Très simplement le «métèque» s'ouvre dans cet entretien aux lecteurs de L'Expression. L'artiste aux multiples facettes, Georges Moustaki a animé deux concerts exceptionnels, le week-end dernier, une occasion pour nous de le rencontrer et de discuter avec lui. M.Moustaki s'est confié à L'Expression avec générosité et émotion. Ecoutons-le... L'Expression : Tout d'abord, vous n'êtes pas revenu en Algérie depuis plus de vingt ans, quel est le sentiment que vous avez éprouvé en revoyant ce pays? Georges Moustaki : Très sincèrement, maintenant que j'y pense, je me rends compte que le temps passe très vite. L'Algérie est un pays que j'ai toujours porté dans mon coeur. La première fois que je suis venu ici, c'était en 1958. A l'époque c'était encore la guerre d'indépendance, mais bien après, j'ai eu l'occasion de revenir et d'animer des concerts en 1974, puis en 1978, à la salle Atlas. Malheureusement, les circonstances et les événements ont fait que j'ai tardé à revenir. En y repensant, c'est impardonnable (rire). Justement, pensez-vous que vos fans sont toujours les mêmes? Je ne peux pas vous répondre. J'ai des souvenirs du public que j'avais à mes précédents concerts. En revanche, d'après les échos que j'ai eus par le biais de la presse, j'ai appris que ma popularité en Algérie a grandi même auprès des plus jeunes et cela me fait très plaisir. Parlons un peu de votre carrière artistique. Vous êtes auteur, chanteur et compositeur et, en même temps, vous écrivez des livres, d'où puisez-vous toute cette énergie? C'est très simple, quand j'écris des livres je suis écrivain et quand je chante, je suis chanteur. En fait, maintenant que vous me le dites, je crois que je préfère être chanteur, c'est bien plus facile mais je les écris aussi (chansons). Cela dit, je n'établis pas forcement un lien entre parolier et écrivain. C'est que, en fin de compte, la chanson me procure un plaisir et une satisfaction incomparable. Vous avez eu l'occasion d'écrire pour des voix féminines telles que Piaf et Dalida. Quelle est la nature des relations que vous entreteniez avec chacune d'elles? Je tiens à préciser que c'était de très belles rencontres, chacune à sa manière. Piaf était bien plus qu'une amie, notre relation était à la fois amicale et amoureuse. Grâce à elle, j'ai découvert le monde car elle m'a fait beaucoup voyager. Puis Dalida aussi est une grande dame et je l'ai considérée comme une compatriote, notamment pour nos origines communes. On s'est connus à Paris. On était débutants tous les deux, elle était déjà chanteuse alors que j'étais auteur de chansons. Puis elle m'a demandé d'écrire des chansons pour elle et je l'ai fait avec un grand plaisir, car elle avait une voix magnifique. Justement vous avez écrit Milord pour Piaf, qui est d'ailleurs un chef-d'oeuvre. Vous arrive-t-il de la chanter? Dans mon dernier disque j'ai introduit Milord en guise de bonus en plus des chansons qui sont sorties. En outre, Milord est pour moi l'enfant qui garantit la pérennité de la relation que j'ai eue avec Edith. D'où tenez-vous cette facilité de trouver les sujets de vos chansons? En fait, l'écriture est une passion. J'écris sur tout. Sur le monde tel que je le vois et tel que je le vis. Les aventures que j'ai vécues. Les rencontres que j'ai faites avec des gens merveilleux, vraiment je reconnais, j'ai vécu des moments magnifiques et intenses. Cela m'a souvent permis de m'inspirer dans mes écrits. J'ai pensé que ça valait la peine de les mettre en chansons. En effet, ce n'est pas seulement un besoin, c'est aussi un plaisir. Quel est le meilleur moment de votre vie? Oh ! J'en ai eu beaucoup. Par exemple. Ma rencontre avec Piaf est un beau moment. Mon voyage au Brésil ou encore quand je suis monté sur scène pour la première fois. C'est beau de repenser à tout cela après 35 années de carrière. Pourquoi ne voit-on pas Moustaki au cinéma? J'ai déjà fait du cinéma avec Roger Hanin dans un des épisodes de Navarro. Mais pour tout vous dire, malgré le plaisir que j'ai éprouvé en jouant auprès de Roger, qui est un grand ami, je crois sincèrement que je ne suis pas fait pour cette carrière. Quelles sont vos idoles? Oh, j'en ai beaucoup, mais au début de ma carrière, j'écoutais très souvent Charles Trenet, Tino Rossi et aussi Piaf, d'ailleurs je me suis souvent amusé à réécrire leurs chansons en rajoutant du piano. Par ailleurs, j'ai une énorme considération pour d'autres artistes. Y a-t-il un chanteur de la nouvelle génération qui vous touche? Celui qui me touche beaucoup, c'est Stéphane San Siverino, sinon, il y a aussi un nouveau jeune qui s'appelle Ridan, d'ailleurs je songe à faire un duo avec lui. Quels sont les voeux de Moustaki pour la nouvelle année? Vu que je suis en Algérie, je souhaite au peuple algérien beaucoup de bonnes choses, car il reste digne et fort devant toutes les situations. Et je lui souhaite une chose importante, qu'il respire la paix après toutes ces années noires.