La Kabylie est un peu comme une sorte d'îlot à part la morosité ambiante. Les populations et notamment les jeunes ont toujours tenu à fêter comme il se doit l'an nouveau. Les uns avec faste dans les grands hôtels ou encore en bande de gais lurons, les autres tout aussi joyeusement dans des endroits moins clinquants, mais toujours aussi chauds que vivants. Tizi Ouzou, la ville sait bien ce qu'il faut faire en pareille circonstance. Déjà et avec le nouveau jet d'eau en fonction, la place centrale est très joliment décorée avec des enseignes lumineuses proclamant la bienvenue aux visiteurs et les souhaits à tous de bonne année. Mais ce ne sera que dans la soirée de jeudi que les choses sérieuses commenceront. Les boulangers et surtout les pâtissiers auront bien du pain sur la planche. Les bûches sont pour la plupart déjà commandées et les bouteilles de vin pour beaucoup couleront à flots. Les pâtissiers et les revendeurs d'alcool feront des affaires, c'est plus que certain. Tizi Ouzou, ce sont également les gens qui fêteront le Nouvel An, bien au chaud en famille. C'est le cas de Boussaâd qui affirme que «tous les ans, les enfants et mon épouse nous nous mettons en quatre pour que la famille fête dignement l'année nouvelle». Petite bourse et buveur d'eau invétéré, Boussaâd explique que chacun fête le jour de l'an à sa manière ! Ainsi pour lui: «Tout commence la matinée du 31 décembre. On achète au marché local un gros poulet de grain, s'il vous plaît. Le poulet élevé industriellement n'a pas le même goût que le poulet de ferme. Ensuite, c'est le tour des légumes et des friandises pour les enfants. Comment voulez-vous passer un réveillon sans pouvoir offrir aux petits une barre de chocolat et d'autres friandises?». Certes cela coûte assez cher, mais dira Boussaâd: «On fait ce qu'il faut pour parer à la dépense de ces jours de fête!». Comme boisson, Boussaâd a toujours opté pour du bon Hamoud Boualem, il affirme qu'il est resté fidèle à cette marque depuis des lustres et ne se porte que mieux ! Dans un village des Béni Douala, c'est Ahmed, un solide quinquagénaire qui évoque cette fête: «Certes, ce n'est ni l'Aïd El Fitr, ni l'Aïd du mouton, mais c'est une année nouvelle qui commence et l'on doit bien fêter cela!». Aussi dès le mardi ce ne sont que des préparatifs. Il est vrai qu'Ahmed est pensionné en devises, donc ce ne sont pas les moyens qui lui font défaut. Ahmed continue à parler de ce qu'il compte organiser comme agape: «Ce sera d'abord et avant tout une réunion de famille. Les cousins et cousines seront de la partie. Le couscous viande et poulet sera servi à satiété, de même et pour certains hommes, ceux qui ne font pas la prière, quelques bonnes bouteilles de Mascara seront mises à chambrer! La chose ne sera pas facile car la maîtresse de maison n'aime pas cela, mais on s'arrangera pour écluser quelques gorgeons au garage en cachette de madame! J'ai commandé une grosse bûche chez un pâtissier de Tizi Ouzou!» Mohamed, un gars de Boghni dira quant à lui que «pour cette année, la fête tombe bien. Ce sera d'abord un week-end et ensuite il y a cette promesse de neige! Ce sera super!» Mohamed ne crache pas non plus sur la bouteille et pour cette mémorable fête, il pense que lui et des amis se «rinceront bien le gosier». Les pâtissiers, pour leur part, attendent avec une certaine impatience la journée de jeudi. Ils se frottent déjà les mains et savent que leur chiffre d'affaires sera au moins décuplé ce jour-là. En Kabylie, comme un peu partout à travers le pays, existent de petites communautés protestantes. Approché, l'un des membres d'une communauté en Kabylie explique: «Vous savez, nous on fêtera l'An Nouveau avec des cantiques et des amis. Ce qui est important, ce ne sont pas les agapes mais le temps passé avec ceux que l'on aime!» A travers toute la Kabylie, les gens quelque peu argentés se préparent ainsi à fêter comme il se doit l'année nouvelle. Les villages certes auront ce quelque chose qui fait que cette journée-là ne sera pas comme les autres et les villageois «amélioreront» le dîner ce soir-là ! Mais dans la Kabylie profonde, le vrai nouvel an sera dans une douzaine de jours après celui du calendrier grégorien. C'est Yennayer qui sera fêté dignement ! Par contre, dans les villes et surtout à Tizi Ouzou, la fête sera familiale et aussi pour les nantis dans les grands hôtels et restaurants! Cependant, tous prient et souhaitent que l'An Nouveau apporte pour la région la sérénité et le calme et surtout beaucoup de bonheur et de prospérité à tous. 2004 est mort, vive 2005!