Le cinéma nécessite beaucoup de moyens et d'encouragements. Lors de sa visite, jeudi dernier à la cinémathèque de Béjaïa, le réalisateur du film en tamazight Si Mohand U M'hand, Rachid Benallal, a animé un débat avec le public à l'occasion de la projection de son film, abordant tous les aspects de son oeuvre cinématographique. Dans cet entretien, il évoque certaines questions liées à la situation actuelle du cinéma algérien. L'Expression : Comment vous est venue l'idée de réaliser un film en tamazight et sur un personnage aussi mythique que celui de Si Mohand U M'hand? Rachid Benallal: D'abord, je n'avais pas cette idée, mais j'ai entendu dire que le film avait une histoire, parce que cinq réalisateurs ont été pressentis mais ils ont tous refusé de réaliser le film. Au départ, j'ai été sollicité par le producteur (Liazid Khodja, Ndlr), pour assumer le montage du film. Puis, un jour, il m'a remis le scénario, je l'ai lu, j'ai donné mon point de vue. Comme le producteur a fait les mêmes études que moi, il m'a demandé un jour de réaliser le film. C'est là que je me suis intéressé au personnage. J'ai commencé d'abord par lire ce qu'on raconte sur lui, particulièrement Les Issefras de Si Mohand U M'hand, un livre de Mouloud Mammeri. Car il a fait un travail plus documenté et plus recherché, il a mis en situation Si Mohand... Je me rappelle cette histoire quand il rencontre des émigrés dans un café d'Alger et qui frimaient devant l'indigène... Comment étaient les conditions de la réalisation du film? C'était très dur parce qu'on n'avait pas accès aux caméras. Le producteur a fait un effort pour louer une caméra de France, ensuite comme c'est un film en tamazight que peu de comédiens maîtrisent cette langue, il fallait faire un choix drastique avec des jeunes qui viennent du théâtre comme le jeune Hamlat Fodil... C'est un film qui foisonne de personnages, il y en a près de cent. Justement, il y a une insuffisance de comédiens professionnels pour le cinéma, n'avez-vous pas rencontré des difficultés là-dessus? Oui, il a fallu faire un casting. J'ai parcouru Tizi Ouzou, Béjaïa... Ce qui m'a intéressé au départ, c'était la motivation des personnes qui venaient faire le casting. Puis, par la suite, leur représentation au niveau des personnages qui existent dans le film. Je crois que comme vous l'avez dit, il n'y a pas tellement de professionnels mais cela a permis aux jeunes d'avoir l'opportunité de participer au tournage et qui seront demain peut-être des professionnels. Pour enchaîner, comment voyez-vous la situation actuelle du cinéma? La situation est désespérante. On se trouve actuellement face à un mur, soit la jeune génération va grandir avec une image qui est faite chez elle, soit elle va être abreuvée par TPS, par des films qui viennent de l'Occident. Il faut une volonté politique pour réexhumer le cinéma national. Parce que malgré tout, le cinéma national a été quelque part un ambassadeur de la culture algérienne. Mais je pense que maintenant, lorsqu'on voit le budget alloué à la culture, il y a de quoi être désespéré. L'essor du cinéma est-il conditionné par la volonté politique de l'Etat? Forcément. Le cinéma nécessite beaucoup de moyens et d'encouragements. Là, il y a eu la création du Cnca, je pense que c'est de bon augure. Mais comme le cinéma demande beaucoup de moyens, il faudrait que l'Etat puisse ouvrir le cinéma à des jeunes qui ont envie de faire des films, ne serait-ce que des courts-métrages pour que par la suite, ces jeunes puissent avoir une espèce d'effet d'entraînement pour une formation. Il faut savoir que contrairement à ce que l'on pense, le cinéma peut générer du travail. Et comme je vais souvent au Maroc, il y a des villes qui ne vivent que de cinéma. C'est le cas de Ouarzazet, Marrakech... Pour finir, peut-on connaître vos prochains films? J'ai des projets à terme, entre autres l'adaptation de romans très intéressants et un travail que j'ai envie de faire, un téléfilm avec un journaliste, Belkacem Rouache, qui a fait un très beau scénario.