Ouyahia, par son discours, met fin aux spéculations concernant le remaniement gouvernemental. L'homme est en place pour pas mal de temps encore. C'est un discours incisif qui a été prononcé par le chef du gouvernement lors de la 25e session du Conseil national économique et social, hier matin au Palais des nations. Un discours que M.Ouyahia a voulu à la fois porteur d'espoir mais surtout empreint de pragmatisme. Un pragmatisme, désormais habituel chez l'homme, que le chef du gouvernement n'a fait que rappeler, encore une fois. Pour un homme que les «rumeurs», fondées ou pas, donnent pour «éminemment partant» au prochain remaniement gouvernemental, le ton était tranchant, voire confiant. Tranchant en se prononçant sur des thèmes d'actualité, ayant suscité moult polémiques, telles les réformes qui toucheront, désormais, aussi bien le code de la famille que les hydrocarbures, entre autres. Confiant car l'homme prenait, d'emblée, des engagements fermes, solennels, vis-à-vis de la société. En somme, ce n'était pas un discours de partant que le beau parterre, présent hier au Palais des nations, a écouté. D'ailleurs, même si Ouyahia fera, éventuellement, les frais d'un quelconque remaniement, ce discours aura le mérite d'avoir fait dégager «les choix lourds» de l'Etat algérien, aussi bien en matière d'économique que de social sur les années à venir. Revenons à ces thèmes abordés et tranchés. D'abord le code de la famille. Le chef du gouvernement assure que «ce texte sera amendé» tout en ajoutant, au passage, que ces amendements se feront, certes, en fonction des «héritages historiques» de la société algérienne et «de notre aspiration à la modernité»; ce qui, en soi, est une précision de taille. Une affirmation qui suit un hommage appuyé rendu à la femme algérienne qui s'impose de plus en plus dans différents secteurs et activités, supposés masculins. Un amendement, finalement, qui ne peut que coller avec une réalité criante même si beaucoup persistent à ne pas la voir. Chiffres à l'appui, Ouyahia rappelle la présence féminine dans le corps de l'éducation et de la magistrature entre autres (même si elles n'étaient que 15% d'actives en 2000 contre 8% en 1998) ainsi que sa présence, souvent dominante, dans les différents cycles de l'enseignement national (51% au secondaire et 53% au supérieur). Concernant le soutien qu'assure l'Etat, financièrement, pour certains produits de consommation, en l'occurrence le pain, Ouyahia tranche pour ce qui a fait, récemment, une sorte de polémique entre pouvoirs publics et la profession boulangère. «Ce prix ne changera pas», justifiant cela par «le choix lourd» qu'a fait l'Etat en la matière. Un choix qui peut aussi concerner d'autres produits bénéficiant du même mécanisme régulateur. Il faut rappeler que ce mécanisme d'aide n'est pas particulièrement apprécié par les institutions financières internationales, en l'occurrence le FMI et la Banque mondiale, au nom de l'orthodoxie budgétaire. Néanmoins, il faut ajouter que ce mécanisme de soutien (ou stabilisation) de prix ne profite pas qu'aux plus démunis mais à tous, et donc même aux plus riches, d'où le regard sceptique, à cet égard justifié, des chantres de la rigueur économique. L'enjeu est peut-être de corriger les disparités entre revenus, non pas à l'aval (stade de consommation) mais en amont (revenu) ! Là, Ouyahia s'est montré réservé même s'il dit être «non sensible à l'égard de la situation de cette catégorie et respectueux des travailleurs». Et lorsqu'il ajoute que le SNMG a été augmenté de 20% cela signifie qu'une hausse significative telle qu'espérée ici et là ne sera nullement au rendez-vous. Ouyahia se voulant, encore une fois, plus pragmatique demande à regarder comment se passent, ailleurs, de telles mesures (augmentation des salaires), autrement en fonction «du taux de croissance et de l'inflation». L'autre thème, tout aussi important, évoqué par le chef du gouvernement, a été celui des hydrocarbures. Il commence par cadrer le débat en insistant sur le fait que ladite réforme proposée par Chakib Khelil, ministre de l'Energie, précédemment ajournée mais qui sera prochainement au rendez-vous, «ne veut absolument pas dire une privatisation de Sonatrach», ce qui est d'ailleurs vrai. Cette réforme, faut-il le rappeler, mettait tout simplement la société nationale des hydrocarbures sur le même pied d'égalité que les autres firmes pétrolières tout en mettant fin à la prise de participation majoritaire, acquise automatiquement par la force de loi, de Sonatrach. Une réforme qui vise à mettre entre les mains de l'Etat la gestion de la richesse nationale et non entre les mains d'une société commerciale, Sonatrach. Le chef du gouvernement n'oublie pas d'appeler l'assistance à imaginer l'Algérie sans les ressources appréciables dont elle dispose actuellement grâce à la fiscalité pétrolière. Autrement dit, certaines réformes sont incontournables aussi bien pour le secteur des hydrocarbures que pour l'ensemble du secteur économique public. Il rappelle qu'un montant de 2 300 milliards de dinars a été mis en place, entre 1999 et 2003, au titre du plan de soutien à la relance économique sur le budget de l'Etat. A défaut de bilan fiable, l'on ne sait toujours pas comment et quels montants ont été consommés dans le cadre de cette relance pour en savoir plus sur son efficience, mais la croissance est au rendez-vous aime à rappeler Ouyahia en plus de la création de 500.000 emplois. Il rajoute que l'Etat assure toujours plus de 50% de la dynamique économique nationale car, en effet, même le privé tire l'essentiel de ses financements des banques publiques, donc de l'Etat. Un autre montant de 4000 milliards de dinars cette fois est prévu en guise de soutien à la relance économique. Des montants importants qu'il faut utiliser au mieux afin que l'Algérie «soit au rendez-vous de ses engagements politiques et économiques difficiles avec les accords d'association avec l'OMC et la CEE» notamment. Ouyahia n'oublie pas de rappeler l'engagement de l'Etat à faire valoir la force de la loi de moins en moins respectée et ce, aussi bien pour combattre «l'évasion fiscale et la fraude sociale». Une force de loi qui, a-t-il ajouté, «sera appliquée à tous et en tout». Le chef du gouvernement insiste sur l'absence de la moindre divergence entre le gouvernement et le Cnes, encore moins avec l'APN. D'ailleurs, rappelle-t-il, «les chiffres communiqués par le Cnes sont là pour confirmer ceux du gouvernement». Tout est bien qui finit bien. Ouyahia fait preuve, encore une fois, d'une assurance désormais coutumière. Les choix lourds sont là et l'avenir ne sera que la consécration de ces derniers, sans nul doute.