Même à l'intérieur de l'appareil de l'Etat, Lacheraf n'a jamais renié ses principes. Hier, s'est ouvert à la Bibliothèque nationale algérienne à Alger, le colloque scientifique «Algérie 50 ans après : nation, société, culture» qu'organisent, durant trois jours, l'Association algérienne pour le développement de la recherche sociale (Aadress) et la revue Naqd d'étude et de critique sociale sur l'oeuvre de l'intellectuel Mostefa Lacheraf. Pour autant, le concerné a brillé par son absence. Pour des raisons de santé mais, dit-on, mais aussi, par «souci» déontologique, le concerné n'a pu assister à la rencontre qui lui a été organisée en guise d'hommage. «Nous l'avons informé, au détail près, du déroulement de la préparation de ce rendez-vous. En tant qu'intellectuels, nous avons le droit de rendre hommage à l'intellectuel, avec ou sans accord», a précisé, le sociologue Omar Lardjane, le président d'Aadress, dans son allocution d'ouverture. D'emblée, il a été convenu d'évacuer, le temps de la conférence, l'homme politique que fut, des années durant, Lacheraf, pour polariser toutes les interventions des chercheurs algériens et étrangers présents, sur son oeuvre résumée, en grande partie dans son livre Algérie, nation et société. Daho Djerbal, directeur de la revue Naqd, est revenu, lui, sur l'état de la production intellectuelle en Algérie qui souffre, dit-il, de la main basse imposée par l'Etat sur tout ce qui émane de la société civile. A ses yeux, le colloque sur l'oeuvre de Lacheraf s'inscrit justement a contrario du discours officiel et atteste de la capacité de la société à s'investir, elle-même, et sans pour autant recourir à l'aide de l'Etat, dans la sphère intellectuelle. Durant toute la matinée, historiens et sociologues se sont, tour à tour, succédé, pour parler, chacun avec son approche, d'un homme qui a été, s'accordent-ils à dire, l'un des intellectuels les plus probants de l'Algérie du XXe siècle. El Korso Mohamed, professeur d'histoire à l'université d'Alger, soulève, quant à lui, une question qui a plutôt pris les contours d'un grief ; il n'a pas tort d'ailleurs, l'université algérienne n'accorde pas assez d'importance à Mostefa Lacheraf. Peu de chercheurs en sciences sociales ou en histoire n'ont, à vrai dire, pris ses oeuvres comme une source documentaliste. Alors que le bon sens aurait voulu au contraire faire de ce penseur qui a été à la fois sociologue, historien, journaliste... un repère cardinal. Fouad Soufi, historien, s'est penché, pour sa part, sur la manière dont furent menés les travaux de l'histoire de Lacheraf. Bien que ce dernier ait contribué dans une large mesure à l'éclaircissement de notre histoire commune, il ne peut en aucune manière, pense M.Soufi, le considérer comme un historien au sens pratique du terme. Quoi qu'il en fût, c'est toute l'oeuvre de Lacheraf qui sera ainsi disséquée durant cette rencontre à laquelle, faut-il le rappeler, d'éminentes personnalités prendront part dont Mohamed Harbi, Christiane Chaulet Achour, Rédha Malek...