Après le sanglant attentat contre une base américaine à Mossoul, le secrétaire à la Défense s'est rendu sur place lors d'une visite surprise. Un général américain donnait le ton hier en qualifiant les opérations contre la guérilla irakienne de «course d'endurance». Il ne croyait pas si bien dire, d'autant plus que les « rebelles », chassés d'une région, réapparaissent dans une autre, se jouant des forces d'occupation qui n'ont d'autre recours que de tirer dans le tas, quitte à s'excuser ensuite. C'est dans cette situation morose, marquée par le sanglant attentat de mardi, au coeur d'une base américaine, que débarque en Irak -en visite surprise- le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, venu soutenir le moral, bien bas, des troupes. C'est dans le secret absolu que cette visite a été organisée - comme c'est devenu une habitude pour les hauts responsables américains, depuis la visite du président Bush à Bagdad en novembre de l'année dernière - annoncée seulement une fois M. Rumsfeld sur place. C'est dire que ce n'est pas demain que le détour irakien deviendra un séjour touristique. Compatissant avec des soldats «fatigués» selon l'expression du général Thomas Metz, haut responsable militaire américain en Irak, Donald Rumsfeld, a déclaré, devant un parterre de soldats à propos de la guerre, que «ce n'est pas une tâche facile et la route est semée d'embûches», ajoutant, paternel : «Mais le jour où vous aurez mon âge (M. Rumsfeld 75 ans), vous vous en souviendrez avec fierté.» Une manière comme une autre de remonter le moral à des troupes fatiguées physiquement par une perpétuelle course-poursuite contre un ennemi insaisissable et bien organisé. Le secrétaire à la Défense, dont la popularité est en chute libre aux Etats-Unis, ce qui obligea à maintes reprises le président Bush à venir à son secours en lui renouvelant sa confiance, tente par cette escapade irakienne de refaire son propre moral quelque peu mis à mal ces derniers jours. Et l'attentat contre la base américaine à Mossoul n'a pas été fait pour améliorer son standing. A propos de cet attentat, les supputations se poursuivaient hier alors qu'aucun nouveau fait n'a été signalé. Selon le général Carter Ham, responsable des forces de la coalition à Mossoul «Ce n'est pas certain à 100% mais il semble qu'un individu portant un uniforme militaire irakien, peut-être avec une veste comportant un explosif, était dans le réfectoire et a actionné le mécanisme, provoquant la tragédie». Mais cela demeure au niveau de la spéculation tant qu'il n'y a pas de faits nouveaux expliquant les causes du carnage. De fait, dans un communiqué diffusé hier, le groupe Ansar Al-Sunna, qui a revendiqué l'attentat contre la base américaine, promet de donner ultérieurement des détails sur l'attentat de Mossoul, indiquant «Les déclarations des responsables américains sont infondées. Si Dieu le veut, nous allons très bientôt publier un communiqué donnant tous les détails de la conquête bénie de Mossoul et les pertes infligées aux troupes croisées». Et le communiqué d'ajouter : «Nous suivons les conférences de presse et les analyses des croisés sur ce coup. Ils tentent -comme d'habitude- de tromper les gens en disant tantôt que l'attaque a été menée à l'aide d'un mortier ou de roquette, tantôt qu'il s'agissait d'une opération suicide menée à l'aide de charges explosives (artisanales)» Aussi, Ansar Al-Sunna se pose la question «Sont-ils si stupides qu'ils ne connaissent toujours pas la nature de ce coup qu'ils ont reçu, ou le coup a-t-il été si dur qu'ils n'osent dire la vérité?». Alors qui dit vrai? Le général Carter Ham, esquivant la responsabilité des forces américaines dans l'échec à restaurer la sécurité en Irak, met cela sur le compte des «performances mitigées» des forces irakiennes, dont il met en exergue «la lenteur de leur développement» qui constitue, selon lui, une «grande inquiétude pour nous». En d'autres termes, les Américains s'impatientent de voir les forces irakiennes prendre la relève et partir en première ligne dans une guerre qui n'est pas totalement la leur. En effet, les officiels, politiques et militaires américains utilisent constamment les termes de «rebelles» et «d'insurrection». Les deux termes semblent inappropriés dans la mesure où les forces américaines, présentes en Irak, sont bien des forces d'occupation, et la guérilla contre elles relève de la résistance. Quant à la rébellion, c'est contre quel pouvoir établi irakien, car celui-ci n'existe toujours pas, tant que le peuple irakien n'a pas librement désigné ceux appelés à présider à ses destinées. La présentation de la situation en Irak est sans doute une question de sémantique, mais qui dit bien toute l'ambiguïté qui perdure autour du cas irakien, d'autant plus que le peuple irakien attend toujours la libération, la paix et la sécurité, en sus de la démocratie, promises par George W.Bush, avant qu'il n'ordonne l'invasion de l'Irak par les forces armées américaines, un 20 mars 2003.