, cette fois-ci. En tout cas, Amar Brahmia, habitué des préparations en altitude, trouve que le site offre d'immenses avantages même si l'on pense que la piste d'athlétisme est éloignée. «Allez voir à Ifrane au Maroc. Là-bas aussi il faut effectuer des kilomètres pour arriver au stade. Ne croyez pas que vous allez trouver tout au pied de votre lit. Et puis, le centre s'adresse à des sportifs et on les voit mal jouer aux fatigués», nous a dit le coach mouloudéen. Le projet est dans un état d'avancement conséquent. Il est sûr qu'il reste beaucoup à faire mais on peut penser que d'ici un an, le centre sera opérationnel à 100% et prêt à recevoir les équipes nationales. L'essentiel est qu'il soit en Algérie. Maintenant, s'il dérange certains, beaucoup plus penchés sur les préparations à l'étranger, il leur faudra se montrer sacrément persuasifs pour convaincre le MJS. Sauf si, bien sûr, ils ont des mécènes derrière eux. Mais de cela, on doute.