Les renseignements turcs et Daesh tentent de bloquer l'offensive des kurdes syriens Le ministre des Affaires étrangères saoudien, Adel al-Jubeir, a affirmé que la Russie ne parviendrait pas «à sauver Bachar al-Assad». Même si un semblant d'accord semble avoir été trouvé à Munich, où le ministre russe des Affaires étrangères Serguei Lavrov et le secrétaire d'Etat américain John Kerry ont scellé un modus vivendi qui a déclenché les critiques incendiaires de l'Arabie saoudite et de l'opposition syrienne, sans compter les menaces turques, le conflit est tel qu'on risque plus que jamais un saut dans l'inconnu. Certes, les deux superpuissances s'emploient à circonvenir de tels risques. Elles ont convenu, à la réunion de Munich, une «cessation des hostilités» d'ici une semaine, et une fourniture d'aide accélérée aux populations syriennes assiégées. Pourtant, aucune clause ne stipule l'arrêt des bombardements russes alors même que des échanges vont intervenir entre les dirigeants militaires des deux puissances pour une meilleure coordination de leur intervention contre Daesh et la mise en application du plan de désengagement. Au point que certains candidats à la présidentielle US accusent Poutine d'opérer en Syrie de la même manière qu'en Ukraine, alternant les offensives et les cessez-le-feu périodiques pour «conserver son butin». L'accord de Munich impose donc une coordination entre les deux armées, chose que les Etats-Unis avaient pourtant rejetée jusqu'à ces derniers jours. Mais la nécessité d'aboutir à une cessation des hostilités pour soulager les populations assiégées comme à Alep, a fortement pesé sur les discussions qui ont trouvé une issue avec l'indispensable concertation sur la définition des parties terroristes, la Russie demeurant intransigeante sur le front Al Nosra que les Américains et leurs alliés du Golfe voulaient asseoir avec l'«opposition modérée». Calcul qui a connu hier de nouveaux rebondissements, avec l'intensification des bombardements turcs dans le nord de la Syrie où dominent les kurdes syriens, et surtout les déclarations des responsables saoudiens qui ont annoncé la présence de leurs avions militaires dans une base frontalière en Turquie. L'escalade atteint des degrés qui font douter de la possibilité d'une trêve, telle qu'entendue à Munich, et la résolution du conflit syrien par la négociation politique revêt aux yeux de bon nombre d'observateurs un aspect illusoire. L'aviation turque a ainsi bombardé, pour la seconde fois, hier les positions syriennes, notamment l'aéroport militaire de Minnigh, malgré les appels à la raison des Etats-Unis, pour intimider les avancées kurdes dans la zone d'Alep où l'armée du président Assad est de retour. Le scénario que redoute la Turquie est évident. En prenant le contrôle d'Alep et du nord de la Syrie, les Kurdes syriens risquent d'alimenter les velléités kurdes de Turquie et d'Irak et tenter de régénérer l'ambition du PKK qui combat pour la création d'un Etat indépendant. Option qui n'arrange les affaires d'aucun pays de la région, pas plus l'Irak que la Syrie, mais la méfiance turque est à la mesure des tentatives répétées du PKK de s'inviter par la force à la table des négociations. Fort de ces menaces explicites, Erdogan entend s'allier avec l'Arabie saoudite pour contrecarrer l'opposition kurde en Syrie et, en même temps, s'opposer au leadership iranien dans la région. Officiellement, l'alliance turco-saoudienne vise à combattre Daesh mais personne n'est vraiment dupe, dès lors que les Turcs comme les Saoudiens n'ont pas caché leur intention d'intervenir militairement au sol, générant aussitôt de sévères mises en garde de la Russie. L'opposition syrienne ayant été réduite à sa plus simple expression avant même de se rendre à Munich, et l'armée du président Bachar al Assad gagnant, de jour en jour, du terrain au nord comme au sud du pays, le désarroi des alliés de la coalition occidentale est total. Qui plus est, l'Iran a joint sa propre mise en garde à celle de la Russie, l'adjoint du chef d'état-major iranien, Massoud Jazayeri, ayant averti clairement qu'il «prendra les décisions nécessaires le moment venu». Le monde a-t-il en fin de compte retrouvé l'époque de la Guerre froide? C'est en tout cas ce que pense le Premier ministre russe, Dimitri Medvedev, qui se réfère à des données plus globales, entre autres celles relatives aux pourparlers sur la limitation des arsenaux nucléaires que réclame Washington et que Moscou juge sans intérêt, après les multiples changements intervenus en Europe centrale et plus récemment en Ukraine. En clair, il y a ceux qui tentent, vaille que vaille, de donner une chance, aussi minime soit-elle, aux négociations de paix et ils se comptent sur les doigts d'une main. Et il y a ceux qui s'évertuent à jeter sans cesse de l'huile sur le feu pour tenter d'embraser la région du Proche-Orient. Il suffit pour les situer de s'en tenir aux «exigences» encore répétées par certaines capitales quant à la nécessité du départ du président Bachar al Assad, une demande à laquelle le président Poutine et le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov ont encore répondu, lors d'un entretien téléphonique avec le président Barack Obama, pour le premier, et lors de la conférence de Munich pour le second, assurant tous deux que Bachar al Assad est la meilleure garantie contre l'Etat islamique et les autres groupes terroristes. Mieux, ils ont cité en exemple ce qui est advenu des pays dont les dirigeants ont été sacrifiés, c'est-à-dire l'Irak et la Libye...