Le débat continue La seule chose que l'article 51 exige des binationaux est qu'ils choisissent d'être algériens seulement et abandonnent les quelques privilèges de leur «double nationalité». Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a affirmé, jeudi dernier à Alger lors de la présentation du projet de révision de la Constitution devant la commission parlementaire, que l'Algérie sera au rendez-vous avec une «ère nouvelle et un renouveau républicain fort» à la faveur de la révision constitutionnelle, qui est «le couronnement des réformes politiques voulues par le président Bouteflika et qu'il s'est engagé, devant le peuple, à opérer». Sellal a également ajouté que «la révision de la Constitution se propose d'élargir les droits et les libertés du citoyen, ancrer la démocratie pluraliste, conforter les fondements de l'Etat de droit et consolider l'indépendance de la justice dans notre pays.» «C'est dans cet objectif que le préambule de la Constitution a été enrichi pour constituer une partie intégrante du texte fondamental et une référence de même valeur que les stipulations constitutionnelles», a-t-il encore indiqué. C'est dire que Sellal croit au projet de «la deuxième République» promise par le FLN aux Algériens et le tollé soulevé, au sein de la diaspora algérienne, par l'article 51 de ce projet ne semble pas le perturber outre mesure. Bien au contraire. En effet, interpellé par des députés lors de cette séance sur cet article 51 que même le secrétaire général du FLN continue à considérer comme «anticonstitutionnel», il a affirmé qu'«un projet de loi va définir clairement les postes sensibles concernés par l'article 51». De plus, selon lui, «l'article 51 ne vise aucunement nos frères à l'étranger». Abdelmalek Sellal a par ailleurs relevé que cet article constitue une avancée alors que le Code de la nationalité remontant aux années 1970 était fondé sur le caractère «exclusif» de la nationalité algérienne. «Pour la première fois dans l'histoire de l'Algérie, on reconnaît les Algériens porteurs de plusieurs nationalités. Les portes demeurent ouvertes aux Algériens de l'étranger dans diverses fonctions», a-t-il affirmé. Néanmoins, les assurances et les explications du Premier ministre sont loin de calmer les esprits et les binationaux qui se comptent par centaines de milliers, notamment en France où l'émigration algérienne n'est plus seulement composée d'ouvriers, mais aussi de cadres de haut niveau et d'universitaires, ne comptent pas se taire. Un appel à manifester aujourd'hui samedi devant l'ambassade d'Algérie à Paris a d'ailleurs été lancé. Pourtant, à analyser de très près l'article 51 de la nouvelle Constitution, il est aisé de relever sa pertinence politique. Car qu'y a-t-il de plus normal qu'un haut fonctionnaire algérien soit seulement algérien? Dans son livre Quatre nuances de France, l'ancien ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt, croisant son parcours avec celui de Rachid Arhab, Algérien ayant renoncé à sa nationalité algérienne et qui se contente de sa nationalité française, écrit: «Il y a trop d'excès et de facilités avec la double nationalité: ici Français, là Algérien, ailleurs Australien ou Marocain. On ne prend jamais «le menu complet» mais on choisit à la carte les avantages de chaque nationalité [...]. Il est faux de dire que l'on peut indifféremment être rattaché à deux Etats et servir deux pays. On aime un pays, son histoire, on s'identifie à son avenir, on souhaite être un acteur (et non un simple spectateur) du pays dont on a la nationalité. Rachid me dit avoir refusé de reprendre la nationalité algérienne, malgré pourtant la facilité qu'un passeport algérien lui procurerait, parce que, d'une part, il doit tout à la France et d'autre part, il ne se sent pas acteur de la vie politique et sociale algérienne.» Pourquoi les Algériens de la diaspora ne s'inspireraient-ils pas de Rachid Arhab qui, lui, a osé trancher en faveur d'une seule nationalité? Il est vrai que la double nationalité étant l'aboutissement d'un combat effréné de l'Amicale des Algériens en France, il est aujourd'hui difficile de la remettre en cause dans l'absolu. Mais, pour le cas précis de l'accès aux hautes fonctions de l'Etat, il n'est pas inutile de lancer un débat d'autant plus que les Algériens de l'émigration qui s'impliquent dans la vie politique et sociale de l'Algérie sont peu nombreux. «Que dit l'article 51? qu'un Algérien, pour qu'il accède à de hautes fonctions comme ambassadeur ou ministre doit avoir exclusivement la nationalité algérienne. Combien d'Algériens vivant à l'étranger ou nés à l'étranger veulent occuper de hautes fonctions en Algérie? 5000? 10.000? s'est interrogé à juste titre, Ahmed Ouyahia à ce sujet. L'article 51 qui vise, selon le le directeur de cabinet de la présidence de la République, à «renforcer l'immunité de l'Algérie» n'est pas, pour ainsi dire, «discriminatoire» ou «anticonstitutionnel» comme on dit et ce, d'autant plus qu'il est précédé d'un autre article, l'article 24, qui concerne, comme l'a expliqué Ahmed Ouyahia, directement les millions d'Algériens et d'Algériennes à l'étranger, qui attendent la présence de l'Algérie à leurs côtés, et qui souhaitent aussi se rapprocher davantage de leur patrie ou de la patrie de leurs parents et ancêtres».