Les islamistes ont pris un poids important au sein de l'Icso Le congrès de l'opposition dont la tenue est conditionnée par l'établissement d'un bilan risque de se transformer en une noce islamiste. Le second conclave de l'opposition suscite beaucoup d'interrogations. Radicalement rejetée dans les coulisses par quelques personnalités de la mouvance démocratique, approuvée néanmoins lors de la dernière réunion de l'Icso qui s'est tenue à huis clos, cette initiative laisse transparaître un grand malaise au sein de l'opposition. En effet, bien que la date de la tenue du congrès de l'opposition soit déjà arrêtée, celui-ci n'aura pas nécessairement lieu car, en plus du fait que la décision a été prise suite à un bras de fer éprouvant entre les islamistes et les démocrates, l'organisation de Mazafran II est conditionnée par un bilan exhaustif et rigoureux de ce que la Cltd et l'Icso ont fait depuis leur mise en place. Or, nous explique-t-on, «les actions menées par ces deux regroupements sont très en deçà des possibilités». Mais pas seulement. «Les avis au sein de l'Icso sont partagés entre ceux qui veulent aller sur le terrain et mobiliser la population afin de mettre le pouvoir sous pression et le pousser à accepter de négocier une transition démocratique pacifique et ceux qui, voulant toujours être ces diables qui respectent Dieu, préfèrent temporiser dans l'espoir que le pouvoir cède ou fléchisse. Parmi ces derniers, il y aurait même des éléments qui ne veulent pas compromettre définitivement leur relation avec le pouvoir actuel,» nous a expliqué une source de l'intérieur de l'opposition. Mais ce qui est encore plus inquiétant, c'est le poids que les islamistes ont pris au sein de l'Icso. Depuis des mois déjà, la «fermeture» de cette instance était expliquée, dans les coulisses, par la peur de la voir envahie par les partis et les personnalités islamistes. «Si on ouvre l'Icso, elle risque d'être envahie par les islamistes et, à ce moment-là, il ne sera plus question de transition démocratique mais de légitimer le projet des islamistes. Ceux-ci, s'ils venaient à se sentir majoritaires, ne vont pas hésiter à imposer leur vision. C'est plus fort qu'eux, car c'est là que s'arrête leur culture politique», nous a confié un opposant, partisan de la transition démocratique. Il n'a pas fallu attendre longtemps pour que cela se vérifie. Les islamistes, aux aguets depuis plusieurs mois déjà, ont bien préparé le terrain. Politiquement, mais aussi médiatiquement. L'idée fétiche d'un congrès de l'opposition était suffisamment admise par les médias, lorsque les membres de l'Icso se sont retrouvés à Draria mercredi dernier, au siège du parti El Binaa Al Watani, parti islamiste, pour tenir sa première réunion ouverte aux nouveaux membres, dont le parti El Binaa Al Watani. L'occasion n'a pas été ratée. Profitant de la sympathie que l'idée d'un congrès de l'opposition suscite dans les milieux de l'opposition, les islamistes, qui étaient présents en force, se sont tous ligués pour l'appuyer. Grande résistance de la part de certains démocrates mais la pilule a fini par passer. Les craintes du péril vert ne sont pas une vue de l'esprit. Le poids des islamistes au sein de l'Icso s'est vérifié concrètement. Dès lors, ces craintes, sans doute légitimes, peuvent s'exprimer quant à l'objectif des islamistes. En fait, à travers ces jeux et enjeux, les islamistes sont-ils en train de disputer le leadership de l'opposition aux démocrates ou veulent-ils utiliser le poids symbolique de ceux-ci pour réaliser leurs propres objectifs politiques? Il est évident que la méfiance vis-à-vis des islamistes ne quitte presque jamais l'esprit des démocrates, les vrais, puisque l'islamisme est fondamentalement incompatible avec la philosophie démocratique, mais cette fois-ci elle risque de prendre corps et déteindre sur la démarche de l'opposition. En effet, selon notre source, «les islamistes veulent aller vers un congrès de l'opposition non seulement pour démontrer que leur poids est prépondérant au sein de l'Icso mais aussi pour toucher à la plate-forme de Mazafran».«Objectivement, la plate-forme de Mazafran contient tous les éléments d'une sortie de crise pacifique. Elle est en plus claire et consensuelle. Elle a réuni tous les opposants», nous a-t-on expliqué avant de s'interroger: «Pourquoi vouloir aller vers un autre congrès? A quoi ça peut servir si ce n'est pour revoir la plate-forme de Mazafran?» Décidément, les craintes sont sérieuses dans le camp des démocrates. Aussi, commence-t-on, en attendant que le bilan se fasse et que la décision d'aller vers Mazafran II se prenne, à sensibiliser les organisations de la société civile et les syndicats autonomes proches des démocrates pour pouvoir peser en faveur de la démocratie et des libertés, collectives mais surtout individuelles. La bataille ne fait que commencer et elle s'annonce déjà périlleuse.