Réédité aux éditions Chihab, ce roman nous plonge dans le quotidien d'une jeune femme délurée, vivant à Paris, passant son temps entre lire, revendre ses livres, fumer et aimer... Deux mille neuf cent vingt-trois livres partis en fumée. Un nombre record d'une overdose de livres dévorés. Une boulimique de littérature qu'est cette narratrice attachante, héroïne du roman réédité de Fatma-Zohra Zaâmoum. Cela se passe à Paris, Belleville son quartier... Intitulé à juste titre Comment j'ai fumé tous mes livres, ce livre aussi bien passionnant qu'intéressant, raconte les cinq années d'une jeune fille, partagée entre ses envies d'écrire un livre, son travail de téléphoniste et ses amours fuyants. Avant cela, elle était attachée de presse dans une maison d'édition. Mais elle dut se résigner à quitter ce métier. Puis n'ayant pas de quoi se payer un appartement confortable, elle dut louer celui d'un vieil émigré algérien, parti finir sa vie dans son pays, puis hériter malgré elle de cet appartement après que le monsieur meurt. Avec son copain elle refera la peinture des murs et mettra du soin pour placer tous ses bouquins dans sa bibliothèque. Notre narratrice, dont on ne connaît pas le prénom, mène une vie mi-sage mi-folle autour de ses 25 ans. Une vie pourtant pas si trépidante que ça, ponctuée de lecture, de ventes de livres, ses va-et-vient incessants chez son libraire, qui finira par être son dernier compagnon, non pas d'une vie «végétale», mais d'amour enfin, de coeur et de bonnes feuilles. Et comme dans n'importe quelle situation de doute et d'incertitude, notre héroïne raconte non sans une pointe de nostalgie doublée de mélancolie naïve, ses moments de renoncements, avec presque un fond de culpabilité désavouée dans le verre. Un roman où le livre devient obsession et la cigarette une raison de vie, le bol d'oxygène pour résister contre la monotonie. Une façon de tenir mordicus à son rêve d'écrire un livre. Le commencer, l'arrêter puis le poursuivre, trouver l'inspiration, la perdre, faire des rencontres, vendre ses livres, les fumer, lire que des classiques et rien que des classiques pour ne pas s'embrouiller l'esprit avec les contemporains et s'exercer à l'écriture et tenter de voir si l'on est capable d'être écrivain après avoir épuisé le rôle de la lectrice assidue. Toutefois, si les questionnements existentiels sont bien abordés avec délicatesse et sensibilité, la ritournelle de lecture/ fumée tourne comme une boucle dans ce roman et l'on sent un peu vers la fin, l'essoufflement de l'auteure qui veut en finir avec le sujet, après l'avoir épuisé jusqu'à la dernière taffe de cigarette de laquelle s'échappe l'ultime inspiration de venir presque à bout, par fainéantise peut-être de ce livre. En effet, le risque de tomber dans le piège de la redondante sonne à la porte au fur et à mesure que l'on avance dans la lecture du livre qui arrive pourtant à nous accrocher par la simplicité de ses phrases, si bien formulées et la quintessence des sentiments exprimés, voire expiés comme dans l'envolée lyrique d'un chant où il n'en restera que le vague souvenir évanescent d'un passé amer mais revigorant. Ce que l'on appelle un peu le goût des choses. Mais Fatma-Zohra Zaâmoum parvient cependant à éviter cet écueil de justesse en commettant un livre qui rappelle à notre mémoire, le naturel des fautes commises par l'homme dans sa jeunesse et les embûches par lesquelles il doit passer fatalement pour grandir. Les choses auxquelles il faudra un jour renoncer ou bien admettre leur faiblesse, leur épaisseur, jusqu'à les épuiser, ou les sublimer. L'histoire de ce livre que l'auteure finira par «enfanter» est celui d'un homme qui arrivé un jour à la faille de sa vie, croise le regard d'une personne qui lui redonne goût à la vie et considération après avoir perdu espoir en son existence. Un manuscrit que le libraire lira. Et puis ainsi commence cette histoire d'amour quand finit ce roman. Tout vient à point pour qui sait attendre peut-être, puisque notre narratrice finit, en plaquant son Alain, par se mettre avec Antoine, le spécialiste des livres et réaliser son livre. Et entamer, un autre, celui de sa vie avec un autre... Une fin idyllique, romantique, voire un peu facile mais qui au-delà de l'apparence ne confère pas pour autant un univers tout rose à ce roman. Ce dernier tire justement sa singularité du rapport amoureux et charnel qu'entretient l'auteure avec ses livres, autant que de la fumée de cigarette qu'elle inhale jusqu'à trouver enfin le bonheur complet. Celui qui se réalise dans la vie et non plus dans les romans. Et c'est là où l'on bascule de l'autre côté du miroir. Fatma-Zohra Zaâmoum, en plus d'être écrivaine, est scénariste, productrice et enseignante à l'université. Comment j'ai fumé mes livres est son deuxième roman. Une réédition chez Chihab Editions, qui nous a donné la chance de connaître ce roman d'à peine 130 pages. Autant le lire donc!