La désormais «affaire Moretti» renseigne assez sur la volonté qu'affiche l'Etat d'en finir avec la justice à deux vitesses. Affaire symptomatique s'il en fut, le traitement réservé à l'enlèvement, séquestration et torture du jeune Mehdi Sari par un groupe d'enfants de notables habitant la résidence d'Etat de Moretti renseigne et indique clairement que quelque chose d'important est en train de se dérouler au sein de la République algérienne. Les informations, pendant des jours, avaient circulé sur les tentatives menées par les parents des adolescents incriminés afin de tenter, coûte que coûte, d'étouffer le scandale. Il est même fait état de tentatives de médiation, telles que rapportées par la presse, visant à amener la famille de la victime à retirer sa plainte. Il est vrai qu'en ce microcosme qu'est la résidence d'Etat, où tout le monde connaît tout le monde, et où des liens entre puissants qui tiennent entre leurs mains les rênes de ce pays, il y avait de fortes chances que l'affaire, jamais, ne connaisse les suites qui sont présentement les siennes. Pas moins de sept jeunes, dont une fille, tous fils de notables, ont été placés sous mandat de dépôt alors que l'affaire est toujours en instruction. Un huitième suspect, dont la famille avait réussi à faire quitter le territoire national en faisant sans doute jouer de puissantes connaissances, fait désormais l'objet d'un mandat d'arrêt international présent dans les fichiers d'Interpol. Ce véritable branle-bas de combat aurait été rendu possible grâce au travail hautement professionnel mené par le tribunal de Chéraga près la cour d'Alger. La justice, que le chef de l'Etat a bien souvent stigmatisée dans ses discours, opère une lente mais salvatrice mue. Cette fois-ci encore, c'est le premier magistrat du pays en personne, nous dit-on, qui aurait donné des instructions pour que rien, ni personne, ne s'interpose entre le juge et la recherche de la vérité, afin que justice soit rendue. L'affaire Moretti, il faut l'espérer, vient sceller la fin d'une époque, triste et douloureuse pour le peuple algérien: celle des intouchables et de la justice à deux vitesses. Le rôle de la presse, que beaucoup ont tendance à critiquer de manière inconsidérée, a été important puisque c'est elle qui a évité que l'affaire ne soit étouffée, comme cela se passe très souvent quand ce sont les «fils à papa» qui fautent, soit entre eux, soit contre les «fils du peuple». Il est vrai les prémices d'un pareil changement, dans les moeurs judiciaires algériennes avaient été remarquées depuis que de nombreux «nababs» ont eu maille à partir avec la justice, ce qui était impensable il y a de cela à peine quelques années. Selon les premiers éléments d'information, certes récoltés au compte-gouttes, l'affaire étant toujours en instruction, le magistrat instructeur a mené son travail d'une main de maître, jusqu'à une heure avancée de la nuit de mercredi à jeudi. Des confrontations entre les suspects et la victime ont eu lieu, ce qui a permis de rétablir avec grande exactitude les faits. Voilà un groupe de jeunes, imbus de la puissance de leurs parents, qui enlèvent et séquestrent quelqu'un, avant de le passer à tabac, manquant le tuer, avant de lui faire subircertains sévices sexuels et de le jeter, plus mort que vif, d'un mur haut de plusieurs mètres. D'ores et déjà, les rets de la justice se sont refermés sur des jeunes à peine sortis de l'adolescence, violemment confrontés aux nouvelles réalités qui composent désormais l'Algérie. Les chefs d'inculpation retenus contre eux vont de la tentative de meurtre à celle du viol en passant par la séquestration, le kidnapping, le vol et la non-dénonciation pour la fille, cause de tout ce qui est arrivé. Il est à peu près certain que ces chefs d'accusation pourraient changer en fonction de l'instruction qui promet d'être longue et laborieuse. Les responsabilités de chacun ne sauraient être déterminées avec exactitude tant que de nouvelles confrontations n'auront pas été menées, le suspect en fuite interpellé et extradé, et le crime reconstitué dans ses moindres détails.