Abou Mazen passe aujourd'hui l'examen du Parlement palestinien. Le Premier ministre palestinien, Mahmoud Abbas, a rendu publique, dimanche soir la composition de son gouvernement qu'il doit soumettre aujourd'hui à l'approbation du Conseil législatif palestinien (CLP-Parlement). En fait, l'évolution future des événements va dépendre, dans une large part, de l'accueil que les parlementaires palestiniens vont réserver au gouvernement mis sur pied par M.Abbas. Sur un autre plan l'acceptation par le CLP du cabinet Abbas, laquelle conditionne la publication par les Etats-Unis de la «feuille de route», permettra de remettre sur les rails le processus de négociations israélo-palestiniennes jusqu'ici confiné dans l'impasse. Dans un communiqué, reproduit par l'agence palestinienne Wafa, le gouvernement Abbas, après sa formation, a indiqué s'être assigné trois priorités: la levée du siège imposé au président palestinien, celle du bouclage des villes palestiniennes autonomes, enfin la libération des prisonniers palestiniens. Programme minimum pour donner à son cabinet un certain crédit auprès de l'opinion palestinienne et l'autonomie nécessaire pour négocier autant avec les Etats-Unis qu'avec Israël. De fait pour Abou Mazen, l'unité des rangs palestiniens est une nécessité absolue dans les futures négociations, dans le cadre du plan de paix international connu sous le nom de «feuille de route». Aussi, la reconduction à leurs postes des principaux négociateurs et collaborateurs de M.Arafat, Yasser Abed Rabbo (aux Affaires gouvernementales) Nabil Chaâth (aux Affaires étrangères) Saëb Erakat (Négociations) et Salam Fayad (aux Finances) n'est guère une surprise, de même que l'officialisation de Mohamed Dahlane (proche d'Abou Mazen) aux affaires sécuritaires. Dans sa déclaration préliminaire, Mahmoud Abbas indique que sa «priorité» reste «la levée du siège imposé au président Yasser Arafat et la libération des prisonniers palestiniens» détenus en Israël, de même que la levée du bouclage des villes autonomes palestiniennes, qui dure depuis le début de l'Intifada en septembre 2000. M.Abbas assure aussi que son gouvernement «allait poursuivre son oeuvre de constitution d'un Etat palestinien indépendant avec Jérusalem pour capitale». Constitué de vingt-quatre membres, le cabinet Abbas aura du pain sur la planche tant au volet de la reconstruction d'un pays en grande partie détruit par l'armée d'occupation israélienne que, singulièrement, de mener des négociations de paix qui ne dépossèdent pas les Palestiniens de leur droit à ériger leur Etat indépendant, doté de tous les attributs de la souveraineté, et ayant El-Qods pour capitale. Toutefois cette évolution de la situation est liée en premier lieu au vote aujourd'hui du CLP qui doit donner au cabinet Abbas l'investiture légale. C'est même la condition sine qua non de la publication par Washington de la feuille de route. Ce qu'a rappelé, hier, le Département d'Etat américain, dont le chef Colin Powell, entame à partir de jeudi une tournée dans le Proche-Orient devant la conduite notamment en Israël et dans les territoires palestiniens occupés. Cependant, ces deux étapes, de la tournée du chef de la diplomatie américaine, restent conditionnées par l'investiture du gouvernement de Mahmoud Abbas. Donc, une escale à Tel-Aviv et à Ramallah dépend du succès du passage d'Abou Mazen devant le CLP. Mais, il n'y a pas seulement l'investiture du Cabinet Abbas, il faut également voir jusqu'où ira la détermination de Bush à imposer la paix au Proche-Orient, et si elle sera aussi efficace que sa détermination à faire la guerre contre l'Irak et à changer le régime de Saddam Hussein. Les Etats-Unis sont donc attendus sur leur résolution à amadouer les Israéliens, à les rendre plus souples et attentifs aux intérêts de la paix dans la région. Ce qui est loin d'être évident d'autant plus que le ministère israélien de la Défense et les officiers supérieurs de l'armée israélienne d'occupation s'opposent à un retrait des villes autonomes palestiniennes réoccupées. D'aucuns estiment que le chef du gouvernement israélien, Ariel Sharon, va prendre sur lui de devancer la demande, qu'il ne fait pas de doute, que Colin Powell va, lui, faire, un «geste» en direction des Palestiniens, pour aider le nouveau gouvernement de Mahmoud Abbas. Mais quel geste? On indique, à cet effet, que l'armée d'occupation israélienne va procéder à la destruction des colonies sauvages édifiées ces derniers mois. Mais est-ce suffisant pour montrer la disponibilité de Tel-Aviv à négocier avec la nouvelle autorité palestinienne? Rien de moins sûr, lorsque la quasi-totalité des responsables israéliens, dans leurs déclarations, continuent de voir dans le dossier proche-oriental une simple question sécuritaire - certes, pour eux, vitale - et attendent d'Abou Mazen l'élimination du «terrorisme» palestinien. Dès lors, le dialogue de sourds risque de perdurer d'autant que Mahmoud Abbas pose d'emblée la question de l'Etat palestinien et de sa capitale Jérusalem. Aussi, à moins que les Etats-Unis et le quartette jouent le jeu de la feuille de route, devant conduire à l'érection de l'Etat palestinien à l'horizon 2005, le malentendu entretenu par Israël menace de durer.