C'est du moins ce que semble suggérer des parties israéliennes, oublieuses que les Palestiniens n'ont aucun pouvoir sur leur propre territoire. La «communauté internationale» de Moscou à Washington, en passant par Paris, a condamné d'un seul souffle l'attentat suicide qui a coûté lundi la vie à neuf Israéliens, outre celle de l'auteur. Une condamnation qui se justifie certes, s'il n'y avait ce persistant parti pris de l'Occident qui ne voit qu'une seule facette du prisme proche-oriental, condamnant les attaques palestiniennes mais passe totalement sous silence, lorsqu'il ne les couvre pas, les exactions d'Israël envers le peuple palestinien -comme l'attaque du mois de mars dernier contre la prison de Jéricho- dont les territoires -jusqu'à preuve du contraire- sont occupés par une puissance étrangère, et administrés par Israël, qui impose aux Palestiniens son joug. Le conflit israélo-palestinien dure maintenant depuis plus de six décennies sans qu'aucune solution n'apparaisse. De fait, si aucun dénouement n'a pu, jusqu'à ce jour, aboutir c'est bien du fait d'Israël qui prétend avoir la paix tout en gardant la terre alors que les territoires palestiniens occupés demeurent le noeud gordien du dossier proche-oriental. Or, la communauté internationale, si prompte à condamner les Palestiniens, n'a jamais tenté de faire comprendre à l'Etat hébreu où se trouvait son intérêt en l'incitant, non pas à faire des concessions mais seulement, à appliquer l'intégralité des résolutions du Conseil de sécurité afférentes au dossier proche-oriental. Il y a quelques jours, après les bombardements de l'armée israélienne sur la bande de Ghaza qui ont entraîné la mort de plusieurs personnes, dont, deux fillettes, un responsable du Hamas s'est interrogé, face au silence de la ‘'communauté internationale'': «Nous attendions de la part du secrétaire général de l'ONU Kofi Annan des déclarations sur les massacres et les crimes israéliens, mais nous n'avons entendu aucune condamnation ni demandes à Israël ». Mais, bien sûr, c'est connu, on ne condamne pas, ni on ne fait pression sur Israël, Etat souverain -dixit les responsables américains selon lesquels toute pression sur Israël est improductive- qui reste seul à décider de ce qui concerne l'Etat hébreu. De fait, une mansuétude qui place les Israéliens au-dessus des lois internationales qui s'appliquent à tous les pays et citoyens du monde (cf, l'affaire des troupes syriennes au Liban et comment Damas a été forcée d'exécuter la résolution de l'ONU sur la question; ou la guerre du Golfe, avec la bénédiction de l'ONU, pour déloger l'armée irakienne du Koweït, pour ne citer que ces deux cas flagrants du deux poids, deux mesures appliqué au Proche-Orient, quand Israël peut impunément narguer l'ONU sans risque). L'attentat de lundi a en fait permis aux Israéliens de jouer les victimes et de mettre en avant leur antienne comme quoi tous les Palestiniens sont virtuellement des terroristes, y compris l'Autorité palestinienne, qui n'a d'autorité que le nom. Ainsi, un ministre israélien des Infrastructures Ronni Bar-On n'a pas hésité hier à affirmer qu' «il faut proclamer que l'Autorité palestinienne est devenue un Etat terroriste qu'il faut traiter comme tel. Nous avons d'innombrables moyens et nous disposons d'une importante réserve de cibles (potentielles)» indiquant «l'Autorité palestinienne est devenue une Autorité «hamassienne», il n'est pas possible de se cacher derrière le Jihad islamique et permettre ainsi au Hamas de ne pas assumer ses responsabilités», montrant combien Israël fait aujourd'hui un abcès de fixation sur le Hamas comme il le fit hier sur le Fatah et l'OLP. De fait pour Israël, tous les Palestiniens sont des terroristes potentiels, et tous ceux qui se battent pour l'érection de l'Etat palestinien sont condamnables sans rémission. Or, comment peut-on qualifier l'Autorité palestinienne «d'Etat» lorsque le pouvoir est détenu exclusivement par Israël (cf, le siège imposé durant près de trois ans -jusqu'à sa mort- à Yasser Arafat dans son QG de la Mouqataâ). Comment les Israéliens osent-ils parler d' «Etat» lorsque Israël dénie aux Palestiniens le droit d'édifier un tel Etat par la poursuite, notamment, du morcellement des territoires palestiniens dont la construction du mur en est l'exemple le plus probant? Aussi, le Premier ministre palestinien, issu du Hamas, a beau affirmer que la situation dans la région est la résultante directe de l'occupation israélienne, peu de décideurs au niveau mondial sont prêts à l'entendre sur ce thème. Dans une déclaration faite hier, peu avant la réunion de son cabinet, Ismail Haniyeh a en effet indiqué que «la poursuite de l'occupation et des agressions (israéliennes) sont à l'origine de ce cycle» de violence, soulignant «l'instauration de la paix et de la sécurité dans la région sont tributaires de la fin de l'occupation et du recouvrement par le peuple palestinien de tous ses droits». Le président Abbas, lui-même, quelque peu désabusé après le gel de l'aide internationale à l'Autorité palestinienne, n'a pu cacher son amertume: «Nous ne l'accepterons pas, nous ne permettrons pas qu'elles deviennent une réalité. Nous sortirons de cet isolement à tout prix» réitérant, «nous disons au gouvernement israélien, nous sommes une nation pacifique, mais nous voulons nos droits (..) Nous sommes favorables à la Feuille de route, ce qui veut dire un Etat indépendant, sans mur (de séparation) et colonies, pour une solution équitable au problème des réfugiés, pour vivre en paix et en sécurité dans cette région». Est-ce si compliqué, «est-ce trop demander?» s'est exclamé le président palestinien. En un mot, Mahmoud Abbas a résumé la situation: la paix pour la région, la sécurité pour Israël, c'est d'abord un Etat palestinien indépendant, ensuite un Etat palestinien indépendant, enfin, un Etat palestinien indépendant. Ce n'est pas plus compliqué que cela, mais encore faut-il en convaincre la ‘'communauté internationale'' qui ne semble pas avoir le courage de dire aux Israéliens que la paix n'est possible qu'avec le retrait de son armée des territoires palestiniens conformément aux résolutions 242 de juin 1967 et 338 d'octobre 1973. Ce que refuse l'Etat hébreu qui veut imposer sa propre vision de la paix aux Palestiniens et à la communauté internationale avec à la clé, la conservation de la majorité des territoires palestiniens, comme en attestent les constructions de colonies et l'expansion de celles existantes, rendant peu vraisemblable la création d'un Etat palestinien sur un territoire morcelé et tronqué des trois quarts de sa superficie. Privés de leurs droits à édifier leur Etat, les Palestiniens n'ont dès lors pas le choix et rien à perdre alors même que la communauté internationale et les grandes puissances leur reconnaissent ce droit sans pour autant agir, sur Israël, pour que le droit des Palestiniens à un Etat puisse se concrétiser, comme le réitère le président Bush de deux Etats, Israël et la Palestine, côte à côte. Aussi, il faut s'attendre à d'autres Tel-Aviv car, quoique Israël puisse faire, il ne pourra pas arrêter, aujourd'hui pas plus qu'hier, un peuple poussé au désespoir par l'arrogance et l'intransigeance d'Israël.