Le Parti des travailleurs a réussi à fédérer une bonne partie de l'opposition autour de cette thématique Même si l'Algérie est très éloignée de pareil système de gouvernance, la sonnette d'alarme du PT n'est pas une si mauvaise chose pour le pays. Décidée à faire barrage à la loi de finances 2016, l'opposition parlementaire innove dans l'action politique et tente de regagner ce qu'elle a perdu en plénière. Les requêtes adressées ici et là pour bloquer un texte approuvé par une majorité de députés, n'ont de sens que dans le cas de manoeuvres politiciennes destinées à chahuter la scène politique pour en réduire la visibilité au maximum. Tout ce remue-ménage partisan s'appuie sur un discours au relent idéologique d'extrême gauche. En ce sens, le Parti des travailleurs peut s'estimer heureux, puisqu'il a réussi à fédérer une bonne partie de l'opposition autour d'une thématique essentielle pour ce qui le concerne, mais totalement secondaire pour les autres formations politiques qui le suivent. La lutte contre l'oligarchie, ultime étape de l'extrême droite, fait donc le lit de la protesta en Algérie, depuis des mois et est entrée dans l'Assemblée populaire nationale, en attendant de trouver des oreilles attentives dans les milieux des travailleurs. Par étapes, les trotskistes du PT parviennent à faire admettre à l'opinion nationale que l'Algérie est totalement contrôlée par une caste d'oligarques qui y font la pluie et le beau temps. L'oligarchie dont parle le parti de Louisa Hanoune n'est certainement pas celle qu'a connue la Russie sous le président Eltsine. Et pour cause, entre la Russie de l'après-Gorbatchev et l'Algérie d'aujourd'hui, il y a une sacrée différence. D'abord, en termes de privatisations, les richesses pétrolières et minières de la Russie ont été distribuées entre quelques grandes fortunes, réputées proches d'Eltsine et totalement acquises à l'impérialisme américain. Des banques, des sociétés pétrolières et de grands domaines, propriétés de l'Etat, ont été cédés à ces nouveaux pontes du système, notamment ceux qui ont «résisté» au coup d'Etat contre le patron de la Russie. Ces hommes devenus très puissants réglaient la vie politique et économique du pays. Les lois de finances et autres textes de portée économique ne faisaient aucun cas d'une quelconque approche sociale. Nouveaux riches On en est arrivé en Russie à ce que les pensions de retraites ne soient pas payées, pour cause de faillite de la caisse des retraites. Aucun oligarque ne s'en est offusqué. Les immenses fortunes amassées en quelques années servaient spécifiquement les intérêts d'une seule classe qui s'enrichissait à vue d'oeil, jusqu'à compter des milliardaires en dollars dans son club. L'oligarchie est le degré suprême du capitalisme sauvage. Il a fallu l'arrivée de Poutine au pouvoir pour mettre un terme aux agissements de cette classe de prédateurs qui ne s'est pas contentée de piller les richesses de la Russie, mais elle a tenté et tente toujours de revenir au pouvoir, avec l'aide des puissances occidentales. Qu'en est-il en Algérie? Sommes-nous dans un cas d'oligarchie rampante qui prend en otage l'avenir économique du pays? Lorsqu'on va au détail des actions du gouvernement en matière économique, force est de constater que l'on est très loin du cas russe des années 1990 du siècle dernier. L'ensemble des entreprises publiques gravitant autour des hydrocarbures demeure encore sous contrôle total de l'Etat. Les lois de finances conservent très largement leur penchant pour le social. Même les quelques privatisations décidées et qui ont échoué ont fait l'objet d'une re-nationalisation de la part du gouvernement. Toutes les banques algériennes sont bel et bien publiques. Aucune institution financière privée ne peut se targuer de contrôler des pans entiers de l'économie. Les quelques banques à capitaux algériens, qui ont vu le jour entre 1998 et 2002, ont toutes été fermées. Les milieux d'affaires algériens qui activaient dans la marginalité de l'économie nationale n'avaient pas assez de capitaux pour acquérir d'importantes unités industrielles publiques et encore moins des géants comme le complexe d'El Hadjar. Les pontes du système qui se sont enrichis sur le dos de l'Algérie l'ont fait dans cette marginalité économique et personne n'est parvenu effectivement jusqu'au coeur battant de l'économie du pays. Toutes les belles résidences et les grosses cylindrées que possèdent certaines familles proches du pouvoir est le résultat, pour celles qui ne peuvent justifier de leur fortune, d'une rapine dans la périphérie de cette économie. Corruption, passe-droit, import-import et commerce informel constituent les principaux secteurs pourvoyeurs de richesse et de «puissance». Quelques «prédateurs» appelons-les ainsi, ont pu accéder aux seconds, voire aux premiers cercles des formations politiques au pouvoir. L'opinion nationale en connaît certains pour avoir fait parler d'eux, et ignore l'entrisme qu'exercent pas mal de «nouveaux riches» pour infléchir la politique du gouvernement sur un aspect ou un autre de la décision économique. Il faut dire que dans le lot, on en voit qui prennent du poil de la bête et affichent une modernité apparente, sans l'assumer réellement, puisqu'une grande partie de leurs affaires est encore dans l'informel. Cette faune d'affairistes se mélange souvent aux opérateurs économiques dignes de ce nom et parvient à intégrer des organisations patronales. Les islamistes en embuscade Cela pour le monde «underground» des affaires en Algérie. Cela autorise-t-il à jeter l'enfant avec l'eau du bain et faire table rase de ce qui a été réalisé de positif par d'authentiques opérateurs nationaux? certainement pas, répondra le Parti des travailleurs qui dit soutenir les bâtisseurs parmi les privés. Mais ceux que le PT qualifie d'oligarques, ils font partie intégrante de cette classe d'hommes qui ne fait rien d'autre que des affaires au même titre que les bâtisseurs. Qu'ils se rapprochent du gouvernement pour mieux se faire entendre ne fait pas d'eux les détenteurs du pouvoir politique et économique. Ils ne l'ont pas encore, sinon, ils seraient de véritables oligarques. Et on reconnaît ce genre d'individus au pouvoir réel et effectif qu'ils détiennent dans la sphère du pouvoir. Un oligarque ne discute pas, il se sert d'abord et confectionne des lois à sa mesure. On voit très mal un authentique oligarque accepter le principe du 49/51%. On le voit tout autant mal regarder le complexe d'El Hadjar revenir dans le giron de l'Etat sans broncher. Si l'Algérie était contrôlée par l'oligarchie, cela ferait longtemps que la Sonatrach, Naftal, Sonelgaz, Algérie Télécom et autres grosses pointures, seraient passées dans le portefeuille de quelques magnats algériens de la finance. Ce n'est pas le cas, pour la simple raison que ce genre d'individus n'existe pas encore. Cela dit, même si l'Algérie est très éloignée de pareil système de gouvernance, la sonnette d'alarme du PT n'est pas une si mauvaise chose pour le pays. Le cri de Louisa Hanoune a ceci d'intéressant est qu'il ouvre les yeux de la société sur les dangers d'une appropriation des richesses du pays par un petit groupe d'hommes d'affaires. Cependant, la levée de boucliers de l'opposition et notamment des islamistes demeure quelque peu suspecte, pour la simple raison que le programme économique des islamistes est assez compatible avec l'idée que se font les oligarques de la gestion de l'Etat. Cela pour dire que dans le combat que mènent conjointement, le PT et l'Alliance de l'Algérie verte, il y a une réelle contradiction. Les islamistes, comme à leur habitude sont en embuscade. Ils sauteront sur la première occasion pour installer leurs oligarques. Et ceux-là sont autrement plus dangereux, puisqu'ils maquillent leur appétit féroce de considérations faussement religieuses.